Proposé aux alentours de 600 euros TTC en magasin, le Tascam DR-701D représente désormais le sommet de la gamme « Audio pour DSLR » du constructeur japonais. On retrouve le design plat du DR-70, ainsi que des équipements qui paraissent similaires à première vue. Mais en y regardant de plus près, le boîtier n’est plus en plastique, mais en magnésium, l’écran bleuté offre une meilleure lisibilité, les menus ont été repensés, tandis que l’entrée BNC et les prises HDMI In et Out laissent présager une exploitation plus professionnelle…
Configurations
Sur le dessus de ce nouvel enregistreur-mixeur pour DSLR, Tascam propose, soit un adaptateur muni d’une vis 1/4” 20 pour fixer le DR-701D en dessous du reflex, soit un sabot type hotshoe. En fonction des configurations, il pourra également prendre place sur un rig ou une cage. Enfin, sur la face inférieure, on retrouve, comme sur toute la gamme, un filetage pour visser l’ensemble sur une semelle vidéo ou directement sur un pied photo, voire sur le dessus d’un APN en y vissant un adaptateur hotshoe.
Comme sur le DR-70, on retrouve ici quatre entrées combo XLR/jack avec le 48 V commutable individuellement, ainsi qu’un micro stéréo A-B composé de deux capsules électret omnidirectionnelles intégrées au boîtier. Parmi les nombreuses options, on pourra par exemple connecter jusqu’à quatre sources externes (micro, HF, console de sono, etc.), ou se limiter à deux sources externes sur les entrées 1-2 et réserver les entrées 3-4 pour le micro stéréo afin de laisser courir une ambiance stéréo captée par le micro interne, parfaitement taillé pour cet usage.
Cette dernière option peut apporter une matière intéressante au montage, mais attention tout de même, car les capsules logées de part et d’autre de la face avant reprennent facilement les bruits de manipulation ou du zoom de l’appareil photo, et restent difficiles à protéger du vent.
Notons que Tascam vend en option une bonnette anti-vent spécifique que nous n’avons malheureusement pas pu tester. Enfin, pour compléter la panoplie, le DR-701D dispose d’une entrée stéréo sur mini-jack asymétrique pour connecter, par exemple, un micro léger.
En pratique
Après avoir connecté l’entrée du reflex et éventuellement sa sortie pour un éventuel contrôle de la qualité du son une fois passé par l’appareil photo, l’heure est au branchement des différentes sources audio et de leur fixation. Nous utilisons un micro statique comme micro caméra et un cravate HF pour les ITV. À ce stade, le passage par la case menu est incontournable, car les quatre molettes de gain et celle du volume casque sont les seuls réglages disponibles. On accède alors à un ensemble de contrôles et d’options répartis sur 18 pages.
Si l’ajustement des cinq plages de niveau disponibles (Line-Low-Mid-Hi-Hi+), est accessible dès la première page, il faudra par contre naviguer jusqu’à la page 4 pour atteindre les filtres coupe-bas, jusqu’à la page 7 pour trouver la mise en service de l’alimentation 48 V et atteindre la huitième pour valider les pistes à l’enregistrement !
Certes la molette de navigation est efficace, les pages plutôt lisibles et on ne se perd pas dans des sous-menus, puisque tout est en accès direct ; mais pour aller vite, il n’y a pas d’autre choix que de retenir par cœur les numéros de page, car aucun raccourci n’est prévu. Dommage, car Tascam progresse pourtant sur de nombreux points.
Ainsi, l’afficheur gagne en lisibilité tant en intérieur qu’à l’extérieur et offre une visualisation plus précise du niveau des quatre entrées, ainsi que du mix envoyé à l’appareil photo. D’autre part, la calibration entre le niveau d’entrée de l’appareil photo et la sortie audio du DR701D se trouve largement facilitée par le générateur 1 kHz. Ce dernier permet également de produire un bip à chaque début ou fin d’enregistrement afin de faciliter la resynchro manuelle.
Enfin, même si les molettes de niveaux restent étroites, elles sont plus précises que sur le DR-60 et les préamplis offrent une réserve de gain confortable (+ 64 dB de gain en position HI+), largement suffisante pour travailler avec des micros peu sensibles, tout en gardant un niveau de souffle discret jusqu’à la sensibilité Hi.
Tascam dit avoir amélioré le circuit électronique par rapport à la génération précédente et effectivement, en comparant avec le DR-60, le fonctionnement est plus silencieux à haut niveau de gain, avec des micros dynamiques par exemple. Au final, la qualité reste ici supérieure à bien des caméscopes estampillés pro.
Traitements numériques
Parmi les traitements proposés, outre le traditionnel filtre coupe-bas ajustable de 40 à 220 Hz, le décodeur M-S et un délai ajustable par voie pour compenser un éventuel retard acoustique, on trouve un limiteur numérique qui agit après conversion. Il ne sauvera donc pas une saturation intervenant sur les entrées, mais se montre plutôt efficace à partir du moment ou le trim d’entrée est bien réglé. Pour un fonctionnement théoriquement plus transparent, Tascam a même prévu un limiteur multi-bande qui sépare le spectre en trois bandes de fréquence (< 200 Hz/200 2 kHz/> 2 kHz), mais nous n’avons pas noté de grande différence sur son action par rapport au limiteur classique.
Toujours dans l’idée de sécuriser les niveaux, on retrouve ici, comme sur le reste de la gamme, le mode Dual qui offre une deuxième chance d’éviter la saturation en dupliquant automatiquement les fichiers et en leur appliquant une baisse de gain paramétrable de 0 à –12 dB. Enfin, le volume de sortie casque est largement suffisant et la possibilité d’écouter chaque piste isolément grâce à la touche monitoring dédiée n’a rien à envier aux mixettes pro.
Enregistreur plutôt que mixeur
Conçu pour le son à l’image, l’enregistreur sur carte SD fait logiquement l’impasse sur le mp3 et produit uniquement des fichiers Wav ou BWF de type PCM linéaire en résolution 16 ou 24 bit avec des fréquences d’échantillonnage échelonnées de 44.1 à 96 kHz, et 192 kHz avec, dans ce cas, une limitation à deux pistes. Chaque entrée peut se retrouver sous forme de piste individuelle qui, en fonction des préférences, sera exploitable sous forme de fichier mono, stéréo, ou d’un fichier polyphonique six pistes, comprenant en prime un mix bi-piste.
À la différence des mixeurs-enregistreurs pro évolués, le mix s’effectue ici non pas avec des encodeurs ou des faders, mais dans un menu spécifique, au moyen de la molette multifonction. Il n’y a donc pas les ressources nécessaires pour effectuer un mix dynamique, on pourra par contre procéder à une mise à plat statique qui sera d’ailleurs également envoyée à l’appareil photo comme témoin.
Signalons au passage la fonction Gang qui permet, pour plus de simplicité, de jumeler le niveau de plusieurs pistes. D’autre part, si les possibilités de nommage permettent de distinguer les différentes pistes, elles ne prévoient pas de nommer les canaux (perche, cravate, etc.) à l’intérieur d’un fichier polyphonique qui se distinguera au montage uniquement par l’ajout du numéro de piste.
Enfin, comme sur toute la gamme Audio for DSLR de Tascam, on retrouve ici une autonomie en énergie trop limitée. Sur piles ou batterie NIMH, avec une alimentation 48 V enclenchée, on atteint 2h30/3h00 au mieux. Heureusement, l’option d’alimentation via le bus USB offre à l’utilisateur des alternatives très intéressantes.
Pour une vingtaine d’euros et un poids raisonnable, on trouve, parmi les batteries proposées pour recharger tablettes et smartphones, des produits capables de fournir une autonomie confortable pouvant atteindre une vingtaine d’heures, en bénéficiant de surcroît d’une bascule automatique vers l’alimentation piles. Reste à bien choisir la forme de l’accu, à trouver un système de fixation type Velcro, et un câble USB à la bonne longueur…
TC et goodies HDMI
L’un des problèmes communément rencontrés avec les enregistreurs audio low-cost en production vidéo tient dans la stabilité souvent insuffisante de leurs horloges internes et dans l’impossibilité de les asservir sur une référence externe, d’où des soucis de désynchro parfois constatés en postproduction, notamment sur des plans longs.
Si les ingénieurs de Tascam n’ont pas ici intégré un véritable générateur de Time-Code, ni une synchro wordclock, le petit DR-701D n’en offre pas moins des fonctionnalités intéressantes pour aider à la postproduction. Ainsi, en mode LTC, son Time-Code se verrouille au signal entrant sur la fiche BNC, tandis qu’en position HDMI, le verrouillage s’effectue sur le TC éventuellement présent sur l’entrée HDMI. Enfin, en position RTC, c’est l’horloge interne du Tascam qui prend la main pour générer le TC, avec possibilité de le maintenir, même lorsque la machine est éteinte. En pratique, ce TC horaire se retrouve dans le fichier BWF. Dans Pro Tools, nous avons effectivement pu le voir apparaître dans la section « Original Time Stamp » et recaler les sons facilement.
Enfin si le DR-701D ne permet pas d’envoyer son propre Time-Code vers une machine extérieure, il est capable de transmettre le TC reçu en HDMI In sur sa prise HDMI Out et d’y ajouter, par la même occasion, le son provenant de ses entrées, l’ensemble pouvant alors être destiné à un enregistreur vidéo externe, type Atomos Ninja ou Video Devices Pixis, par exemple.
Record Trigger : magique ?
Last but not least, Tascam a implémenté le Record Trigger que les utilisateurs d’enregistreurs vidéo connaissent bien. Cette fonction, dont le but est de déclencher automatiquement l’enregistrement sur le Tascam DR-701D via HDMI dès que la touche Rec de l’appareil photo est pressée, simplifie grandement l’exploitation sur le terrain. Une seule touche à presser, donc fini les oublis, avec en prime des fichiers audio et vidéo relatifs à la même prise qui ont enfin des longueurs comparables…
Le rêve ? Sans doute, mais pas pour tous les possesseurs d’appareils photo dotés de HDMI, loin de là, car tout dépend de la manière dont la norme, ou plus précisément le protocole CEC (Consumer Electronics Control) qui permet d’envoyer des commandes diverses, a été implémentée par les fabricants.
Ainsi, sur de nombreux appareils, d’entrée de gamme notamment, la sortie HDMI ne sert uniquement qu’à l’affichage sur une TV LCD, ce qui peut occasionner l’arrêt de l’affichage sur l’écran de l’appareil photo, et parfois même son passage automatique en mode lecture. Nous n’avons par exemple eu aucun succès sur le Canon 70D, le Nikon D5500 ou le Sony RX10 Mark I. Par contre, les Canon 5D MK III et 7D MK II, le Panasonic GH4, les Sony α7S, α7 II, et RX-10 MK II figurent parmi les heureux élus sur lesquels le Rec Trigger fonctionne. Tascam tient d’ailleurs à jour une liste d’appareils compatibles sur son site US, sachant qu’en fonction des modèles, la transmission de l’horloge vidéo et de la commande d’enregistrement peuvent être transmises ou pas.
Après test sur un Canon 5D MKIII, ces fonctionnalités liées au HDMI réclameront tout de même l’installation du dernier firmware dans l’appareil photo, puis un détour dans les menus HDMI et TC du reflex. Nous retrouvons alors l’affichage vidéo sur le 5D une fois le raccord HDMI branché, tandis que la transmission du TC et de la commande Rec Trigger est effectivement opérationnelle. Magique ! En production, le fait de n’avoir qu’une touche sur laquelle appuyer apporte un confort indéniable.
Sur la station de montage, on constate après synchronisation que le fichier son démarre et s’arrête avec un retard d’environ sept images par rapport au fichier vidéo, mettant ainsi en évidence une latence dans la transmission HDMI, somme toute logique. Le TC vidéo du 5D transmis via HDMI est par contre bien « imprimé » dans le fichier BWF et permettra une synchronisation aisée.
Une machine intermédiaire
Avec sa construction durable, ses qualités audio réelles, une gestion du HDMI intelligente, et la fonction Rec Trigger qui facilite la vie, pour peu que le reflex soit compatible, sans oublier les possibilités d’asservissement de son horloge sur une référence externe via HDMI ou BNC, Tascam donne accès à des fonctionnalités réellement pro qui peuvent intéresser des structures de production exigeantes qui tournent avec des reflex numériques connectés éventuellement à des enregistreurs externes.
Le constructeur se différencie ainsi d’un concurrent plus onéreux, mais néanmoins sérieux qu’est le Zoom F8. L’absence de fader et de raccourcis donnant un accès direct aux fonctions usuelles ne permet pas, en revanche, au DR-701D de prétendre concurrencer des machines pro type Sound-Devices, mais ce n’est après tout pas sa vocation.
* Cet article est paru pour la première fois, dans Mediakwest #17. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour recevoir, dès leur sortie, nos articles dans leur totalité.