Rencontre avec Al Mooney, Monsieur Premiere Pro ! (Partie 2 : cap sur la VR)

Suite de l’entretien exclusif que nous a accordé Al Mooney, Senior Product Manager for video editing pour Adobe. Il aborde ici la stratégie d’Adobe en matière de réalité virtuelle et les dernières nouveautés de la Creative Cloud (la première partie a été publiée le 27.10.2016)
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Mediakwest : Quelle est l’approche d’Adobe par rapport à la réalité virtuelle ?

Al Mooney : La stratégie d’Adobe en ce qui concerne la RV est une vaste question. La RV représente l’une des évolutions les plus rapides que le secteur ait connues depuis longtemps, et c’est une technologie fascinante. J’ai l’impression que c’était il y a un an à peine que les premiers signes d’intérêt sont apparus et qu’on nous demandait si nous allions nous y mettre. On entendait dire de temps en temps que la technologie pourrait décoller un jour, et à présent je reçois chaque semaine plusieurs messages de sources externes demandant où nous en sommes dans ce domaine.

La technologie est renversante ! J’ai eu l’occasion d’essayer un casque HTC Vive et de jouer à l’aide des manettes spéciales : il ne fait aucun doute que la RV offre une expérience entièrement nouvelle au consommateur de contenus vidéo, et c’est une expérience qui séduit les utilisateurs. Même en achetant un simple masque Google Cardboard et en y plaçant un iPhone 6, on peut vivre une expérience incroyable. La RV se trouvera une place sur le marché, c’est absolument certain.

Pour ce qui est d’Adobe, je pense que la plupart de mes collègues seraient d’accord avec moi ; nous avons d’ailleurs mis au point des fonctions spécifiques pour les workflows de RV, qui seront bientôt lancées dans Premiere Pro.

À l’heure actuelle, en tout cas, la RV est plutôt comme un monstre déchaîné et nous devons attendre qu’il se calme. Je ne pense pas, personnellement, que les longs métrages en RV rencontreront un grand succès. Le visionnage serait très fatigant pour les utilisateurs, et on ne peut pas raisonnablement leur demander de porter un casque sur la tête pendant deux heures.

Pour les expériences, en revanche, lorsqu’il s’agit d’explorer un monde inconnu ou d’enrichir un contenu existant, la RV offre un potentiel énorme. Adobe joue donc un rôle de leader prudent : nous offrons à l’heure actuelle le seul outil de montage incluant des fonctions de RV. Nous pouvons importer des images équirectangulaires, afficher un mode de RV qui place la « caméra » au centre d’une sphère, prévisualiser des contenus en RV stéréoscopique de manière rudimentaire avec des lunettes anaglyphes, et exporter vers les sites sociaux compatibles avec la RV comme YouTube et Facebook.

Nous travaillons avec des monteurs qui créent des contenus RV, et nous leur avons proposé ce workflow avec des résultats prometteurs. Il faudra attendre pour voir quelle importance prendra le phénomène RV, mais je pense qu’il sera plus important que certaines autres technologies que le secteur a essayées ces dernières années.

Chaque fois que je vois quelqu’un mettre un casque pour la première fois, les réactions me convainquent que le public sera demandeur de ce type d’expérience au moins de manière occasionnelle.

 

MK : Toujours dans la RV, qu’en est-il des fabricants de caméras ? Comment travaillez-vous avec eux et quelle est votre place dans l’écosystème de la RV ?

A. M. : Pour l’heure, nous voyons des monteurs importer des images équirectangulaires déjà assemblées pour les monter et les exporter pour être affichées en mode sphérique. Cela nous a semblé peu convivial, et la première chose que nous avons faite a donc été d’accepter que les monteurs importent des images déjà assemblées, et de leur donner la possibilité de les visualiser en mode RV. En ce qui concerne les fabricants de caméras, le marché est extrêmement hétéroclite, et chacun y va de son modèle.

La Ricoh Theta, par exemple, qui ne coûte que 350 dollars, est mon gadget préféré des six derniers mois : elle permet de capturer des images fixes d’une qualité surprenante et de produire des vidéos d’une qualité moyenne, mais son grand atout est qu’elle est à la portée du premier venu. Si l’on regarde des technologies comme la 3D stéréoscopique, les images étaient beaucoup plus compliquées à filmer ; avec la RV, on peut faire ses premiers pas avec une caméra à 350 dollars.

Pour la RV stéréoscopique, le marché proposera donc des appareils simples équipés de deux objectifs grand-angle, tout comme des systèmes beaucoup plus complexes, telle l’Odyssey et ses seize caméras. Nous travaillons en étroite collaboration avec tous les fabricants de caméras, et c’est même l’une de nos forces.

Je souligne toujours que Premiere Pro est capable depuis longtemps de manipuler les fichiers natifs de toutes les caméras : quel que soit votre modèle, vous pouvez le monter et l’exporter sans devoir convertir les fichiers. Nous n’allons pas changer cela, et à mesure qu’apparaissent de nouvelles caméras et de nouveaux fabricants dans le domaine de la RV, nous devons apprendre comment ils prendront en charge l’assemblage des images. Certains le feront au niveau de la caméra, d’autres à l’aide d’un outil externe, et la question dès lors est la suivante : comment Adobe doit-il aborder le stitching ? Nous n’avons pas encore de réponse définitive, mais de manière générale nous allons collaborer avec les fabricants et agir en leaders prudents.

 

MK : Adobe a mis à jour récemment Creative Cloud; quelles sont les nouveautés les plus importantes ? 

A. M. : Pour résumer les quelques fonctions les plus importantes que nous ajoutons à Premiere Pro CC : la première nouveauté est une approche entièrement nouvelle de la gestion de médias dans l’application, qui permet aux utilisateurs de manipuler des fichiers très volumineux, pour des contenus en 8K, HDR ou HFR. C’est important de pouvoir utiliser ces fichiers plus efficacement.

Nous avons donc amélioré la gestion des médias, par exemple en permettant aux utilisateurs de Premiere Pro de copier des fichiers directement de leur caméra à leur espace de stockage – alors qu’ils devaient auparavant le faire eux-mêmes – tout en créant automatiquement des versions proxy, plus légères, associées aux fichiers volumineux. C’est une nouveauté importante, grâce à laquelle nous continuons de permettre aux utilisateurs de manipuler tous les formats existants. Comme à chaque nouvelle version, nous ajoutons de nouveaux formats, et cette fois-ci c’est notamment au tour des formats Red, y compris pour la caméra Weapon.

Parfois, cependant, le matériel n’est pas assez puissant pour manipuler des contenus en 8K à 60p ; c’est même très souvent le cas. Les utilisateurs peuvent tout de même profiter d’une expérience plus fluide en utilisant des proxies, et basculer entre ceux-ci et les contenus natifs d’une simple pression sur un bouton. Les fichiers proxy peuvent même être stockés ailleurs, y compris dans le répertoire Creative Cloud, ce qui permet de travailler sur un autre ordinateur moins puissant avant de revenir sur la station de travail principale pour mettre à jour le projet ou le synchroniser avec le « nuage ». Voilà une première nouveauté importante.

Parmi les autres nouveautés, on pourra citer les fonctions de gestion des couleurs. Il reste encore des progrès à faire sur Lumetri, et nous continuons d’y ajouter des outils colorimétriques pour les monteurs, mais cette nouvelle version apporte son lot de nouvelles fonctions : les préréglages offerts sont bien plus nombreux ; nous avons ajouté la boîte à outils Speedlooks – idéale pour faire ses premiers pas –, la possibilité d’utiliser des surfaces de contrôle, un nouveau sélecteur de couleurs pour la balance des blancs, et une fonction que j’aime beaucoup : une fonction très efficace de sélection des couleurs secondaires pensée spécifiquement pour les monteurs, facile à utiliser et produisant de bons résultats. La couleur représente l’un des grands enjeux de cette nouvelle version, et nous continuerons d’accorder la priorité à ce domaine.

Il y a aussi la RV, où l’expérience consiste à importer des contenus assemblés, passer en mode « champ de vision » où la caméra peut être déplacée à l’aide de la souris, et exporter avec des métadonnées vers une autre application.

Voilà les trois grandes nouveautés, auxquelles s’ajoutent de nombreuses améliorations moins importantes : nous avons entièrement revu le workflow des sous-titres, ce que les utilisateurs demandaient depuis longtemps. Il est possible de changer la police, la taille, la couleur, le fond, la position sur l’écran, et ainsi de suite.

Enfin, comme toujours, nous avons choisi certaines des améliorations les plus demandées pour le montage. Par exemple, de meilleurs raccourcis clavier pour la manipulation des images-clés, une sélection des plages plus facile, des améliorations de la manipulation directe dans le moniteur de programme…

Je publierai un billet sur le blog le jour de la sortie, et vous découvrirez la longue liste des améliorations demandées par nos utilisateurs et qui leur faciliteront la vie !

 

* Cet article est paru pour la première fois, en intégralité, dans Mediakwest #18, pp.46-50. Soyez parmi les premiers à lire nos articles en vous abonnant à notre magazine version papier ici 

La première partie de cet entretien est accessible ici