Sunny Side 2015 : les Moissons du Doc…

A partir d’aujourd’hui et jusqu’au 25 juin, 2000 professionnels se retrouvent dans le cadre de la 26 ème édition de Sunny Side of the Doc, marché international devenu désormais incontournable pour l’industrie du documentaire linéaire et interactif. L’espace Encan de la Rochelle, qui héberge le rendez-vous, fait le plein : il accueille 450 exposants, un record ! Yves Jeanneau, fondateur et organisateur nous éclaire sur les points forts de l’événement et son succès…
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« Avec ce cap des 26 ans, nous avons atteint un palier que nous allons maintenir en insistant sur le caractère qualitatif. Notre force est d’avoir construit, année après année, un tissu de producteurs qui viennent ici trouver des projets, des auteurs, des producteurs et des acheteurs. Si nous sommes aujourd’hui dans une dynamique très positive, ce sont grâce à des choix et des réflexions stratégiques initiés il y a 6 ans et patiemment mûris…Et en 2015, le temps des moissons est venu !

 

L’émergence du transmédia, l’intérêt majeur de l’Asie, les initiatives menées en Amérique Latine et au Canada, les 3 journées thématiques autour de l’Histoire Naturelle, des Sciences et de l’Histoire, tout cela participe d’un travail d’équipe. Et, nous ne nous sommes pas trop fourvoyés puisque l’Asie est en demande de documentaires qui suivent les tendances que nous avons mis en exergue cette année …

 

Mediakwest : Justement, pouvez-vous revenir sur les choix stratégiques opérés pour le Sunny Side of The Doc 2015 et votre vision du marché ?

Nous serons, cette année, encore plus nombreux et plus internationaux, avec plus d′exposants et de décideurs. Nous avons notamment recensé plus de 100 producteurs et diffuseurs Allemands inscrits, 70 Anglais, 60 chinois. Parmi les nouveaux partenaires du Sunny Side of the Doc cette année on peut, entre autres, citer Blue Ant Media (Canada), Bell Fund (Canada), AP Archive (UK), Wildscreen Film Festival (UK), Jackson Hole Wildlife Film Festival (USA), Tangled Bank Studios (USA), Creative Europe Desks MEDIA Germany (Germany), RFI instrumental (France), South African Indies ou encore le Taiwan Film Institute. Le Documentaire s′est globalisé ; et nous avons anticipé et accompagné cet élargissement.

 

Dans la même perspective, Sunny Side of the Doc est aussi Le Marché International des documentaires non-linéaires avec le Sunny Lab, qui depuis cinq ans, aura été la chambre d′écho de cette mutation. Adapter les contenus documentaires pour tous les écrans, inventer de nouveaux modes narratifs, des stratégies de production et de distribution novatrices : c′est notre avenir qui en dépend.

 

Contrairement à ce que certains annonçaient il y a six ans, le « doc-entertainment » n′a pas remplacé la qualité, la pertinence, la nécessité qui caractérisent les films documentaires que nous défendons, ici. Le lancement récent de plate-formes comme Curiosity Stream en atteste. Le développement des coproductions internationales et la circulation élargie des programmes également. Les chaînes de télévision vont devoir sortir de leur repli domestique, s′ouvrir à des contenus moins consensuels, répondre aux curiosités et aux attentes de publics jeunes, voyageurs et attentifs. Malgré les coupes budgétaires, les décisions politiques ultra-libérales, le manque de coopération intraeuropéenne, nous voyons bien émerger un nouvel élan, principalement porté par des producteurs allemands et français. Ils sont aussi les plus actifs à l′international, et les plus créatifs.

 

Au Brésil, en Afrique du Sud, dans tous les pays asiatiques, ce n′est plus avec les chaînes de télévision qu′il faut parler en première instance mais aux producteurs qui se structurent, développent des stratégies multimédias et gagnent, petit à petit, leur indépendance éditoriale. Le fait qu′un des «Gold Sponsor» de cette 26éme édition ne soit pas une chaîne mais une société de production chinoise – CICC – est, d’ailleurs, symptomatique de ce changement.

 

D’ailleurs, j’appelle les producteurs de tous les pays à se rencontrer, s’unir, se connaître, se choisir. Ensemble, vous pouvez bouger les montagnes… Et c′est bien pourquoi Sunny Side existe !

 

Les documentaires gagnent droit de cité sur les écrans cinéma, trouvent leur place sur les nouveaux médias, attirent des investisseurs… En étant créatifs, novateurs et internationaux, vous vous ouvrez les portes de l′avenir. Et les sujets ne vous manqueront pas : des changements climatiques aux larges mouvements migratoires, des risques courus par toutes les espèces vivantes aux enjeux économiques, des mémoires qu′il faut préserver aux histoires individuelles ou collectives qui disent les errements et les espoirs de l′humanité… Nous aurons, et pour longtemps, du pain sur la planche ! »

 

Vous avez mentionné l’importance d’une prise en compte de tous les écrans et la montée en puissance des écritures transmedia prise en compte par le Sunny Lab, rendez-vous majeur du Sunny Side. Comment s’installe la dimension non linéaire dans le marché ?

« Le Sunny Lab tel qu’il est conçu cette année provient d’une réflexion que nous avons initiée notamment avec Michel Reilhac il y a plusieurs années, quand personne n’y croyait… Je serai tenté de dire que même aujourd’hui, certains n’y croient toujours pas, arguant du fait qu’il n’y a pas de modèle économique. Et alors ? C’est une superbe opportunité : on peut tester, expérimenter, se planter ou réussir… mais toujours avancer. L’intérêt des nouveaux médias est d’apporter une nouvelle conception du récit, de nouveaux modes de consommation des contenus. Là réside le sens de ce que l’on nomme les nouvelles écritures. Sans lister toute la programmation du Sunny Lab sur les 4 jours du marché, je prendrais uniquement l’exemple de The Enemy*, un documentaire en réalité virtuelle qui a créé la surprise au récent festival du film de Tribeca. Réalisé par Karim Ben Khelifa et produit par Camera Lucida Productions et coproduit avec France Télévisions Nouvelles Ecritures, l’Office National du Film Canadien, Emissive, Dpt. (Department) et l’INA, cette œuvre, qui est de la pure R&D, aura un impact sur la façon de penser le futur de la télévision. Et, c’est parce que cette initiative représente une étape majeure que le Sunny Lab le présentera aux professionnels. »

 

*The Enemy (Lauréat Appel à projets transmédia INA 2015)

« L’ennemi est toujours invisible. Lorsqu’il devient visible, il cesse d’être un ennemi ». En partant de cet adage, le photographe de guerre Karim Ben Khelifa a développé un dispositif qui apporte un éclairage nouveau sur les conflits et leurs participants, aux motivations souvent communes.

 

« The Enemy », est une expérience de réalité virtuelle avec un casque, une expérience immersive via une app pour tablettes et smartphones ainsi qu’un documentaire de 52’. « The Enemy » est produit par Camera Lucida, France Télévisions Nouvelles Ecritures, Emissive et l’INA.

 

Installé au premier étage de l’espace Encan, le dispositif de réalité virtuelle permet de s’immerger via un casque Oculus Rift au coeur d’un dialogue entre « ennemis » et d’interagir avec eux.


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