Sound Devices Mix-Pre-6 en situation

Nouvelles entrées de gamme chez Sound Devices, les MixPre-3 et MixPre-6 sont des produits trois-en-un cumulant les fonctions d’enregistreur multipiste sur carte SD, de petit mixeur et d’interface audio USB-C offrant, au passage, la possibilité d’enregistrer des conversations Skype ou FaceTime. Suffisamment compacts pour être fixés sous un reflex, ces couteaux suisses de l’audio offrent une ergonomie architecturée autour d’un écran tactile et plusieurs niveaux d’utilisation. Avec ces machines, Sound Devices déclare en effet s’adresser, non seulement aux preneurs de son, mais aussi aux utilisateurs de DLSR, aux journalistes, aux podcasters ou aux musiciens.*
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Connu tout d’abord pour ses mixettes, puis pour ses enregistreurs audio, et également vidéo sous la marque Video Devices, le constructeur américain a pris, il y a quelque temps, un nouveau souffle en proposant des mixeurs/enregistreurs munis d’un écran LCD permettant la visualisation des niveaux, mais aussi la configuration et les réglages.

C’est le cas par exemple de la série 6 qui comprend aujourd’hui les modèles 633, 664 et 688, populaires parmi les ingénieurs du son, mais dont les tarifs et les fonctionnalités restent résolument tournés vers le marché pro. Pour le vidéaste ou le musicien, le catalogue comprenait jusqu’alors les MixPre-D et l’USBPre2, deux petites mixettes capables de faire office d’interface USB Mac/PC, mais pas d’enregistreur.

À l’heure où Tascam, avec ces DR60 et 701-D ou encore Zoom et ses séries H (4,5, et 6) et F (4 et 8), ravissent vidéastes, ingénieurs du son en herbe et producteurs de Web TV ou de podcast, Sound Devices réagit avec ces deux modèles dont les prix HT se situent en dessous des 1 000 euros.

Plus compacte et a priori taillée pour le son sur reflex, la MixPre-3 propose trois entrées XLR, une entrée auxiliaire multifonction (entrée TC LTC, ligne, micro stéréo…) et embarque un enregistreur cinq pistes (3 Mic/line isolées+ mix bi-piste) capable d’échantillonner jusqu’à 96 kHz.

Plus polyvalente, la MixPre-6 que nous testons ici se différencie avec quatre entrées XLR Combo Jack, un enregistreur 16 ou 24 bit échantillonnant jusqu’ à 192 kHz et un total de huit pistes à l’enregistrement (six entrées en isolé + mix bi-piste). Essai en situations.

 

Une petite Sound Devices à la sauce iPhone

Au déballage, la MixPre-6 impressionne par sa compacité pour une machine dotée de quatre entrées XLR : avec à peine quatre centimètres d’épaisseur pour un poids d’un peu plus de 500 grammes, cet appareil est encore plus compact que le Tascam DR-701D ou le Zoom F4. Le boîtier en alu noir inspire confiance, et le petit écran LCD couleur très lisible donne envie. Les habitués de la marque se retrouveront en terrain connu, les autres s’adapteront vite car ici l’écran est tactile et l’ergonomie soignée.

La face avant est très sobre : juste quatre encodeurs de tailles respectables cerclés d’un anneau Led dont la couleur varie de vert à rouge, en passant par orangé, pour indiquer les niveaux d’entrée préfaders, les trois touches de transport (Rec, Play, Stop), une touche « étoile » paramétrable et c’est tout. Le reste s’effectue avec l’écran et la molette du niveau casque située sur le côté droit.

Attention, l’accès à cette molette, quasi incontournable pour effectuer les réglages, peut être malaisé si l’on branche un casque à prise coudée, ou si la MixPre est exploitée dans une sacoche trop serrée. En tout cas, avec trois pages maximum par section, des touches virtuelles de bonne dimension, un écran principal indiquant les niveaux et les pistes validées à l’enregistrement, l’ensemble est très lisible et la circulation dans les menus super intuitive. Je n’ai presque pas eu besoin d’ouvrir le manuel pour accéder aux fonctions de base. On a l’impression d’avoir un mixeur appartenant à la série 6 du constructeur qui aurait été revisité façon iPhone. Incontestablement, un des points forts de ces MixPre par rapport à la concurrence.

 

Plusieurs options d’alimentation

Contrairement à ce que l’on trouve couramment sur la gamme pro du constructeur, il n’y a pas ici de fiche de type HiRose, mais plutôt une série d’options qui reposent sur des standards plus économiques comme l’USB-C qui permet d’alimenter la MixPre depuis un adaptateur secteur optionnel ou depuis un ordinateur en utilisant soit le câble en Y fourni qui procure une double liaison USB-A (Data et Power), soit un simple câble USB-C/USB-A. En mobilité, une batterie pour smartphone et tablette suffisamment puissante fera l’affaire.

Nos tests avec une RAVPower iSmart 7800mAh ont donné une autonomie d’environ six bonnes heures. Après, le tout est de sécuriser le branchement, de trouver l’endroit pour le fixer et de dénicher les câbles à la bonne dimension, ce qui plaide sans doute, dans ce cas, pour l’utilisation d’une cage ou d’un rig. Mais les concepteurs ont prévu de nombreuses autres alternatives.

Ainsi, la MixPre est fournie avec un adaptateur en plastique permettant d’accueillir quatre piles ou accus LR6, tandis qu’un autre, disponible en option, peut en recevoir huit. La bête étant plutôt gourmande, quatre accus Lithium LR-6 de bonne qualité donneront un peu plus de deux heures d’autonomie. Mieux vaut donc se tourner vers d’autres options plus confortables comme l’adaptateur pour batteries série L qui accepte jusqu’à deux batteries de type NP-F970, F750, F550 ou F330, des références largement utilisées sur bon nombre de caméscopes amateur et pro chez Sony et que l’on retrouve sur Internet à tous les prix !

Nos tests effectués avec une unique NP-F970 fourniront largement l’autonomie nécessaire à une bonne journée de tournage, mais se montreront en revanche peu pratiques en utilisation avec un reflex (lire plus loin).

 

Plusieurs niveaux d’utilisation

Pour s’adapter à différents profils d’utilisateur, Sound Devices a prévu trois niveaux d’utilisation. Destiné à ceux qui n’ont pas de culture audio, le mode Basic simplifie grandement l’exploitation : une seule page d’option pour la configuration des entrées, pas de gain d’entrée à régler, pas besoin d’armer les pistes pour enregistrer. In fine, on retrouve non pas un fichier multipiste, mais un simple Wav deux pistes, l’idée étant de simplifier l’utilisation au maximum, tout en proposant des prestations audio comparables à celles d’une caméra, ce qui après tout peut se montrer suffisant dans bon nombre de situations.

À l’autre extrémité, le mode Advanced permet d’accéder à tous les réglages (trois pages pour configurer chaque entrée) et toutes les possibilités : gain d’entrée, fichier BWF multipiste avec pistes isolées en prefader et premix bi-piste, mais aussi possibilité de bypasser les limiteurs, de grouper deux voies pour la stéréo, d’écouter au casque la stéréo MS encodée à l’enregistrement. On retrouve donc ici des fonctionnalités proches des mixeurs/enregistreurs de la gamme pro.

Enfin, pour ceux qui jugeraient le mode Basic trop limité et le mode Advanced trop complexe, le mode Custom propose un entre-deux. L’utilisateur se doit alors de passer en revue les différentes sections de l’appareil (Channel, Gain, Headphone, Record, Metadata et Output, etc.) afin de choisir les réglages auxquels il aura accès de manière à alléger les options disponibles en fonction de ses besoins.

 

Qualité audio sans compromis

Un appui sur le potentiomètre donne accès aux réglages de l’entrée considérée, tandis que la molette du casque permet d’ajuster rapidement les différentes valeurs. Après avoir choisi la source (Mic, Line, Aux, USB), on retrouve en mode Advanced les traditionnels réglages de gain, de mise en service du 48 V, de coupe-bas (40-80-120 et 160 Hz) de Pan, et même de retard pour chaque voie. Les anneaux lumineux qui entourent les quatre potentiomètres se colorisent en vert, orange ou rouge en fonction du niveau reçu à l’entrée, une indication pour ajuster le niveau d’entrée prefader, sans doute plus conviviale que la diode d’antan, mais à ce stade, un petit peak-mètre serait plus précis. Évidemment, l’accès à ces réglages sera toujours un peu plus lent que sur une mixette standard, mais il faut reconnaître que la configuration se fait de manière remarquablement fluide.

Autre point fort de la machine, la qualité audio d’ensemble – clamée haut et fort par Sound Devices – se vérifie effectivement sur le terrain, et ce à tous les niveaux. Ainsi, le monitoring casque est à la fois puissant et précis sans être agressif. Et puis l’impressionnante réserve de gain de 76 dB est bien réelle et permet d’utiliser tous types de microphones, y compris les modèles dynamiques ou à ruban, toujours intéressants pour isoler des voix dans un environnement bruyant sans souffle gênant. Visiblement, les concepteurs de ce nouveau préampli baptisé « Kashmir » n’ont pas fait de compromis quant à la qualité.

Enfin, la combinaison de limiteurs situés avant et après numérisation rend les MixPre quasi insaturables. Sur une voix, même si votre sujet se met à rire ou à crier, le fichier une fois importé dans la station audio ou vidéo ne montrera pas de saturation, au pire un pompage si la surcharge est importante. Sans nécessiter de réglages particuliers, ces limiteurs constituent un rempart efficace contre la saturation et font des MixPre-3 et 6, des petits enregistreurs faciles à vivre, car ils pardonnent les erreurs ou l’imprévu.

 

Affichage et télécommande

Sur le terrain, l’écran LCD reste toujours parfaitement lisible, même en extérieur par grand soleil. Les touches de transport sont en revanche plus difficiles à lire dans ces conditions, même avec le contraste des Led poussé au maximum. Après enregistrement, la relecture à vitesse nominale, accélérée ou ralentie avant ou arrière s’effectue facilement avec un rendu très agréable. D’autre part, le nommage des fichiers, avant ou après enregistrement, est plutôt bien pensé et rappelle celui des séries 6.

Vu la cible visée, pas ici de véritable rapport son comme sur la gamme pro, mais la possibilité d’inclure des notes. Pour faciliter la saisie de texte, on peut même connecter un clavier USB Qwerty, mais pour des raisons d’alimentation limitée, il devra impérativement être dépourvu de Hub USB, ce qui exclut d’entrée tous les claviers d’origine Apple…

Autre alternative plus portable, l’application gratuite « WingMan » disponible pour iOS ou Android qui permet, via bluetooth, de nommer plus facilement les fichiers, également de piloter l’enregistrement et de visualiser les niveaux, mais curieusement, pas de lancer la lecture…

 

Une interface audio USB originale

Dans un environnement home-studio ou studio, la MixPre-6 peut se comporter comme une interface audio USB 8InX 4Out plutôt compacte. Sur Mac, rien à installer car elle est compatible avec les drivers génériques CoreAudio. Il faudra tout au plus faire un petit tour sur l’application « Configuration Audio et Midi » (AMS) pour vérifier les réglages d’usage. Sur PC, elle apparaît comme une interface 2InX2Out et il sera nécessaire de télécharger les derniers drivers Asio disponibles sur le site pour bénéficier des mêmes possibilités que sous Mac OS.

Ensuite, si l’on souhaite « sonoriser » le système ou l’utiliser avec une application audio ou vidéo, il faut juste penser à passer par la section Output pour y affecter les sorties USB 1 et 2 de l’ordinateur vers le bus de sortie de la MixPre. J’ai ainsi pu enregistrer un commentaire à l’image dans FCPX et dans Pro Tools en profitant de la qualité des préamplis. Pour minimiser la latence dans le retour casque, les développeurs ont d’ailleurs prévu la possibilité de passer rapidement du monitoring USB (écoute de l’ordinateur) au monitoring LR (écoute directe du signal entrant). On regrette juste que le niveau de sortie, de l’ordre de -10 dB, soit un peu faible et moins accessible que sur une interface « classique ».

Plus originale, la MixPre peut également enregistrer les sons provenant de l’ordinateur. Il suffit dans ce cas d’affecter un canal USB (de 1 à 4) aux entrées de la MixPre pour, par exemple, enregistrer le son d’une vidéo YouTube, ou une interview Skype ou FaceTime, à laquelle il faudra ajouter un micro en local affecté à une piste supplémentaire si l’on souhaite également enregistrer les questions.

Enfin, sa compacité, la qualité de son électronique et le fait qu’elle puisse être alimentée par le bus USB en fait une interface à considérer pour l’enregistrement ou la postproduction légère sur site, en conjonction avec la station audio de son choix. Les monteurs son cherchant une solution pour leurs enregistrements Ambisonics à quatre canaux avec des possibilités de monitoring en format B devraient également y trouver leur compte.

 

Avec un reflex numérique

La fixation de la MixPre en dessous du reflex suppose de sortir la clé BTR fournie qui se trouve aimantée derrière l’adaptateur pour pile ou batterie, qu’il convient d’enlever. Pour simplifier le montage, mieux vaut alors exclure les grosses batteries L type NP-970 dont la hauteur gêne soit le passage de l’objectif (pour le slot du haut), soit la fixation sur pieds avec une semelle coulissante (pour le slot du bas). Avec deux NP-F550, dont la hauteur est plus adaptée, on obtient un total d’environ six heures en continu, sachant que l’une prendra automatiquement le relais de l’autre. Le blocage entre l’appareil photo et la MixPre est bon, mais en cas de prise de vue avec un pied, si l’on veut éviter de tout démonter à chaque changement de batterie sur le DLSR, mieux vaut opter pour une fixation rapide comme la Cine Lock de chez 16X9 inc. que conseille Sound Devices.

Après avoir relié la sortie stéréo de la MixPre vers l’entrée micro de l’appareil, le réglage du niveau est facilité par le générateur de 1 000 Hz. En jouant sur l’atténuation de la sortie de l’enregistreur et le niveau d’entrée sur le reflex, on trouve facilement le bon compromis. En cherchant un peu, on peut même utiliser les limiteurs de la MixPre afin de protéger l’appareil photo efficacement contre la saturation. Pour plus de sécurité, on peut utiliser l’entrée Auxiliaire comme retour caméra qui devient alors accessible comme telle depuis le menu casque.

Testé avec un Canon 5D MK III, le TC, reçu sur l’entrée micro HDMI, est bien reconnu et pourra être transmis dans les métadonnées des fichiers BWF produits par la MixPre afin d’obtenir une synchro image/son fiable et plus rapide à calculer que la technologie Plural Eyes basée sur les formes d’ondes audio.

Nous avons pu vérifier la validité de la chaîne dans FCPX 10.3. Par contre, la fonction Rec Trig permettant de lancer l’enregistrement automatiquement sur la MixPre n’est pas encore de la partie pour les appareils Canon. Le site Sound Devices, renseigne d’ailleurs sur les modèles compatibles parmi lesquels bon nombre de Sony (A7S, A7SII, A7R, a6500, NXCAM…) et de Panasonic (GH4, GH5). Affaire à suivre…

 

Une vraie alternative

Au final, Sound Devices crée, avec les MixPre-3 et 6, une nouvelle catégorie de produits, plus abordables que les gammes pro, avec des fonctionnalités certes plus limitées (lire ci-après « Les six différences… »), mais aussi des fonctionnalités uniques, comme le fait de pouvoir enregistrer le son provenant d’un ordinateur. L’ensemble est bien pensé et reste agréable à utiliser, notamment grâce à la qualité de l’écran tactile. Une alternative intéressante à ce que proposent des constructeurs comme Tascam et Zoom dans cette catégorie de prix.

 

LES SIX DIFFÉRENCES AVEC LES SÉRIES 6

Bien que les MixPre 3 et 6 suivent la philosophie maison, avec notamment une qualité de son sans compromis et une ergonomie soignée, les concepteurs ont dû simplifier et alléger certains points comparés aux produits de la série 6 (663, 664, 688) facturés, rappelons-le, au moins quatre fois plus cher.

Voici les principaux :

1. Pas de générateur de time-code ni d’entrée BNC, mais la possibilité d’inclure dans le fichier BWF un code horaire dérivé de l’horloge interne, ou encore le TC externe provenant de l’entrée micro HDMI ou de l’entrée Aux. Notons que, dans les deux cas, une option de Rec Trig est disponible pour les possesseurs des caméras et appareils photos compatibles.

2. Pas de multiples sorties avec des connecteurs à verrouillage type XLR ou min XLR (TA-3), mais une seule sortie sur minijack 3,5 mm asymétrique -10 dB.

3. Pas de sécurisation de l’enregistrement sur deux cartes en simultané (SD et CompactFlash), l’enregistrement des fichiers s’effectuant sur l’unique support SD disponible.

4. Pas d’alimentation externe au standard pro type Hirose, mais de multiples options plus abordables issues du Mass Market (USB-C, adaptateur LR6 et batterie série L).

5. Pas d’accès direct aux réglages de gain d’entrée, de pan ou de coupe-bas, ces réglages s’effectuant en deux étapes à l’aide de l’écran tactile…

6. Réglages ou personnalisation moins poussés sur certains points (balistique des indicateurs de niveau, seuil et pente des limiteurs, monitoring M-S sans encodage…).

 

* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #23, p.28-31Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.