Mais les services associés au laser évoluent eux aussi. Les fabricants ont montré à Barcelone leur capacité à lever les principales incertitudes inhérentes à cette technologie mouvante. Les conditions semblent réunies pour que les exploitants qui hésitent à sauter le pas n’aient plus de raisons de le faire.
Vers une cohabitation durable de plusieurs procédés de projection laser
En décembre dernier, Christie affirmait dans un libre blanc que le laser RGB, le procédé haut de gamme réservé pour l’instant aux grands écrans, est le seul à offrir les performances requises pour le cinéma. Pour le fabricant, toutes les salles doivent pouvoir profiter de la qualité d’images exceptionnelle du RGB et de son rendement économique inégalé (le laser phosphore consomme sensiblement plus d’énergie à puissance équivalente d’après Christie).
Ce livre blanc a t’il été un pavé jeté dans la mare de Barco et de NEC qui proposent des gammes de projecteurs laser au phosphore pour les écrans de petites et de moyennes dimensions (tout en commercialisant des projecteur RGB) ?
Si c’est le cas, l’onde de choc ne sera pas immédiate : Christie a bien présenté à CinéEurope un projecteur laser RGB pour les petits écrans (moins de 10 mètres) mais en prévenant qu’il faudra attendre environ 5 ans avant que le “pure” laser (autre nom donné au RGB) soit accessible à toutes les salles; car pour le moment, le prix de ses composants est élevé.
En toute logique, la technologie de projection au phosphore devrait donc poursuivre son expansion car elle offre d’ores et déjà aux exploitants un meilleur rendement économique que le xénon (le surcoût à l’achat est compensé en quelques années par les économies réalisées sur les lampes et par la baisse de la consommation d’électricité – d’à peu près 50%).
L’avenir du laser phosphore paraît d’autant plus favorable que ce ne sont plus deux mais trois fabricants qui développent des projecteurs basés sur ce procédé : Sony, qui avait annoncé il y a plusieurs mois son arrivée sur le marché de la projection laser pour le cinéma, vient de lancer deux modèles au phosphore de 12 000 et 15 000 lumens.
Même si Christie reste à l’écart – son catalogue inclut quand même un projecteur au phosphore pour les petits écrans -, l’offre de phosphore sera suffisamment large pour stimuler les ventes déjà plutôt bien parties : depuis leur lancement en 2015, Barco a vendu environ 2 000 projecteurs Smart laser – le nom donné à sa gamme phosphore – et NEC, le précurseur du laser au cinéma, annonce avoir installé 2 500 projecteurs (au phosphore pour l’essentiel) depuis 2013. Michel Jacob, président de la société en France Actuellement, précise que sur dix projecteurs de cinéma vendus actuellement par NEC en Europe, neuf sont des lasers – du phosphore principalement encore une fois.
Signe de leur confiance dans l’avenir du laser, phosphore ou RGB, Barco et NEC ont arrêté de développer des projecteurs au xénon. Barco l’avait annoncé il y a quelques mois, NEC l’a fait à CinéEurope.
Un nouveau procédé laser
On commençait tout juste à se faire à l’idée qu’il y aurait d’un côté le laser RGB pour les salles haut de gamme et de l’autre le phosphore. Mais NEC a présenté à CinéEurope le laser RB, un hybride des deux procédés : alors que le phosphore fonctionne uniquement avec des lasers bleus, le RB éclaire les écrans avec des lasers bleus et rouges (s’y ajoutent des diodes vertes dans le cas du RGB). Seule la lumière verte n’est pas produite directement par les diodes : elle est obtenue par filtrage de la lumière bleue à travers une roue au phosphore.
NEC présente le laser RB comme un procédé offrant une qualité intermédiaire entre le phosphore et le RGB, pour un coût sensiblement moins élevé que le laser haut de gamme : le prix d’un projecteur RB est à peu près deux fois plus élevé que celui d’un projecteur phosphore de puissance équivalente.
NEC explique de manière très simple la place respective que vont occuper les trois procédés laser commercialisés désormais par la société : le RGB pour les écrans premium, le RB pour les autres écrans de grandes dimensions ou de taille intermédiaire, le phosphore pour les petits et moyens écrans.
On ne peut plus clair. Mais ces explications sont suivies d’une projection de bandes-annonces de films, d’abord avec le nouveau projecteur RB puis avec un projecteur NEC RGB. A la fin, quelqu’un dans le public pose la question qui est manifestement sur toutes les lèvres : y a t’il une différence de qualité d’image entre les deux séquences successives ? Michel Jacob explique que les contenus diffusés avec les deux projecteurs sont de même qualité : ils n’ont pas été optimisés pour la projection RB dont l’espace colorimétrique est sensiblement plus large que le traditionnel espace DCI P3 du cinéma numérique. Le projecteur RGB n’a donc pas pu exprimer pleinement ses possibilités.
NEC a t’il eu tort d’utiliser des contenus non optimisés pour la démonstration de son RB ? Ou de montrer les mêmes bandes-annonces avec les deux projecteurs ? A moins que l’objectif ait été de démontrer que le RB peut mordre sur le territoire des salles haut de gamme théoriquement réservé au RGB ? Réponses après les projections de contenus optimisés.
Offrir aux exploitants la possibilité d’investir sereinement dans le laser
Il devient difficile de se lamenter sur le fait que les technologies – de projection ou autre – évoluent en permanence. C’est un fait. Il appartient à ceux qui les vendent d’adapter leur offre commerciale à ces mutations permanentes. Dans ce domaine, les fabricants de projecteurs de cinéma accomplissent des progrès aussi notables que ceux des technologies qu’ils développent. Deux exemples.
Pour répondre aux interrogations des exploitants sur la durée de vie des sources laser, Barco leur propose un nouveau type de garantie. Prenons le cas d’un projecteur Smart laser (phosphore). La garantie était jusqu’a présent assise sur une durée de fonctionnement : après 30 000 heures, le fabricant garantissait que le seuil de luminosité atteint serait au moins égal à 50% de la puissance initiale. Pas obligatoirement facile à gérer pour un exploitant : si les 50% sont insuffisants pour projeter en 3D, cela signifie que le projecteur est inexploitable (au moins pour le relief) avant que la garantie arrive à échéance.
Dans la nouvelle formule que propose Barco, le nombre d’heures de fonctionnement est remplacé par une date d’échéance précise : 10 ans après la date d’installation par exemple (le maximum envisgeable); et le seuil de luminosité minimal qui doit être atteint passé cette échéance n’est plus forcément de 50% : il est fixé par l’exploitant (50%, 60%, 70%,…).
Comment honorer une telle garantie ? La maintenance joue un rôle clé mais à la base, c’est le choix de l’équipement qui est primordial. Pour durer, un projecteur laser ne doit pas être constamment utilisé à pleine puissance et plus la réserve de puissance inutilisée est importante, plus le projecteur dure. C’est en se basant sur cette règle que Barco oriente le choix de l’exploitant : plus ce dernier souhaite de luminosité résiduelle à la fin de la période de garantie, plus la puissance du modèle que le fabricant lui propose est importante.
On pourrait s’attendre à ce qu’une telle garantie soit particulièrement onéreuse. Dans le cas des projecteurs laser au phosphore, Barco s’engage à trouver une solution faisant que le prix cumulé de l’équipement et de la garantie soit inférieur à celui d’un xénon de puissance équivalente, garanti sur la même durée.
Christie a développé sa propre parade face aux incertitudes des exploitants. Comme il faudra à peu près 5 ans pour que ses lasers RGB soient accessibles à toutes les salles, le fabricant offre aux exploitants qui achèteront un équipement de projection à moyen terme la possibilité de le remplacer dans les trois ans qui suivront par un laser en payant seulement le surcoût de ce dernier.
Tout n’est pas simple dans le laser mais il y en a à peu près pour tous les goûts.