Rencontre avec Yves Bigot, le Directeur Général de TV5 Monde

« Il ne faut pas croire les gens qui vous disent que cela n’est pas possible, surtout ! Dans ces métiers, on est patron, puis rien ; et puis, on peut revenir... Il ne faut ni être attaché au salaire, ni au titre ; il est nécessaire d’être humble et mobile et de croire à ses qualités... » Yves Bigot.
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Yves Bigot aime les médias et peut parcourir la complexité de leurs univers avec des dons exceptionnels, de façon libre et responsable ! S’il débute sa carrière en tant qu’animateur, programmateur et réalisateur sur Europe1, il est ensuite journaliste au quotidien de presse Libération ; La radio, un secteur dont il connaît très bien les méandres et les subtilités, grâce (notamment) à France Inter : il y assume avec convictions, la fonction de producteur puis celle de Directeur de la programmation musicale. C’est RTL, qui « s’offre » ses compétences en qualité de Directeur de l’antenne et des programmes.

 

Un parcours ouvert et alerte, jalonné de prises de décisions, comme celle de produire et de présenter « les Enfants du Rock » sur France 2, un succès ! Il assume aussi la Direction des variétés, jeux et divertissements de France 2 puis la Direction des Programmes de cette chaîne publique. À France 4, il est nommé Directeur Général Adjoint chargé de l’antenne et des programmes puis Directeur des antennes et des programmes de la RTBF et d’Arte Belgique. « Côté » producteurs et labels : la FNAC Music Production puis Endemol France l’auront choisi pour sa Direction générale adjointe et Mercury pour sa Direction générale « tout court » et pour sa Direction générale adjointe en charge des programmes.

 

Yves Bigot est Directeur Général de TV5 Monde depuis décembre 2012…

 

Marie cornet-Ashby : Vous avez exercé des métiers passionnants au sein de nombreux médias nationaux, pas simple…

Yves bigot :Ce que je peux vous dire, déjà, c’est que c’est un seul métier pour moi et qui se décline de manière différente. Que ce soit les « lieux » où cela s’exprime : la radio, la télévision, la presse écrite, les maisons d’édition de livres ou de disques ; ou le rôle dans lequel je me trouve quand je l’exerce : animateur, producteur, patron de presse, de radio ou de télévision. Ce sont, pour moi, des déclinaisons d’un même métier. Il faut surtout apprendre les techniques et oser ! Il est plus facile d’appréhender la direction d’une équipe, quand on a soi-même exercé des fonctions opérationnelles. Je pense que pour être complet dans le métier d’aujourd’hui, il faut avoir été (si je peux dire) in et out. Cela permet d’appréhender les difficultés, les inquiétudes, les angoisses, les aspirations ou les rêves des gens…

 

 

Comment se sont déroulées les choses, par rapport à votre carrière assez exceptionnelle ? Un facteur chance, pour vous ?                                                      

Oui de la chance, surtout. Et des rencontres déterminantes, aussi ! Je considère que mes métiers ont été portés par deux vecteurs forts : la culture et la communication. La matière est centrée sur de la culture qu’il faut transformer en communication. Au sein du service public, le travail consiste a apporter la culture au plus grand nombre. Pour ce qui concerne le privé, il faut séduire avec le but de fabriquer un produit culturel payant. Très franchement, je n’ai jamais eu l’impression d’avoir été plutôt animateur, producteur, directeur de maisons de disques et de chaînes de radio ou télévisuelles. J’ai juste appliqué mes compétences à des nécessités, très différentes. L’art pour moi, consiste à identifier des attentes et à bonifier des contenus pour des publics très différents.Fondamentalement, le process est toujours le même. Il est nécessaire de savoir choisir d’excellents interprètes pour parvenir à la réalisation d’objectifs communs, ensemble…

 

 

Y a-t-il des moments où vous vous êtes davantage investi au sein de votre carrière ?Tous, sans exception. Dans ces métiers, ce que l’on apporte, c’est soi-même. Tout ce qui arrive ou se dessine, c’est le prolongement de ce que l’on est de façon consciente ou non, d’ailleurs. Il arrive de décider mais de subir, aussi ! Quand je suis parti à Bruxelles pour diriger la RTBF, il a fallu faire le choix de changer de vie…

 

 

Vous avez ressenti de grandes différences entre les publics français et belges ?        

Oui, à l’évidence. Encore une fois, ce sont les mêmes métiers que l’on exerce. L’environnement entre ces deux pays est très différent et aussi, donc, le public. Et ce qui est passionnant, c’est de comprendre la sensibilité des gens à qui l’on s’adresse. Et pour le coup, les sensibilités de ces deux pays ne sont pas les mêmes. Déjà, en Belgique, on est en concurrence avec les chaînes belges qui sont extrêmement nombreuses, internationales et très regardées. Depuis la fin des années 60, les Belges disposent d’un panel de plus de 60 chaînes.

 

 

Un souvenir vous a marqué, vous avez un média que vous préférez ?                       

J’ai à la fois travaillé pour Endemol France, Libération, France Télévisions, Europe1, France Inter, RTL. Et je n’ai pas de préférence quant à des expériences vécues, vraiment et sincèrement. Les économies de tous ces médias sont très diverses donc les challenges intéressants : tous !

 

 

Vous avez accepté, justement, la direction Générale de TV5 Monde ? Pourquoi avez-vous été choisi, selon vous ?                                                                                      

Je pense (car personne ne me l’a véritablement dit) que si l’on est venu me chercher, cela est sans doute pour mon profil international dans l’univers de l’audiovisuel et ma connaissance de la télévision. TV5 Monde est l’expression de 5 gouvernements : la France, la Suisse, la Wallonie-Bruxelles, le Canada et l’État du Québec. Un certain nombre de mes expériences donnait confiance à mes partenaires francophones… Qu’attend-t-on de vous ? Je crois que je serai jugé sur l’augmentation de nos réseaux de distribution (le nombre de pays susceptibles de recevoir notre chaîne) donc, le nombre de téléspectateurs visés par l’accès à TV5 Monde au niveau mondial, sur le développement son offre numérique, la modernisation de son look, son nom…

 

 

TV5 est présente dans combien de pays, à ce jour ?                                                  

TV5 Monde est distribuée dans 198 pays et territoires, aujourd’hui. À part la Corée du Nord, nous sommes présents dans le monde entier ! Nous diffusons aussi en Afrique, notamment en Afrique francophone. Les 77 pays de l’OIF ont une obligation de distribution de TV5 Monde. Nous sommes présents dans tous ces pays en français mais sous-titrés en 12 langues : l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le néerlandais, le portugais, le roumain, l’arabe, le russe, le japonais, le coréen, le vietnamien, le français, puisque tous ne parlent pas le français. Nous estimons que 60 % de la population qui nous suit est francophile. Aujourd’hui nous réunissons 243 millions de foyers d’abonnés et 55 millions de téléspectateurs par semaine.

 

Comment se segmente l’audience de TV5 ?                     

Nous identifions quatre types de clients : tous les voyageurs qui parlent français, les expatriés, 220 millions de francophones de la planète et les francophiles. Nous diffusons 9 chaînes : France- Belgique-Suisse, Europe, Maghreb Orient, Afrique subsaharienne, États-Unis, Amérique latine, Asie et Pacifique avec des programmes différenciés en fonction des territoires de diffusion et des droits de diffusions. En Europe, nous avons très peu de droits sportifs. Nous achetons de nombreux événements de sports pour les diffuser en dehors de l’Europe. TV5 Monde dispose aussi d’une chaîne jeunesse pour les États-Unis et de deux web TV. Et selon les territoires, les coûts des droits sont différents. En Afrique, il y a énormément de chaînes vernaculaires et nous en sommes une véhiculaire. La couverture de TV5 Monde est mondiale.

 

 

L’ensemble des programmes est décidé de Paris ?                                                  

 Oui, des équipes sont affiliées pour chaque région et les décisions sont prises depuis Paris. En plus de cela, nous avons 4 bureaux à l’étranger : à Los Angeles, à Panama, à Buenos Aires et à Hong Kong. À Paris, la rédaction travaille grâce à des unités programmes. Et les programmes proviennent de trois sources : nos 10 chaînes partenaires (avec programmes de flux gratuits), nos productions propres (8 JT par jour et 8 magazines internes) et des acquisitions : téléfilms, spectacles vivants, cinéma, documentaires, événements sportifs… Nous ne faisons pas de coproductions mais des préachats.

 

 

Il y a eu des scandales sur des salaires d’animateurs, qu’en pensez-vous ?  

  Je peux parler de France 2. Les émissions sont l’expression des animateurs qui les présentent sur cette chaîne et, c’est une évidence pour le public qui les suit, cela justifie pour moi certains salaires. En revanche, certains concepts sont plus importants sur d’autres chaînes que l’animateur, c’est le cas (à titre d’exemple) de Star Academy sur TF1…

 

 

Avez-vous des marques que vous souhaitez développer plus que d’autres, sur votre antenne ?  

Oui : « 64’ Le monde en français », le 1er journal francophone au monde. Qu’en est-il du cinéma ? Nous diffusons 2 500 heures de cinéma. C’est déjà bien. J’aime l’expression américaine, « Content is King »… : je ne la perds jamais de vue.

 

 

Avez-vous des projets personnels pour TV5 Monde, dont vous pourriez parler ?   

Nous voulons valoriser nos contenus, à l’évidence. Et proposer des programmes uniques comme ce JT, qui est une production interne. Nous avons une nécessité de pédagogie unique, ludique, sans sacrifier la qualité. Je pense que tous les êtres humains sont curieux, l’art réside dans celui de se mettre à leur portée…