Orchestre National de l’Ile de France : se promener dans l’orchestre !

Oui, se promener dans l'orchestre est dorénavant possible avec le système Learprint, développé par le spécialiste du son Alain Français. Ce procédé permet de restituer une véritable empreinte sonore, tout en respectant l’environnement spatial dans lequel elle a été relevée.
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Le procédé

Basé sur une captation son multicanaux, ce système de multidiffusion permet de préserver une spatialité sonore proche de la réalité. L’expérimentation s’est déroulée au Siège de l’Orchestre National de l’Ile de France, à Alfortville, au cours d’une session d’enregistrement d’une œuvre de Bellini destinée à produire un CD. A côté de l’auditorium où siégeaient les musiciens de l’orchestre, une salle était consacrée à la diffusion. Equipée de plus d’une cinquantaine de haut-parleurs judicieusement répartis pour restituer fidèlement l’espace sonore de l’orchestre, cette salle de diffusion multicanal permettait une comparaison entre orchestre et enregistrement.

 

La captation

Les résultats passent d’abord par le choix des microphones et de leur positionnement afin de retranscrire non seulement l’instrument à sa place dans l’orchestre, mais aussi son environnement sonore. Pour cet enregistrement, Alain Français a choisi des microphones numériques Sennheiser (série MKH) et Neumann. Ils délivrent un signal numérique au format AES 42, échantillonnés à 48 KHz, acheminé sur un câble Ethernet100 jusqu’au système de mixage. Pour retrouver l’intégralité de l’espace sonore, le son d’un instrument n’est pas diffusé par une seule et unique enceinte, mais par un groupe d’enceintes.

L’instrument n’est pas capté uniquement par le micro le plus proche, mais aussi par tous les micros placés à proximité. Le son arrive donc par ces micros, en tenant compte de la distance qui les sépare lors de l’enregistrement de l’instrument. Sur la console de mixage on visualise la totalité des pistes. En répétition, on établit une balance tonale cohérente par un réglage piste par piste. Comme c’est un orchestre symphonique, la grosse difficulté de la mise en place est la position des micros qui reste essentielle, leur qualité et leur directivité. Un micro mal placé et l’enregistrement de l’instrument perd la cohérence recherchée. Cet espace-temps réel est respecté à la diffusion sonore et reconstitué par la position des enceintes.

 

La multidiffusion temporelle et spatiale

Les enceintes doivent être adaptées à la tessiture du son à reproduire. Alain Français et l’équipe de la Société « De Préférence » ont mis en place les enceintes dans la salle d’écoute. Le mixage et la diffusion multicanal transportent l’auditeur au cœur de chaque pupitre musicien. Ainsi les musiciens, lors d’une écoute post-enregistrement, peuvent évaluer toutes les sensations qu’ils ressentent lorsqu’ils sont en place dans l’orchestre.

Il ne s’agit pas de placer chaque instrument dans une enceinte donnée. Par exemple, une trompette située au chœur de l’orchestre est encore plus perceptible avec ce procédé car on ressent très distinctement le son de la trompette et la réinjection du son dans le micro des cordes, ce qui recréé le véritable environnement sonore propre à l’instrument. Si la trompette était positionnée en un seul point, il faudrait ajouter de la réverbération artificielle pour lui donner une certaine spatialité. Alors qu’avec ce procédé Learprint, le son devient hybride, multiple, il n’est plus linéaire.

 

Pour qui ?

A la base, ce système créé une sculpture sonore et marque une profondeur de champ inexistante à ce jour. Les applications sont destinées, tout d’abord, à une représentation muséographique, pour créer des événements où l’émotion sonore n’a pas besoin d’un support visuel, mais aussi à la pédagogie. Les instrumentistes peuvent écouter leur instrument dans l’orchestre, comme le chef d’orchestre. Il y a un intérêt pédagogique évident dans ce procédé. Pour l’instant « je voudrais que les gens viennent et écoutent d’une autre façon la musique » précise Alain Français. « Contrairement au 5.1, au x.1, là on n’est pas entouré, mais on a une profondeur qu’on n’a pas avec le multicanal traditionnel. C’est une écoute temporelle ».

 

Dans cette expérience, nous avons dénombré une cinquantaine d’enceintes et une soixantaine de micros. « A la diffusion on dispatche ce qu’on veut, où l’on veut. Nous avons des enceintes amplifiées (L Acoustic) dont l’ampli est adapté au haut-parleur, ce qui donne de meilleurs résultats que les amplis extérieurs (mono ou multicanal) associés à des enceintes non amplifiées. Le mariage des pistes se fait sur des micros d’ambiance générale. Par exemple, il y a quatre micros de cordes mélangés sur deux pistes. L’étude du haut-parleur associé à un instrument a été longue.

Pour l’instant c’est de l’auto-production avec des aides, comme celle de Yamaha, de L Acoustic, d’un décorateur (Works) pour faire toutes les stèles, Sennheiser/Neumann nous aident aussi. On arrive à fédérer beaucoup de gens qui veulent participer au projet. Ce travail-là n’a rien à voir avec celui de l’IRCAM. On verra dans l’avenir comment tout cela va pouvoir se mettre en place ».

 

Conclusion

Pour l’avoir vu et écouté, j’ai été littéralement bluffé par la restitution géographique des sons en chaque point, tout en préservant les subtilités de la diffusion sonore. Un phénomène de géolocalisation sonore incroyable pour nos oreilles !