Special Touch Studio, jeune studio pour films matures

Producteur associé aux Films d’Ici (Funan, La Sirène), Sébastien Onomo a ouvert en parallèle en 2015 Special Touch Studio (Vendôme) pour produire des films traitant des cultures urbaines et des thématiques Afrique, Antilles, Caraïbes et Guyane.
AllahSpecialTouchStudio.jpeg

 

 

Mediakwest : La production d’Allah n’est pas obligé s’annonce-t-elle aussi difficile que celle de Funan ou La Sirène produits aux Films d’Ici ?


Sebastien Onomo : Il est possible que la production d’Allah…, encore en développement, nous impose de nombreux studios comme Funan qui a impliqué six studios différents. D’autre part, je ne peux pas garantir au réalisateur Zaven Najjar que j’aurai le soutien des diffuseurs. Pour l’instant, nous avons reçu l’aide du CNC pour le pilote ainsi que le soutien de la Région Grand-Est et celui de Ciclic (Région Centre-Val de Loire). Ces partenaires, très en veille sur les projets d’animation et de fiction et prêts à prendre des risques, nous avaient déjà soutenus sur Funan  de Denis Do et La Sirène de Sepideh Farsi.

 

M. : Ces difficultés sont-elles propres aux films pour adultes ?


S. O. : Il est toujours difficile d’avoir le soutien de partenaires télé qui, pourtant, pourraient garantir le socle de financement. Sur Funan (sortie prévue en 2018), nous n’avons eu que TV5 Monde. Ce film 2D de 5 millions d’euros (qui n’a pas eu l’avance sur recettes du CNC) n’aurait pu se faire sans une coproduction internationale qui a rassemblé La Réunion, le Luxembourg, la Belgique et le Cambodge. Elle est devenue un passage obligé si l’on veut maintenir une liberté artistique, mais nécessite une faculté d’adaptation importante de la part du réalisateur.

 

M. : Les diffuseurs devraient-ils s’investir d’avantage ?


S. O. : Les diffuseurs sont pragmatiques et s’en tiennent à la réalité des audiences. Il faut donc persévérer et proposer au public des films autres que Pixar et Disney ! En France, il n’y a qu’Arte qui affiche officiellement une politique en faveur du film d’animation pour adultes, en en soutenant un par an. Si les diffuseurs français s’engageaient davantage, cela permettrait de faire émerger le genre et d’en faire éventuellement un label français ou européen, en termes de création. Cette nouvelle génération de films d’animation intéresse un public féru de films ayant grandi, comme moi, avec Les Simpson, South Park  ou Dragon Ball Z

 

M. : Les plates-formes peuvent-elles constituer une alternative aux financements traditionnels ?


S. O. : C’est une piste, mais ces nouveaux interlocuteurs ne sont pas tous identifiés et ne sont pas tous en Europe. Il est néanmoins important de faire en sorte d’attirer les plates-formes sur ces films. Car lorsqu’elles se lanceront à faire des achats ou des préachats, elles disposeront déjà d’un catalogue de films et produits. On aura alors posé des bases lisibles.

 

M. : L’Afrique peut-elle devenir un territoire de coproduction ?


S. O. : En 2021, quand Allah… sera terminé (il sera distribué en Afrique par Les Films 26), l’Afrique francophone comptera une cinquantaine de salles équipées en DCP ou qui seront en mesure de distribuer ce genre de films. L’Afrique évolue très vite et bientôt de tels programmes pourront être consultés en salles, sur smartphone ou tablette. Chez Special Touch Studio, nous cherchons à produire des films qui puissent intéresser à la fois le continent africain, en faisant écho à leur quotidien, et le public européen en touchant à l’universel. Nous avons en France une carte à jouer du fait de la langue commune. Avec ces territoires, il faut toutefois faire du business avec respect. Si la France ne se montre pas à la hauteur dans ses échanges avec les producteurs africains, ils se tourneront vers les Américains et les Chinois qui commencent à investir massivement dans les contenus et à prendre des parts de marché avec les plates-formes OTT.

 

* Extrait de l’article « Cartoon Movie 2018 fete la coproduction » paru pour la première fois dans Mediakwest #27, p. 100-104. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.