Technicolor – Hollywood de plus en plus tenté par le 100 % numérique !

MediaKwest s'est plus particulièrement intéressé à l'évolution des techniques appliquées au 7e art à Hollywood. Les mots contenus dans cette page « parlent », certes, à de nombreux lecteurs de notre site, mais restent le fruit de nos interviews et visites à Los Angeles. Quelques modes opératoires peuvent « changer » entre L.A. et notre belle contrée concernant certains pans de la conception des œuvres.
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MédiaKwest fait le tour des popotes hollywoodiennes en compagnie du staff de Technicolor afin de palper les murs et faire le constat des évolutions techniques qui entourent la conception intégrale d’un film, ou d’une série TV. Alors que nous entendîmes plus d’un « les jours de la pellicule sont comptés », nous étions plus qu’impatients d’aller à la rencontre des techniciens et de visiter certaines installations peu enclines à se retrouver photographiées et publiées par des journalistes. Au fil de nos visites, qui se sont étalées sur 3 jours, Technicolor a eu la délicatesse d’inscrire nos allers et venues dans un scénario digne de celui d’un film d’action, et ce, dans le but de nous faire découvrir une à une les étapes de la conception d’une œuvre.

Le moins que l’on puisse écrire est que Hollywood vit une mue vers le 100 % numérique absolument sidérante. Nous en voulons pour preuve le fossé entre ce que nous avions, par exemple, vu il y a 2 ans lors d’un voyage au cœur de Sony Pictures, et ce qui se trame actuellement. La chaîne de production est belle et bien en train de « ripper » vers le 100 % numérique. Des réalisateurs de l’étoffe de Ridley Scott ou Martin Scorsese n’hésitent plus à vanter la souplesse du « digital » lors de la captation, sans insister cependant sur la 3D, même si elle semble incluse dans le discours. Le fait que des grands réalisateurs vétérans plaident ainsi pour le numérique donne un crédit supplémentaire à cette vague de jeunes loups qui tournent en Canon EOS 5 ou 7, ou/et en Red One/4K (ou autres résolutions). Nous ne prenons pas de risque en écrivant que l’avenir du numérique est tout tracé en ce qui concerne le 7e art, en revanche, d’après toutes nos interviews, la chaine de diffusion « 4K » est, et reste encore pour l’heure marginale pour Technicolor, qui peut cependant la traiter (projos Sony SXRD 4K dans certaines salles visitées).

Profitons-en pour revenir sur le déroulement de la conception d’un film ou d’une série TV selon les pontes de Technicolor, les techniciens et les artistes numériques rencontrés durant notre reportage.

La pré-production d’une œuvre : on a l’idée de base, on a acheté le scénario, on a les droits, on y croit à fond, et du coup, on cherche les dollars pour la concrétiser, le réalisateur, les acteurs, les décors, le compositeur de la musique, les équipes techniques, etc. Bref, cette étape, souvent laborieuse, est la plus ardue du projet. Nombre de films n’ont jamais vu le jour car tous les éléments n’avaient pas été réunis (studios qui n’y croyaient pas ou plus, problèmes de financement, acteurs non dispos ou qui se rétractent, idem réalisateur qui se fait la malle…).



La production : le tournage est budgété de A à Z. Les dépassements sont très mal vus par les studios, mais fréquents. Les intempéries sont aussi craintes que les caprices des stars ou les hurlantes inopportunes du réalisateur. Les retards sont monnaie courante et les studios dépêchent des comptables sur place pour mesurer au jour le jour l’étendue des dégâts.

Le tournage : en argentique, en numérique, ou les deux (Hybrid Shooting). Le dérushage peut se faire directement sur site (cela dépend des choix du réalisateur à ce sujet). Et Technicolor propose une solution numérique qui peut assurer l’étalonnage sur site. Grâce à la liaison de type « fibre noire », un tournage multi site pourra être dérushé à un seul point géographique de la production par le réalisateur.

La post-production : on considère que le film est dans la boite ! Désormais, il faut le monter et commencer à l’étalonner, doubler les voix des acteurs (post-synchro), créer les sons/bruitages, insérer et caler la musique, ajouter des trucages numériques sur certaines scènes (cela dépend des films)… Cette étape peut durer jusqu’à 18 mois après le dernier tour de « manivelle », et les dépassements de budget sont fréquents, de même qu’il n’est pas rare de faire revenir des acteurs en plateau pour retourner des plans (le budget monte en flèche alors, mais il faut bien terminer le film). Tous les paramètres dépendent de chaque production, et Technicolor avoue avoir vu de sacrés cas de figure…(no comment).



Le marketing : faire un film sans que cela se sache n’a jamais été rentable, et Hollywood le sait tellement bien que certains budgets de promo d’une œuvre sont étourdissants, représentant un montant parfois égal ou supérieur à 50 % du budget du film en question. Plus le studio a mis des montagnes de billets verts sur la table, plus grande sera la campagne de promotion car le risque de voir les têtes tomber dans le cas d’un gadin en salle devient exponentiel. John Carter, nous entends-tu?

La diffusion : L’étape ultime emplie d’espoirs durant laquelle, après que les masters numériques ou bobines aient été fournis aux salles, on prie pour que le film ramasse des montagnes de dollars. La diffusion, c’est un peu l’étape du « retour sur investissement » (dixit nos intervenants), là où tout se joue pour le studio, et la « crédibilité » du réalisateur, des acteurs et des équipes. Dès le premier jour d’exploitation, les studios utilisent des schémas prévisionnels destinés à estimer les recettes finales. Rares sont les exceptions qui viennent contrer ces prévisions (mais heureusement, des films de l’acabit de Drive, Mad Max ou Paranormal Activity ont donné tort aux majors qui avaient rejeté les projets…).

Encore plus d’infos sur le déroulé de la conception technique d’une œuvre :

Le tournage : en vérité, cela fait des années que tout évolue à Hollywood, mais disons que depuis 2 ans, les choses s’accélèrent terriblement pour une bonne et simple raison : tourner avec des pellicules est coûteux, et prend du temps, deux choses que n’aiment pas les studios. Cette réalité est devenue à ce point douloureuse que certaines personnes rencontrées à Hollywood misent pour une raréfaction cruelle de la pellicule dans les 3 ans.

En effet, comparé au tournage numérique, le principal «défaut» de la pellicule est qu’il faudra la…développer (merveilleuse Lapalissade !), ce qui rime avec des allers retours d’éléments entre le lieu de tournage et le laboratoire (développement et étalonnage des rushes). Sachez cependant que le process a été superbement amélioré car les techniciens de Technicolor USA confient qu’un seul jour est désormais nécessaire entre le tournage et le retour des rushes scannés en numérique. Les moyens « modernes » permettent également, au cas où, d’envoyer l’image des rushes numérisés directement sur le lieu de la production via des réseaux sécurisés « fibre noire ». Ainsi, le réalisateur pourra décider d’un jour à l’autre de tourner à nouveau certaines scènes.

La post-production : Tout, ou presque tout, est désormais possible une fois que le film est capté (numérique pur ou pellicule scannée en numérique, qu’importe) car les options offertes par le numérique sont impressionnantes, non pas uniquement afin d’étalonner les couleurs d’un visage (carnation) ou ajouter un décor factice créé en numérique, mais pour travailler en multi-site. Technicolor dispose à ce sujet d’unités de création d’effets spéciaux en Chine, d’une unité dédiée à Dreamworks en Inde, etc. Tous les artistes numériques sont interconnectés via un réseau interne ultra-protégé qui relie ce joli monde. Ainsi, un réalisateur confortablement assis devant un écran de 15 mètres à Londres peut étalonner à distance, et en temps réel, son film traité à Los Angeles. Idem pour l’ajout d’effets spéciaux à une œuvre, le doublage son / voix, etc. Le puzzle numérique évite, par exemple, d’avoir à faire voyager le réalisateur, les acteurs et les équipes d’Europe vers Los Angeles (économie des billets en First, etc.). Le réseau étant opérationnel depuis un petit moment, il a déjà été rentabilisé depuis belle lurette. Gain de temps, donc d’argent. Hollywood aime !

La post-production audio est également en réseau chez Technicolor où, dans l’unité audio située à la Paramount, on compte 8 salles de mix / studios, et 30 salles de montage. Les séries True Blood et Dexter y ont été travaillées par exemple. Technicolor a accès aux réseaux des plus grands studios (Paramount en tête, et ce, dans le monde entier).

La diffusion : la pellicule coûte cher, on ne cesse de le dire et le clamer à Hollywood, et pourtant, il faut bien nourrir les 6000 salles de cinéma américaines, soit les 38000 écrans (chiffres donnés par Technicolor USA). Du coup, les exploitants s’équipent en projecteurs numériques « 2K » (le géant Christie fait son beurre aux USA).



Technicolor a créé un centre de mastering ultra moderne capable de concevoir des masters numériques pour tous types de diffusion : salle de ciné, DVD, Blu-ray, iTunes, VOD, etc. Une même œuvre pourra être déclinée en des dizaines de formats numériques, allant d’une petite définition au 2K des salles de cinéma, voire le 4K si demandes (rares). Le rôle de cette entité est de vérifier les éléments « son et image » provenant de la post-production, et de réaliser les masters.

Le plus passionnant de notre visite fut de pénétrer, enfin, dans l’antre de la duplication des disques durs contenant les films en 2K destinés aux salles de cinéma (2D ou 3D). Le technicien, ému, nous a parlé de cette semaine de tous les dangers où 12000 disques durs contenant Transformers avaient été produits en une semaine pour les marchés anglophones. Depuis quelque temps, la demande en films sur disque dur va croissante, preuve s’il en est que la pellicule se marginalise. Là encore, il est moins coûteux de charger un disque dur que d’effectuer un tirage de pellicule. De plus, la pellicule se dégrade au fil des passages, ce qui file les nerfs au public et aux exploitants.
La voie des films sur disque dur est-elle tracée ? Pas sûr, car 1000 salles de cinéma sont également équipées d’une prometteuse gestion par satellite, une sorte de Library Management. Plus aucun disque dur à acheminer dans leur boite orange scellée, mais des données cryptées satellisées qui seront stockées sur le serveur de la salle de cinéma. Le dématérialisé peut donc devenir total, et souhaitable. Ce n’est pas nouveau en soi, mais le fait que ce discours provienne de professionnels d’Hollywood, très conservateurs, est rare.

Comme vous venez de le lire, une révolution est en marche, et elle ne pourra plus être stoppée, pas plus qu’un retour en arrière ne sera possible.