Dossier : Supports d’enregistrement pour le tournage, les solutions disponibles

À chaque marque ou modèle de caméra correspond une solution d’enregistrement. Les formats du support, débits, prix, ou encore facilité d’exploitation sont à prendre en considération avant de choisir son matériel de prise de vues.*
PANA_P2.jpg

 

La cassette, en tant que support d’enregistrement pour caméras, est aujourd’hui abandonnée, au profit des cartes mémoires. Selon votre âge, vous n’avez peut-être jamais glissé une cassette Betacam, DVCam ou HDV dans son mécanisme. La multiplication des usages, depuis les action-cams jusqu’au cinéma numérique 4K en HFR, a nécessité, sur un temps très court, le développement de nombreux formats de cartes mémoires. Une kyrielle de termes a accompagné ce développement. Nous avons souhaité dresser l’état des lieux actuel de l’offre, sous l’éclairage d’un rapide historique.

 

Les cartes SD et leurs variantes

Successeurs des antiques cartes MMC (MultiMediaCard), les cartes Secure Digital (SD) sont les plus répandues grâce à leurs tailles réduites et leurs coûts raisonnables. Bien qu’il existe une version mini SD, les versions les plus communément commercialisées sont les standards et micro SD.

Les déclinaisons des cartes SD comprennent la version originelle SDSC (Standard Capacity), et les versions hautes capacités SDHC (High-Capacity) et SDXC (eXtended-Capacity). En version standard, la capacité maximale des cartes SD est de 2 GB (des 4 GB ont cependant été produites). Les capacités maximales des SDHC s’échelonnent de 2 à 32 GB et de 64 GB à 2TB (en théorie) pour les SDXC.

Les évolutions des cartes sont définies dans les différentes versions des spécifications SD. La version 3.0 apporte le bus UHS-I (Ultra High Speed) pour les cartes SDHC et SDXC, avec des vitesses de 50 à 104 MB/s et la version 4.0 le bus UHS-II (vitesses de 156 à 312 MB/s). En février 2016, la version 5.0 a été ajoutée pour supporter les vidéos à haute résolution avec des vitesses supérieures à 90 MB/s.

 

Choix des cartes en fonction des débits proposés

Quelques clés sont nécessaires au décryptage des sigles figurant sur les cartes ; c’est notamment le cas pour les indications 133x, 1000x… Cela pourrait faire l’objet d’une question pour le « Jeu des mille euros », pour être moderne : à quoi se rapporte le coefficient multiplicateur indiqué sur certaines cartes mémoires ? Réponse : au débit des premiers lecteurs CDRom, soit 150 kB/s.

Donc une carte 100x indique une vitesse de 15 MB/s. Attention, cette vitesse est une vitesse de lecture obtenue dans les conditions les plus favorables (les vitesses en lecture étant en général, sensiblement plus avantageuses que les vitesses en écriture).

Des indications plus « sérieuses » ont été définies par le biais des classes. Les premières indications de « classe » sont les class 2, class 4, class 6 et class 10. Pour les class 2 à 6, les cartes supportent une vitesse d’écriture en continue de 2 à 6 MB/s. La vitesse supportée pour la class 10 est logiquement de 10 MB/s via le mode High Speed Bus.

Pour les cartes UHS-I et UHS-II, une autre classification à deux niveaux est notifiée sur ces dernières via un U intégrant, en son milieu, le numéro de la classe. Pour la class 1, le débit d’écriture assuré est de 10 MB/s ; il passe à 30 MB/s pour la class 3 (prévue pour la 4K). Une nouvelle classe créée pour la vidéo est sérigraphiée sur les cartes avec un V suivi du numéro de la classe. On trouve les classes V6, V10, V30, V60 et V90 avec une vitesse d’écriture de 6 à 90 MB/s.

 

Cartes mémoires CompactFlash

La carte mémoire CompactFlash (CF), créée en 1994 par la firme SanDisk, est conforme à la norme PCMCIA. Deux versions, type 1 (CF-I) et type 2 (CF-II), diffèrent uniquement par l’épaisseur de la carte : 3,3 mm vs. 5 mm. Les CFast (1.0 et 2.0) et les XQD complètent maintenant la famille CompactFlash.

La CompactFlash Association préside aux destinées de ces cartes. En 2008, elle livre les spécifications de la CFast 1.03, basée sur le bus SATA (Serial ATA); les CF étant basées sur le bus Parallel ATA (PATA).

Les cartes XQD ont été préalablement présentées à la CompactFlash Association par SanDisk, Sony et Nikon en 2010, puis annoncées en décembre 2011. La carte XQD utilise le bus PCI Express, non compatible avec les CF ou CFast.

 

Les vitesses des cartes CF et dérivées

Les révisions successives des spécifications ont donné les débits maximum pour les cartes CF et CF+ (CF 2.0) allant de 8,3 MB/s pour la révision 1.0 (1995) jusqu’à 167 MB/s pour la révision 6.0 ajoutant en 2010 le support de l’UltraDMA Mode 7, et une capacité maximale de 512 GB.

Actuellement les cartes CF les plus rapides proposées talonnent la limite de la révision 6.0, avec un débit de 160 MB/s.

Un symbole présent sur des cartes CF et CFast est destiné à la vidéo. Défini par la CompactFlash Association, la Video Performance Guarantee (VPG) for Professional Video est une spécification comportant trois profils. Elle est symbolisée par un clap de cinéma dans lequel est inséré un nombre. Ce nombre est le débit minimum certifié, en écriture à flux constant pour la vidéo (profil 1 : 20 MB/s, profil 2 : 65 MB/s et profil 3 : 130 MB/s).

Les CFast (CompactFast), sont limitées par l’interface SATA II à 300 MB/s pour la CFast 1.0/1.1. L’interface SATA 3.0 de la CFast 2.0 porte cette valeur à 600 MB/s maximums, valeur compatible avec les besoins des caméras hautes résolutions et HFR. Actuellement, on dispose de cartes CFast de 32 à 512 GB avec des vitesses de transfert jusqu’à 540 MB/s.

Au rayon des capacités des cartes CompactFlash, elles étaient jusqu’en 2010 limitées à 137 GB en théorie (100 GB en pratique). Les capacités ont été libérées via les spécifications CF 5.0., avec une limite portée à 144 pétaoctets grâce à un adressage sur 48 bits.

Les cartes XQD version 1.0 proposent une vitesse entre 125 MB/s (1 Gbit/s) et 500 MB/S (4 Gbit/s) ; la version 2.0, grâce au PCI Express 3.0 propose des transferts jusqu’à 1 000 MB/s (8 Gbit/s) pour une capacité maximale de 2 TB. Sony exploite ces cartes dans plusieurs caméras (PXW Z100, PXW FS7). Nikon a également adopté le XQD sur certains boîtiers, notamment le D5 et le D500.

La première caméra profitant de la CFast 2.0 a été l’Arri Amira (avec des cadences de plus de 200 i/s).

En 2014, Blackmagic Design a commencé à utiliser les CFast sur l’Ursa, puis l’Ursa Mini. Aujourd’hui, parmi les bénéficiaires de ce support média, on trouve l’Arri Alexa mini, les Canon C300MKII, C700, EOS 1D X II et XC 10.

 

Les formats pionniers du broadcast : P2 et SxS

Au début de la généralisation des formats « tapeless » en broadcast, Sony et Panasonic, ont commercialisé leurs propres modèles de cartes propriétaires. Devenus des standards, ils existent toujours sous plusieurs variantes et ont été complétés par de nouveaux formats.

Les cartes P2 de Panasonic, sorties en 2004, étaient originellement taillées pour le « News », où elles ont rencontré un vif succès. Ces cartes sont une association de cartes SD en RAID pilotées par un contrôleur LSI au sein d’un boîtier PCMCIA (PC Card) ; le débit de la carte augmente avec la taille de la carte mémoire ; il était, au moment de la sortie des cartes P2, un des plus rapides. Pour assurer la fiabilité des fichiers, la carte aux spécifications militaires est équipée d’un processeur dédié.

Le succès de cette carte a incité Panasonic à développer une carte micro P2 basée sur les cartes SDHC/SDXC (bus UHS-II) et, pour les débits supérieurs (haute résolution et le HFR), les cartes Express P2. Des adaptateurs permettent à la majorité des caméras Panasonic d’utiliser des cartes micro P2 (adaptateur AJ-P2AD1G), voire des cartes SDHC/SDXC.

Ciblant le même public, Sony a d’abord proposé un format à base de BluRay Disc pour ses caméras XDCAM ; avant de développer sa carte SxS (lire S by S) suivant le standard ExpressCard de Sony et SanDisk. Le débit d’enregistrement des premières cartes était de 800 Mbit/s en continu (avec un débit de lecture de 2,5 Gb/s) à travers l’interface ExpressCard PCI Express. Ces cartes, accompagnant initialement les caméras de la série EX, sont actuellement utilisées sur les PMW F5, PMW F55, PXWX320 et PXWX200. Elles peuvent être lues directement via un slot ExpressCard nécessitant l’installation d’un driver, ou à l’aide d’adaptateurs USB.

Les successeurs de la carte SxS sont les cartes SxS-1 et SxS Pro+ ; les dernières lancées par Sony lors de l’IBC 2014. Les débits des cartes SxS Pro+ sont très confortables, avec un débit d’enregistrement jusqu’à 350 MB/s (2,8 Gbps) et un débit en lecture de 440 MB/s obtenu grâce à l’interface PCIe de deuxième génération. Comparativement à la précédente génération, les temps de transfert sont divisés par deux avec un workflow plus efficace.

Pour les utilisateurs de caméras utilisant les cartes SxS, vous pouvez utiliser des adaptateurs pour cartes SDHC/SDXC, et dorénavant pour cartes XQD via l’adaptateur QDA EX1.

 

Les formats des cartes haut de gamme

Chez Red, les cartes mémoires ont d’abord fait appel à des disques SSD au sein des cartes Redmag 1.8’’ SSD. Les nouvelles cartes sont les Red Mini-Mag ; plus petites et plus rapides, elles permettent des résolutions plus élevées avec un minimum de compression. Les modèles de base proposent un débit jusqu’à 225 MB/s; et jusqu’à 300 MB/s pour les modèles « turbo charged ».

La caméra CION d’Aja utilise les Aja Pak Media à base de SSD. On trouve également des adaptateurs Pak-Adapt-eSATA et Pak-Adapt-CFast pour utiliser ces cartes sur la caméra CION ou sur les enregistreurs Ki Pro Ultra et Ki Pro Quad.

L’expérience du format SxS semble avoir incité Sony à poursuivre sur la voie des cartes propriétaires ; les nouvelles cartes AXS Memory en sont l’illustration. Elles se déclinent en capacités de 256 GB, 512 GB et 1 TB, avec deux débits d’écriture garantis : 300 MB/s (2,4 Gbit/s) et 600 MB/S (4,8 Gbit/s).

Sony a également développé une série de cartes ultra haut de gamme, la série SR Master. Au rendez-vous, vitesse d’écriture élevée (312,5 MB/s [2,5 Gbit/s] ou 687,5 MB/S [5,5 Gb/s] selon les modèles), grande capacité (jusqu’à 1To) et fiabilité. On peut les utiliser avec la F65 via le SR-R4.

 

Enregistreurs externes à cartes mémoires

Parmi les cartes étudiées dans ce dossier, certaines sont exploitées dans des enregistreurs externes. En voici quelques modèles représentatifs.

Blackmagic offre deux enregistreurs externes complets et ingénieux, les Blackmagic video assist et video assist 4K dotés d’écrans tactiles 5 et 7 pouces. Ces deux modèles utilisent les économiques cartes SDHC (une pour le video assist et deux pour le modèle 4K). L’enregistrement se fait en ProRes ou DNxHD 4:2:2 10 bits via SDI ou HDMI.

Atomos utilise les cartes CFast 1.0 et 2.0 dans le Shogun (qui comporte également un SSD), pour un enregistrement 4K, Raw, ProRes ou DNxHD/HR via HDMI ou SDI.

L’enregistreur HD Aja KiPro Mini (Apple Pro Res 422 et DNxHD via SDI/HDMI) fait usage de cartes CompactFlash formatées comme des disques HFS standard, directement « montables » sur des stations de travail Mac, via un lecteur CompactFlash standard.

Dans le haut de gamme de Sony, les enregistreurs sur cartes AXSM, AXS-R5 et AXS-R7, pour les Sony F5 et F55, offrent un enregistrement Raw jusqu’à la résolution 4K à 120 i/s pour l’AXS-R7 sur la F55 et RAW 2K à 240 i/s pour l’AXS-R5.

Le SR-R1 de Sony est un enregistreur à base de cartes SR Memory, pour les Sony F3, F35 et SRW-9000PL. Il enregistre avec la même qualité d’image que le HDCAM SR en prenant en charge les formats SR-Lite (220 Mbit/s) et SR-SQ (440 Mbit/s) en standard. Il peut enregistrer les formats SR-HQ (880 Mbit/s) et non compressés via la carte SRK-R311 optionnelle.

 

Déchargement des cartes

Sur le terrain, des outils permettent l’optimisation du déchargement des cartes avec des options telles que la multicopie des rushes, la vérification de la copie et la prévisualisation des images.

Le constructeur Nextodi propose un modèle, le NSB 25, qui, via l’adjonction de modules interchangeables, gère la sauvegarde de toutes les cartes évoquées dans ce dossier (SxS, XQD, P2 et express P2, AJA PAK, Redmag et Red Mini-Mag, SSD, AXSM) ; et cela vers trois disques simultanément (deux disques internes et un disque externe connecté en USB 3.0), avec génération de fichiers log.

La lecture des fichiers 2K et la prévisualisation des vidéos 4K sur l’écran tactile intégré ou via la sortie HDMI permettent de vérifier la conformité artistique et technique des images. Un modèle plus léger, le NVS2801, possède un unique disque interne.

Si vous n’utilisez pas de déchargeurs de cartes, il existe des solutions logicielles de vérification des copies et de gestion multicopie. Nous citerons comme exemple le logiciel ShotPut Pro 6 de l’éditeur Imagine Products pour Mac ou pour PC. Si vous possédez un abonnement Adobe Creative Cloud, le logiciel Adobe Prelude CC 2017 gère également la multicopie et la vérification de copie.

 

* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #20, p.20-23Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité. 


Articles connexes
Dites bonjour à HELO Plus
 5 septembre 2024