L’objectif principal de ce POC était de tester les conversions SDR/HDR en HLG. L’évaluation des résultats a été effectuée en utilisant une approche visuelle pour identifier d’éventuels artefacts de couleurs, suivie de la mesure des flux IP, assurée par l’outil PRISM de Telestream.
Le format HDR suscite actuellement un intérêt croissant, car il vise à fournir un espace colorimétrique étendu (du P3 au REC 2020) et à travailler avec une plage de luminance plus étendue. Les écrans modernes ont en effet une capacité lumineuse pouvant facilement dépasser les 100 nits (100 candela par mètre carré), ce qui soulève la question de l’adaptation des contenus vidéo pour une projection sur ce type d’écran. Contrairement au SDR, où un seul format est utilisé, plusieurs formats HDR ont émergé, ce qui signifie que le téléviseur doit être capable de reconnaître le format d’entrée et de le décoder correctement. Certains formats HDR, tels que le PQ (Perceptual Quantizer), exigent une luminance de sortie en fonction du niveau vidéo d’entrée. Si le téléviseur ne peut pas fournir le niveau de luminosité requis, il doit alors clipper les niveaux en conséquence.
En revanche, le HLG (High-Dynamic-Range) est un format adaptatif : l’écran ajuste automatiquement le niveau de luminosité requis en fonction de sa capacité maximale en nits. Ainsi, le HLG permet une meilleure compatibilité avec différents écrans, car il s’adapte à la capacité spécifique de chaque appareil. Nous avons choisi le HLG pour les différents tests de conversion.
Conversions SDR vers HDR
Dans les workflows télévisuels, qu’ils soient liés à la production ou à la diffusion, se pose la question de la coexistence du SDR et du HDR. À moins de considérer des workflows entièrement en HDR, il est souvent nécessaire d’effectuer différentes conversions pour obtenir à la fois une version SDR et une version HDR des contenus. L’objectif est de garantir que les images obtenues dans l’univers SDR et HDR soient cohérentes, sans artefacts de couleurs, tout en conservant la même intention artistique.
Un exemple concret serait la supervision de flux HDR dans un environnement SDR, car il serait souvent difficile d’avoir exclusivement des écrans HDR pour le monitoring. En production, il peut y avoir un mélange de caméras SDR et HDR, ce qui entraîne inévitablement la nécessité de conversion pour créer deux univers distincts, mais cohérents.
L’objectif ultime est de permettre une expérience visuelle satisfaisante, que ce soit sur des écrans SDR ou HDR, en préservant au mieux l’intention artistique originale du contenu. Cela implique des procédures précises de conversion, afin d’assurer que les spectateurs bénéficient d’une qualité d’image optimale, quel que soit le type d’écran utilisé pour la visualisation.
Les fonctions de transfert
La perception de la lumière n’est pas linéaire : par exemple, le double des photons ne correspond pas au double de la sensation de lumière. Dans le domaine de la captation, le SDR utilise alors une courbe de transfert dite OETF (Optical-Electro Transfer Function). Cette courbe nous permet de traduire l’intensité de lumière dans le domaine des niveaux informatiques à 10 bits.
Comme on peut le remarquer dans l’image 1, une courbe similaire existe pour le HLG, qui exploite un spectre plus vaste de luminance. La courbe est assez similaire dans les basses lumières, puis elle va s’écarter dans les hautes lumières. Quand il s’agit par la suite de traduire le contenu informatique à 10 bits vers l’écran, il faut appliquer la même courbe, mais inversée : les niveaux vidéo à 10 bits sont reconvertis pour qu’ils puissent s’adapter à l’écran, via l’EOTF (Electro- Optical Transfer Function) (Image 2).
Objectifs du POC
L’application de la courbe HLG avait pour objectif de produire une expansion dans la partie à haute luminosité. Cela visait à créer une sensation de contraste plus important et à révéler les détails présents dans les zones lumineuses, notamment les reflets spéculaires. En utilisant la courbe HLG, les images HDR obtenues devraient donc être capables de fournir une gamme dynamique étendue, permettant ainsi de reproduire une expérience visuelle plus immersive.
Workflow général
L’expérience menée dans le POC a suivi le schéma ci-contre.
- Up conversion (conversion ascendante).
Une source SDR, en format HD 422 50p et dans l’espace colorimétrique REC 709, a été convertie en HDR au format HLG dans l’espace colorimétrique REC 2020. Cette étape visait à étendre la plage dynamique de l’image et à améliorer sa luminosité pour obtenir une version HDR du contenu.
- Down conversion (conversion descendante)
Le résultat de la conversion HDR a ensuite été reconverti en SDR, toujours au format HD 422 50p et dans l’espace colorimétrique REC 709. Cette étape cruciale est appelée « round trip » (aller-retour). L’objectif était d’appliquer une conversion inverse de manière à retrouver exactement le même résultat que l’original en SDR. Cette étape assure que le contenu converti en HDR puis revenu en SDR conserve la cohérence visuelle avec l’original, et qu’aucune information essentielle n’ait été perdue au cours du processus de conversion.
En effectuant ce « round trip », l’équipe du POC pouvait évaluer à quel point la conversion ascendante en HDR était réussie et si le contenu reconverti en SDR préservait l’intention artistique et les détails d’origine du contenu SDR. Cela permettait également de vérifier si la chaîne de conversion était capable de maintenir la cohérence entre les deux univers (SDR et HDR) sans introduire d’artefacts indésirables.
Méthodologie
La méthodologie suivie lors des tests a été la suivante :
- tests séparés : chaque équipement et industriel impliqué dans le POC a effectué ses tests de conversion de manière indépendante. Il n’y a donc pas eu de comparaison directe des résultats entre les différents équipements de conversion.
- paramétrage des équipements : les équipements ont été configurés en fonction des spécifications de la source, qui était en format HD 50p 422, REC 709 et Narrow (plage dynamique standard). La destination attendue était en format HD 50p, HLG (format HDR) et REC 2020 (espace colorimétrique étendu). À part ces critères spécifiques, il n’y avait pas de contrainte particulière concernant le paramétrage des équipements.
En suivant cette méthodologie, les performances de chaque équipement ont pu être évaluées de manière isolée, en se concentrant sur sa capacité à effectuer la conversion souhaitée du SDR vers le HDR (en utilisant la courbe HLG) tout en maintenant une cohérence visuelle optimale. Cette approche a permis de déterminer comment chaque équipement traitait les conversions SDR/HDR, puis le « round trip », en prenant en compte les différentes nuances et caractéristiques propres à chaque appareil.
Équipements testés
1 – SNP/Imagine Communications
Le test du SNP (SMPTE to Network Processor) d’Imagine Communications a été réalisé sans utiliser de LUT (Look-Up Tables) pour les conversions. Au lieu de cela, le choix a été fait d’effectuer un réglage manuel, principalement basé sur des ajustements de gain : +8.25 dB pour l’up conversion (conversion ascendante) et -8.25 dB pour la down conversion (conversion descendante).
Pour les vidéos enregistrées et envoyées en 2110, on a paramétré l’équipement en Display Light, tandis que pour les caméras, deux options ont été utilisées : Display Light ou Scene Light. Ces paramètres ont été utilisés pour ajuster la luminosité et le rendu des couleurs afin d’obtenir des résultats optimaux lors de la conversion entre les espaces colorimétriques et les gammes dynamiques dans les deux contextes différents : live (scene light) et diffusion de contenus enregistrés (display light).
En évitant l’utilisation de LUT et en choisissant un réglage manuel basé sur des ajustements de gain, les résultats du test ont révélé que les conversions étaient entièrement réversibles. Cela signifie que lorsqu’une source SDR était convertie en HDR (HLG) puis reconvertie en SDR, le résultat final correspondait de manière précise à l’original.
De plus, on a constaté que la translation des niveaux dans le waveform était assez linéaire. Cela indique que les ajustements de gain appliqués pendant les conversions n’ont pas introduit de distorsions significatives et que le passage des niveaux de luminosité entre les deux espaces colorimétriques (SDR et HDR) s’est effectué de manière régulière et prévisible.
Effectivement, l’approche basée sur une simple augmentation de gain conduit à des images plus lumineuses de manière homogène, sans introduire de distorsions visuelles. Cela présente l’avantage de préserver l’intégrité de l’image et de ne pas altérer les détails lors des conversions SDR/HDR.
Cependant, cette méthode peut ne pas produire un effet de contraste significatif, tel que celui qui pourrait être obtenu en utilisant des LUT (Look-Up Tables).
En utilisant des ajustements de gain et en évitant les LUT, l’équipe du POC a opté pour une approche plus simple et directe, tout en garantissant que les conversions étaient entièrement réversibles et sans distorsions. Cela nous a permis d’évaluer les performances de l’équipement de manière plus contrôlée et de nous concentrer sur la qualité intrinsèque de la conversion SDR vers HDR, tout en maintenant la cohérence visuelle entre les différentes images produites.
2 – Neuron/EVS avec convertisseur Sublima/B<>com
L’équipement 2110 Neuron d’EVS intègre la brique de conversion Sublima de l’Institut de Recherche Technologique B<>Com. Sublima propose une conversion dite dynamique ou adaptative, car elle ajuste automatiquement, image par image, les paramètres de conversion en temps réel. Cela signifie que la conversion s’adapte de manière continue aux caractéristiques spécifiques de chaque image, sans nécessiter d’intervention manuelle.
Le seul paramètre ajustable dans Sublima est celui du peak de luminance, qui peut être configuré à 203, 400 ou 1 000 nits. La plupart des tests ont été réalisés à 1 000 nits, ce qui permet d’exploiter pleinement la gamme dynamique possible en HLG.
En utilisant une conversion dynamique et en adaptant automatiquement les paramètres image par image, Sublima offre une approche assez flexible pour les conversions SDR vers HDR.
Les tests visuels et les mesures sur le PRISM ont confirmé une quasi-absence d’artefact couleurs et un processus réversible dans le « round trip ». Le processus de conversion dynamique proposé par Sublima s’avère donc particulièrement adapté dans un contexte de diffusion, que ce soit pour adapter un contenu à l’antenne ou pour effectuer des up ou des down conversions, en fonction des spécificités de chaque image, ce qui est essentiel pour obtenir des résultats réalistes et convaincants.
Le contraste obtenu est considérablement amélioré, ce qui rend l’image plus percutante et immersive pour les téléspectateurs. De plus, la conversion dynamique Sublima permet de révéler les détails présents dans l’image de manière très réaliste, créant ainsi une expérience visuelle plus saisissante, tout en conservant une qualité visuelle élevée et une cohérence entre les deux formats SDR et HDR.
3 – HDRC-4000/Sony
Le test du HDRC-4000 de Sony a inclus les éléments suivants :
Une référence de blanc de 203 ou 230 nits a été utilisée comme point de référence pour le HDR Target white (blanc cible HDR).
Trois options de « look HDR » ont été démontrées :
– natural (naturel) : utilisation de la courbe HLG ITU-R BT.2100 pour un aspect naturel de l’image ;
– live (direct) : image plus contrastée et saturée pour un rendu traditionnel plus vif ;
– mild (doux) : un compromis entre les deux autres modes pour un rendu traditionnel avec des ajustements plus subtils.
Ces différentes options de look HDR permettent aux utilisateurs de choisir le style visuel qui convient le mieux à leur contenu, en fonction de l’intention artistique et des exigences de diffusion. Cela offre une flexibilité supplémentaire pour adapter les images en fonction des préférences du réalisateur ou du public cible.
Le HDRC-4000 de Sony se révèle ainsi comme un outil puissant pour la conversion entre les formats HDR et SDR, offrant des options de look variés pour répondre aux besoins spécifiques de la production et de la diffusion télé.
Les résultats des tests ont été très satisfaisants sur le plan visuel. Le contraste obtenu lors de la conversion entre les formats HDR et SDR a été jugé comme satisfaisant, permettant de mettre en valeur les détails et d’améliorer l’expérience visuelle globale.
De plus, les tests ont montré que la conversion HDR vers SDR a permis un élargissement du gamut (gamme de couleurs), ce qui signifie que les couleurs ont été reproduites de manière plus étendue et fidèle à la source. Malgré cet élargissement du gamut, aucune aberration significative de couleurs n’a été remarquée. Le processus de conversion dynamique proposé par Sony, via le HDRC-4000, se révèle particulièrement adapté dans un contexte de production. Il offre une flexibilité considérable et une adaptation optimale aux intentions du réalisateur.
Avec la notion de profil, le processus de conversion permet aux équipes de production de gérer de manière précise et personnalisée la transformation des images entre les différentes étapes de la production. Cela inclut les conversions entre les formats HDR et SDR, ainsi que les ajustements spécifiques pour les caméras, les écrans de monitoring et les plates-formes de diffusion.
Résumé des résultats du POC
- Up conversion
Évaluation visuelle :
– aucun artefact couleur remarqué dans les hautes lumières ;
– occasionnellement, des artefacts de couleurs dans les très basses lumières et dans des conditions critiques ont été remarqués. La couleur bleue peut tourner au violet, ce qui vient non pas des équipements, mais de la courbe HLG dans des zones très sombres.
Mesure :
– bonne correspondance dans le wave-form (forme d’onde) ;
– parfois, des noirs décalés ont été observés, mais sans impact visuel significatif ;
– différentes approches ont été constatées dans la gestion des spéculaires (reflets lumineux) et des très hautes lumières.
- Down conversions et « round trip »
Évaluation visuelle :
– aucun artefact couleur remarqué ;
– dans l’ensemble, les conversions sont réversibles, sauf dans des cas extrêmes en très basse lumière.
Mesure :
– parfois, des zones clippées (perte d’informations) ont été observées dans les hautes et basses lumières ;
– les conversions sont globalement réversibles et les résultats sont très satisfaisants.
- Gestion des spéculaires
Lors du POC, différentes approches ont été observées dans la gestion des spéculaires (reflets lumineux) et des très hautes lumières lors des conversions SDR/HDR. Dans certains cas, l’augmentation de luminance s’est concentrée sur les zones très lumineuses, créant ainsi un effet de contraste prononcé. Cette approche a permis de mettre en évidence les détails et les informations visuelles dans ces zones spécifiques, améliorant ainsi l’impact visuel et l’impression de profondeur.
D’un autre côté, l’utilisation du simple gain pour la conversion a donné des résultats avec une transformation linéaire du waveform, présentant une grande fidélité par rapport à la source d’origine. Cela a permis de préserver la cohérence et la fidélité de l’image tout au long du processus de conversion. Cependant, cette approche peut avoir comme conséquence de moins accentuer le contraste visuel par rapport à l’approche précédente. Les différentes approches offrent donc des compromis entre l’accentuation du contraste et la fidélité de l’image d’origine. Selon les préférences artistiques et les exigences de la production, l’équipe peut choisir la méthode qui correspond le mieux à l’esthétique visuelle recherchée et aux spécifications du contenu. Ces observations soulignent l’importance de choisir une approche de conversion adaptée à chaque situation, afin de maintenir l’intention artistique tout en obtenant des résultats visuels satisfaisants.
Conclusion générale du POC
Ces résultats indiquent que les conversions ascendantes (up conversions) ont été globalement réussies, avec très peu d’artefacts de couleurs. Pour les conversions descendantes (down conversions) et les allers-retours (« round trip »), les résultats ont été également très positifs, avec des conversions réversibles dans la quasi-totalité des cas, bien que des phénomènes de clippage aient été parfois remarqués dans les zones limites du Narrow.
Dans l’ensemble, le POC a montré que les équipements testés ont réussi à effectuer des conversions SDR/HDR de manière satisfaisante voire très satisfaisante, offrant une expérience visuelle convaincante tout en préservant la cohérence et l’intention artistique d’origine.
Cela ouvre des perspectives intéressantes pour l’utilisation de ces équipements dans des workflows de télévision nécessitant des conversions entre SDR et HDR, dans un contexte de production (multi format) ou de diffusion (adaptation du contenu avant antenne).
Enfin la norme SMPTE ST-2110 sur laquelle s’appuyait notre labo est entièrement compatible HDR et rien ne faisait obstacle au transport de ces flux dans les réseaux informatiques.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #54, p. 134-138