SVOD : Netflix lève le voile sur ses innovations

Au printemps dernier, Netflix a profité du Mobile World Congress de Barcelone pour présenter ses innovations en cours de développement. Une manière de maintenir la pression sur ses nouveaux concurrents américains et de montrer à ses abonnés que sa préoccupation était leur confort de navigation et leur satisfaction.
Todd_Yellin.jpg

Jusqu’à maintenant, Netflix avait plutôt tendance à ne pas trop en dire sur sa stratégie. Évidemment, il y a le fameux et évolutif « Long Term View », les confidences distillées ici et là par Ted Sarandos et Reed Hastings, mais très peu d’informations sur la manière de travailler du leader mondial de la SVOD. Nous ne sommes pas dupes, chez Netflix tout est communication : le pitch est rôdé, les « punch lines » prêtes à être dégainées afin de marquer les esprits et convaincre journalistes et blogueurs de leur dévouement total à la cause des abonnés !

Todd Yellin a présenté les principaux axes de développement de Netflix en matière d’expérience utilisateur. Ils sont au nombre de trois : simplifier la navigation sur la TV, maximiser la qualité de l’image, refondre les interfaces tablette et PC. 

 

1°. Simplifier la navigation sur la TV 

Le travail de Todd Yellin est de rendre plus simple la façon de regarder Netflix. Lui et ses équipes passent beaucoup de temps à améliorer l’expérience utilisateur de Netflix, en particulier en travaillant avec les algorithmes. « Nous savons combien de temps les abonnés passent à trouver un programme, et pour améliorer l’expérience utilisateur, il faut raccourcir ce laps de temps qui est trop long et qui oscille entre 90 secondes et 2 minutes. Notre mission est donc de diminuer ce délai, les gens veulent trouver les programmes plus vite » explique Todd Yellin. 

« Quand les gens allument leur TV traditionnelle, immédiatement les images bougent, ils voient ce qu’il se passe. Quand on se connecte à Netflix, on arrive sur une page qui explique ce que vous allez voir. C’est une expérience différente. Aujourd’hui, si vous utilisez par exemple une PS4, vous arrivez sur le titre, vous avez la description du programme et un autre écran vous donne plus d’informations. Ce qui va changer, c’est que, quand vous cliquez sur le titre, la vidéo démarre immédiatement. »

Grâce à ces travaux, Netflix cherche à faire en sorte que les algorithmes de recommandation, couplés à un démarrage très rapide de la vidéo, augmentent la satisfaction des abonnés. Si l’on en croit le patron de l’innovation produit, ce test s’est révélé être un succès auprès des abonnés, puisqu’ils ont davantage regardé Netflix. Cette innovation sera donc en ligne cet été. 

 

2°. Maximiser la qualité de l’image

« Comme vous le savez, nous sommes à la recherche de la meilleure qualité d’image » déclare d’emblée Todd Yellin. Et d’expliquer que Netflix démarre son process d’intégration de la 4K dès l’écriture des scénarios, en l’intégrant dans les discussions avec les auteurs et les réalisateurs. Netflix s’appuie sur des partenariats avec les fabricants de TV dont Samsung et LG. En plus de la 4K, Netflix mise sur le HDR (high dynamic range) afin d’offrir une image encore plus colorée. « La 4K offre plus de pixels et le HDR plus de détails de couleurs dans les images » précise Todd Yellin. Il ajoute « nous faisons tout cela pour le symbole, pour la perception. Nous avons parlé avec de nombreux consommateurs français, abonnés et non abonnés. On leur a demandé ce qu’était l’internet TV : en fait, très peu ont compris ce que c’était. Beaucoup pensaient que l’internet TV se limite à regarder des vidéos courtes de trois minutes et de mauvaise qualité sur YouTube ou des services équivalents. Mais, désormais, internet est le premier pour la vidéo de qualité, c’est le futur de la télévision. » 

La Saison 3 de House of Cards a été tournée avec le capteur 6K Red Dragon. C’est la société Encore qui a été chargée de la post-production afin de traiter les fichiers 6K R3D ainsi que les fichiers d’effets spéciaux 6K DPX. C’est un petit exploit car le plus souvent les producteurs livrent les fichiers d’effets spéciaux (VFX, pour Virtual Effects) en 2K.
Les fichiers natifs ont été mixés non compressés en 6K avec Flame (Autodesk) en respectant le plus possible le format vidéo d’origine.
 

Encore a ensuite créé un master d’archive en 6K d’une taille de 5,5 TB (Terabytes) pour chaque épisode d’une heure, ainsi qu’une version 4K de 2,5 TB. Netflix diffuse les épisodes en 4K auprès des abonnés qui ont souscrit cette option et qui disposent à la fois d’une TV 4K et d’une bande passante suffisante. Grâce à la technologie de l’adaptative streaming, si le débit n’est pas suffisant, les abonnés voient les épisodes en HD.

Par ailleurs, la 4K n’est pas accessible dans toutes les formules d’abonnement, mais seulement dans la version la plus chère, à 11,99 €. Pour être franc, rien de révolutionnaire. Netflix profite du fait que les chaînes TV traditionnelles diffusent peu de programmes en 4K pour en faire un argument marketing quasi exclusif.

 

3°. « User Interface » : de la jaquette DVD au cinémascope !

Cette partie de la présentation est plus surprenante dans la mesure où, si l’on en croit les déclarations de Todd Yellin et Joris Evers, les interfaces présentées sont encore en cours de test et pourraient ne pas voir le jour. Encore une fois, bravo pour la maîtrise marketing de la firme de Los Gatos. Todd Yellin prend un réel plaisir à nous expliquer : « On se concentre sur ce qui peut améliorer l’expérience des utilisateurs. L’interface actuelle de Netflix est construite sur le concept d’un video club, les images sont verticales. Quand vous créez un nouveau service, vous vous inspirez de la métaphore d’une technologie passée et vous développez votre design sur cette base. Cela a inspiré les UI de nombreuses sociétés. C’est ce que vous voyez actuellement sur l’interface de Netflix. Nous pensons maintenant qu’il faut aller vers la prochaine étape. Et pour la prochaine étape, nous utilisons une autre métaphore : le cinéma. »

Todd Yellin poursuit sa démonstration en expliquant que la métaphore du cinéma est pertinente pour deux raisons : 

  • La première raison tient à la qualité de l’image qui devient très bonne, à la taille des TV qui grandit et au son qui est de plus en plus riche : nous avons le cinéma à domicile. 
  • La seconde raison est encore plus importante : les programmes qui sont créés pour la télévision ne sont pas créés par les meilleurs scénaristes et les meilleurs réalisateurs. Maintenant que Netflix fait partie de cette économie, ils utilisent les meilleurs talents pour créer des séries avec la plus grande liberté, sans publicité, sans censure, avec la meilleure image. « La télévision est une grande place, c’est pour cela qu’on travaille avec les Wachowski pour faire une série (Sense8) qui sera en ligne en juin prochain : ils n’avaient jamais travaillé à la TV auparavant. Baz Luhrmann travaille aussi avec nous, car les cinéastes adorent les grandes images, les grands écrans ; Baz va faire une série TV pour Netflix (The Get Down) » déclare l’enthousiaste Todd Yellin.

Comme nous pouvons le voir sur les interfaces présentées à Barcelone, Netflix passe donc d’un concept de verticalité à un concept d’horizontalité. « Ceci nous amène à modifier la présentation des écrans sur nos interfaces : les images deviennent horizontales, car les images horizontales font penser au cinéma. Nous utilisons donc des images plus grandes, plus d’images pour donner une plus grande évocation du cinéma. Et pour se décider à voir un programme, les gens regardent les images. C’est donc ce qui est le plus important » commente le patron de l’innovation produit. 

Il ajoute : « mais je ne sais pas si cette UI va l’emporter, mais peut-être ne sera-t-elle pas validée. 200 000 membres de Netflix sélectionnés au hasard partout dans le monde ont cette nouvelle expérience. Nous analysons si les personnes qui ont cette nouvelle interface regardent plus de programmes que les autres. On ne sait donc pas ce qui va se passer, si cette interface ne fonctionne pas, je la prends et je la jette à la poubelle ! Ce sera un sale moment. »

Netflix a appliqué le même type de raisonnement pour le site web, en prenant en compte le fait que dans ce cas, le site n’est pas tactile. Dans le cas du site, Netflix explique avoir travaillé sur la métaphore de la page. « Quand on clique sur un lien, on ouvre une nouvelle page, etc. Avec la nouvelle interface on sort de la métaphore de la page pour rejoindre le monde des apps. Quand vous téléchargez une app, vous entrez dans un écosystème. Pour le site web, plus d’intox avec la homepage ! »

Ce que Netflix présente comme une innovation doit plutôt être rangé dans la catégorie de l’optimisation des interfaces et de la navigation. Son concurrent français, Canalplay, propose depuis pas mal de temps ses rubriques dans un format horizontal. 


Articles connexes