Peu de contenus audiovisuels peuvent se prévaloir de l’appellation premium. Seuls la fiction (films et séries TV récents) et certains événements sportifs réunissent les conditions nécessaires pour bénéficier de ce qualificatif, ils conjuguent une forte attractivité, une certaine rareté et ont la capacité de faire payer les consommateurs.
Diffusés par un nombre restreint d’éditeurs (l’importance des droits et la relative rareté des contenus premium limitant naturellement le nombre des candidats possibles), les contenus premium sont détenus par des acteurs aux profils très différents. Si la télévision contribue assez largement aux revenus générés par les studios de cinéma et les ligues sportives (de l’ordre de 20 % en moyenne), le poids de la télévision varie significativement selon les pays et les mécanismes de financement mis en place, et selon l’attractivité du contenu à proprement parler.
Dans ce contexte l’opportunité du développement de services OTT spécifiques se pose naturellement aux ayants droit de contenus premium : soit pour valoriser des contenus peu ou pas exposés en télévision, soit pour générer des revenus supplémentaires, soit, enfin, pour faire pression sur les distributeurs traditionnels et faire ainsi “monter les enchères” !
Les réponses que peut apporter l’OTT sont variables…
Les ligues et fédérations sportives ont déjà largement investi Internet pour valoriser les droits de retransmission de leurs événements, soit via une plateforme opérée par des tiers pour les disciplines peu médiatisées, soit en direct pour les sports majeurs.
Ligues et fédérations adoptent des démarches différenciées par pays en privilégiant systématiquement la couverture TV: plus le sport est présent en télévision, moins le service OTT propriétaire propose de choix et on notera que les ligues de football européennes se focalisent uniquement sur la vente de droits TV.
La distribution traditionnelle demeure la plus profitable du fait de l’importance du montant des revenus du marché final de la TV. Pourtant, des simulations montrent que pour certaines ligues sportives un passage en “tout OTT” semblerait réaliste et permettrait de générer des revenus équivalents à ceux des droits TV actuels. Une distribution en direct sur Internet impliquant une désintermédiation d’une partie des acteurs de la chaîne de distribution traditionnelle, les ayants droit pourraient en théorie espérer capter une part plus importante du marché final (jusqu’à 92 % de la valeur pour une distribution en direct contre 28 % dans le schéma classique actuel).
…Mais du côté utilisateurs: les consommateurs sont-ils prêts à souscrire autant d’abonnements que de sports suivis sur la base d’une facturation individuelle en lieu et place d’un accès familial ?
Dans le domaine des contenus de fiction, la chronologie des médias, réglementaire ou contractuelle, limite actuellement les possibilités pour les ayants droit de se lancer dans une stratégie OTT très agressive, il reste en effet essentiel de ménager les distributeurs traditionnels qui assurent actuellement l’essentiel de leurs revenus (salles de cinéma, exploitation DVD, chaînes de TV).
Les plus gros studios adoptent des démarches prudentes, s’adaptant au cas par cas aux contraintes et aux spécificités des marchés géographiques. Les indépendants, qui pourraient voir dans cette stratégie une opportunité de visibilité, privilégient une distribution OTT via des plateformes existantes, faute de moyens financiers pour organiser eux-mêmes la distribution de leurs contenus en ligne.
Hormis le risque financier que représenterait une migration “tout OTT” pour les ayants droit et le défaut de compétence en interne dans l’édition de service vidéo, plusieurs barrières sont également identifiés : on constate que l’accès à Internet haut débit est encore en déploiement sur bien des territoires et le parc de terminaux compatibles est actuellement toujours limité; il existe aussi un cadre légal favorable aux canaux de distribution traditionnels dans beaucoup de pays; un niveau de dépendance élevé présente, en outre, le risque de faire naître une ré-intermédiation avec une plateforme Web dominante.
En résumé : dans le contexte actuel, seule la migration de certains contenus sportifs semble réaliste du point de vue des ayants droit (mais pas des chaînes TV…). Quant à l’organisation de la distribution de la fiction, elle supposerait un profond bouleversement que les différents acteurs de la chaîne de valeur ne semblent pas prêts à accepter à court terme…
Source Idate DigiWorld 2014