Didier Carton, délégué hygiène et sécurité cinéma (CCHSCT), revient sur la mise en place des préconisations du guide relatif aux préconisations de sécurité sanitaire pour les activités de la production audiovisuelle, cinématographique et publicitaire, publié en mai dernier, rédigé avec les partenaires sociaux, comme Ghania Tabourga, déléguée hygiène et sécurité audiovisuel et le CMB. Un guide mis à jour à l’aune du nouveau protocole du 16 octobre*.
Comment analysez-vous la situation actuelle ?
Contrairement à une période où l’on n’était pas directement en lien avec des personnes atteintes de la Covid, la situation a changé. Ce qui était encore une exception, au moment de la reprise des tournages, est désormais une réalité plus partagée. C’est observable au travers des visites sur tournage et des appels des productions.
Comment les productions ont-elles accueilli le guide des préconisations de sécurité sanitaire pour les activités de la production audiovisuelle, cinématographique et publicitaire ?
Globalement, les productions se sont appropriées ce document.
Quelles sont les spécificités des tournages ?
Il y a une double difficulté : la mobilité des intervenants sur le plateau qui implique des interactions et donc des ruptures de la distanciation. Certains postes sont traditionnellement en proximité immédiate : combo, maquillage, etc. Il faut alors une rigueur, notamment dans le port du masque. Rares sont ceux qui ne le mettent pas ou mal.
Nous avons fait dans le guide, des focus sur des postes qui travaillent à proximité d’une personne qui ne peut pas porter le masque. Le protocole du 17 septembre prévoit le port du masque dans tous les lieux clos et partagés, avec des dérogations envisageables pour les personnes dont l’activité est incompatible avec ce port, comme les comédiens.
Comment est-ce vécu ?
Nous sommes confrontés à des personnes masquées qui devraient être équipées de visière et de surblouse et qui, par mimétisme et besoin de proximité avec les comédiens, ont du mal à mettre en œuvre ces préconisations. C’est compliqué sur les postes coiffure, maquillage, habillage. Quand on est face à quelqu’un qui n’a pas de masque, nous conseillons le port du FFP2 sans soupape. C’est pénible mais nécessaire.
Quel est l’autre problème que vous constatez ?
Il faut absolument ventiler les espaces, malgré le froid arrivant. La prise des repas constitue aussi une préoccupation. C’est l’endroit où tout le monde pose le masque. Il faut donc y renforcer les mesures et prévoir des protections entre les convives.
Comment les productions gèrent-elles la proximité obligatoire entre comédiens ?
Sur le lieu de travail, c’est la responsabilité du chef d’entreprise de faire en sorte que le virus ne se propage pas. La production doit tout faire pour qu’une personne malade ne contamine pas les autres. Elle est donc obligée de penser différemment l’organisation : il faut arriver à faire des images en jouant des recettes du cinéma… Cela l’oblige sur des scènes banales à aller chercher une écriture, une mise en scène, des effets spéciaux là où l’on n’en avait pas besoin.
Comment gèrent-elles les tests ?
C’est très compliqué. Comme l’a rappelé le gouvernement, l’entreprise n’est pas le lieu des campagnes de test. Ils ne peuvent être mis en place que sur la base du volontariat et leur résultat est la propriété du testé. À cela s’ajoute la fiabilité des tests et tout ce qui se passe autour d’eux, à savoir le mode de vie des personnes, si elles ont une vie sociale intense ou sont plutôt en mode confinement préventif…
Qu’en est-il des figurants ?
Conditionner l’embauche à un test n’est pas autorisé par la loi. Le gouvernement préconise que les personnes s’autodéclarent en cas de symptômes. Mais il ne faut pas se leurrer, les gens ont besoin de travailler. Il est indispensable que les dispositions, tels que les jours de carence, soient suspendues. L’entreprise a tout intérêt à lever ces freins.
Quel constat faites-vous sur la mise en place des référents Covid au sein des productions ?
Tout dépend de la doctrine de l’entreprise sur la mise en œuvre de ces conditions sanitaires et de sa définition du référent Covid : est-ce juste une personne qui vérifie que le masque est porté et qui fournit du gel hydroalcoolique ? Pour l’instant, les référents Covid sont très hétérogènes : certaines productions ont des référents au niveau de l’enjeu et d’autres sont complètement décalés. Nous appelons de nos vœux qu’ils soient formés et dédiés, notamment sur les gros projets. Ils doivent être recrutés dès la mise en production et entrer dans l’équipe d’encadrement du tournage, notamment de la restauration.
Quelques formations existent, dont il est parfois difficile d’apprécier la qualité. C’est pour cela qu’avec Film Paris Région, nous avons rédigé une fiche qui détaille les missions et compétences du référent Covid. Nous y insistons sur la nécessité qu’il puisse accompagner la production dans son évaluation du risque Covid pour que les mesures soient adaptées au plus juste.
Comment voyez-vous les mois à venir ?
C’est la première fois que notre secteur se retrouve face à un problème de santé susceptible de gripper le travail de toute une entreprise. Avec une telle probabilité, nous avons donc tout intérêt à être vigilants à l’instar des Anglo-Saxons, qui mettent en place des health & safety managers. Ce type de ressource devrait nous permettre d’anticiper les situations face au Covid et à l’ensemble des autres risques d’accident que l’on ne doit pas oublier.
Le guide est à retrouver sur http://www.cchscinema.org/
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #39, p. 54-55. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.