Streaming : qui va gagner la bataille des nouveaux acteurs ?

La guerre du streaming a démarré aux États-Unis en novembre. Progressivement, elle gagne l’international avec deux plates-formes qui se sont lancées dans le sillon du leader mondial Netflix : AppleTV+ et Disney+. Qui est le mieux placé pour monter sur la deuxième marche du podium ? Quels choix les internautes feront-ils ?
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Le marché de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement) est promis à un avenir radieux si l’on en croit toutes les sociétés d’études de marché américaines et européennes. Alors que la télévision traditionnelle arrive en fin de cycle, le marché de la SVOD est en pleine expansion. Jusqu’à maintenant, Netflix n’avait quasiment aucun concurrent : Hulu et Amazon Prime Video aux États-Unis et Amazon Prime Video dans le reste du monde, en particulier en Europe de l’Ouest.

Depuis le 12 novembre ce n’est plus le cas : Disney+ est entré dans la bataille et AppleTV+ l’a devancé de quelques jours. C’est maintenant que s’ouvre la « guerre du streaming » qui va voir s’affronter les GAFAN (Google, Amazon, Facebook, Apple, Netflix) aux studios hollywoodiens. Comme le titrait récemment le magazine Variety, le marché de l’audiovisuel est à un tournant de son existence : « Adaptez-vous ou mourez. »

 

« Sky is the limit », le monde en perspective

La bataille de la SVOD ne se limite pas au territoire américain. Les nouveaux « streamers » comptent sur l’international pour accélérer leur développement et concurrencer frontalement Netflix et Amazon.

Selon la société d’études Digital TV Research, les cinq principales plates-formes mondiales compteront 529 millions d’abonnés d’ici 2025. Entre aujourd’hui et 2025, la société d’études estime que les streamers ajouteront 257 millions d’abonnés, soit le double du total actuel. Alors que CNBC estime que Disney+ aura 81 millions d’abonnés, Digital TV Research prédit que le grand gagnant sera Disney+ qui atteindra 101 millions d’abonnés en 2025.

De son côté Netflix devrait gagner 70 millions d’abonnés pour atteindre les 235 millions et rester leader du marché de la SVOD. Avec un léger bémol puisque Netflix ne devrait gagner que six millions de nouveaux abonnés aux États-Unis, marché le plus mature, soit 29 % des abonnés de Netflix en 2025. Simon Murray, analyste principal chez Digital TV Research, précise : « La concurrence est intense, avec plusieurs plates-formes qui “récupèrent” le contenu des autres et avec la guerre des prix en place. En outre, il existe plusieurs accords de distribution exclusive. »

Concernant les autres plates-formes, HBOMax comptera 30 millions d’abonnés payants d’ici 2025 et AppleTV+ 27 millions. Toutefois, il faudra mesurer le nombre d’abonnés inclus dans des offres bundle, comme le fait déjà AppleTV+ avec ses terminaux ou AT&T/WarnerMedia avec ses abonnés.

 

Apple mise sur la puissance de sa marque

Chez Apple, on a choisi une stratégie « à la Amazon » : s’appuyer sur le cœur de métier de l’entreprise (la vente de devices) pour distribuer massivement son offre à la demande et augmenter les recettes basées sur les contenus. Pour y parvenir et compte tenu de son handicap au démarrage (peu de programmes disponibles) et malgré son prix très bas (4,99 dollars), Apple offre la première semaine et quelques épisodes de ses séries, mais surtout un an d’abonnement à AppleTV+ pour tout nouvel achat d’appareil Apple. Soit plusieurs centaines de millions d’abonnés gratuits par an, puisqu’en 2018 Apple a écoulé plus de 300 millions de téléphones, de tablettes et d’ordinateurs dans le monde.

Au lancement, le prix semble être le seul atout d’AppleTV+ ; malgré les six milliards de dollars investis dans les programmes, l’offre démarre seulement avec neuf titres : See avec Jason Momoa, The Morning Show avec le trio de stars Jenifer Aniston, Reese Witherspoon et Steve Carell, Dickinson, For All Mankind, Helpsters, Snoopy in Space, Ghostwriter, The Elephant Queen et Oprah Winfrey.

Bien qu’Apple n’ait communiqué aucun chiffre sur son démarrage, on assistait, dix jours après le lancement, au départ du patron de la fiction, Kim Rozenfeld. Il faut dire que la stratégie mise en œuvre par Apple est assez déroutante : son offre de séries SVOD est noyée dans l’ancien store iTunes Video, avec de la TVOD et de l’EST ; l’ergonomie est discutable en ce sens que les écrans ne se synchronisent pas automatiquement comme c’est le cas pour Netflix et que l’expérience utilisateur n’a rien de très innovant. Autant de petits détails qui laissent penser que la plate-forme SVOD n’est pas tout à fait au point.

AppleTV+ est disponible en France au prix de 4,99 € par mois avec les sept premiers jours gratuits. Le lancement d’AppleTV+ est passé relativement inaperçu en France, sans doute en raison du manque de notoriété de ses premières séries.

 

Disney+ ou la stratégie à deux étages

Disney+ ambitionne de challenger Netflix très rapidement partout dans le monde. Et pour y parvenir, la plate-forme du studio basé à Burbank en Californie n’a pas lésiné sur les moyens. Disney a réuni dans son offre SVOD toutes ses marques les plus prestigieuses (Disney, Pixar, Marvel, Star Wars National Geographic et ESPN aux États-Unis) afin de séduire le plus rapidement possible le public américain avec un prix d’abonnement particulièrement agressif, inférieur au prix de Netflix, à 6,99 $.

Pour compléter son offre, Disney met sur le marché une offre bundle à 12,99 $ composée de Disney+, Hulu et ESPN+. De quoi séduire un large public, à la fois consommateur de TV en live, de sport et de SVOD.

Pour accélérer son développement, Disney+ mise sur deux modes de distribution complémentaires aux États-Unis : le premier en pur OTT (over the top) qui rend l’application disponible directement sur tous les terminaux (Roku, Amazon Fire, Amazon Fire TV, Apple TV, Chromecast, iPhone, iPad et iPod Touch, téléphones et tablettes Android, Xbox One, PlayStation 4 et Smart TV LG, Samsung et Sony et enfin tous les navigateurs Internet) et le second via un partenariat stratégique avec l’opérateur télécom Verizon qui offre Disney+ pendant un an à tous ses nouveaux abonnés. De quoi faire le plein d’abonnés à très grande vitesse. Le succès a été tel le premier jour que les serveurs de Disney+ sont tombés en panne et que les premiers abonnés ont rencontré de nombreux bugs, résolus depuis.

Apptopia, une société spécialisée dans la mesure de la performance des applications, estime que l’application Disney+ a été téléchargée 22 millions de fois en un mois dans les cinq pays (États-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande, Australie et Pays-Bas) dans lesquels le service a été lancé le 12 novembre. Au cours de la première semaine de décembre, Disney+ a comptabilisé en moyenne 9,5 millions d’utilisateurs quotidiens, dont 84 % aux États-Unis. À ce stade, Disney semble avoir remporté la première manche face à Apple. Maintenant les Américains attendent le lancement de HBOMax, en mai 2020, et de Peacock, le service SVOD lancé par Universal. La guerre du streaming ne fait que commencer.

 

La bataille de France

Il faudra attendre le 7 Avril 2020 pour découvrir l’offre de Disney+ en France. Disney+ a choisi de conclure un partenariat stratégique exclusif avec le groupe Canal englobant la diffusion de ses chaînes TV, de ses films en première fenêtre de Pay TV et la distribution exclusive de Disney+. Disney+ sera donc disponible en OTT (over the top), directement via Internet sur tous les terminaux partenaires de Disney+, a priori les mêmes qu’aux États-Unis. Et via Canal pour tout ce qui concerne la distribution chez un FAI.

Le patron D2C (Direct to Consumer) de Disney, Kevin Mayer, promet un lancement qui « va être énorme d’un point de vue marketing » et qui aura lieu « d’ici la fin du mois de mars ». En attendant, les patrons locaux de Disney et ceux de Canal profitent de cette annonce pour le faire savoir sur les réseaux sociaux. Il faut avouer que si Disney veut détrôner Netflix rapidement, il ne faut rien laisser au hasard, en particulier tout ce qui touche à la communication sur les réseaux sociaux.

La guerre de la SVOD va se limiter à un affrontement entre Netflix, Disney+, Prime Video et AppleTV+ puisque de ce côté de l’Atlantique, on sait déjà que nous n’aurons pas HBOMax dans la mesure où tous les droits de HBO sont actuellement exploités par OCS. Grâce à son avance, Netflix, qui compte plus de 6 millions d’abonnés en France, n’a pas grand-chose à craindre avant le lancement de Disney+. Ensuite, cela dépendra de la programmation et de l’offre de Disney+ qui devra se plier aux contraintes de la chronologie des médias et des quotas européens en matière de programmes.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #35, p.82/83. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.