Vu depuis la France, Technicolor est un nom connu, sans que l’on puisse particulièrement parvenir à cerner ce qu’il abrite. Récemment sous les feux de l’actualité française en raison de déboires financiers et de l’arrêt de la production de décodeurs dans une usine malheureusement non rentable, l’entreprise a choisi de prendre le taureau par les cornes afin de voir ses perspectives d’avenir s’éclaircir, et c’est désormais le cas suite à des décisions financières et de nouvelles stratégies.
Vu depuis Hollywood, Technicolor est partie intégrante du cinéma au point que nous pouvons écrire qu’elle fait partie du paysage ici à Los Angeles, où de nombreux bâtiments hollywoodiens sont ornés du logo de l’entité, à l’instar de celui intégré aux studios Paramount que vous apercevez dans cette page. L’aspect touche-à-tout de Technicolor est la première chose qui impressionnera n’importe quel visiteur qui aura l’occasion d’approcher ses installations. Alors que le public ne connaît que le fameux « Color by Technicolor » que l’on voit apparaître sur les génériques, cela fait belle lurette que l’entreprise ne se contente plus de donner bonne mine à Charlton Heston ou au Mickey de Walt Disney. Elle participe à toutes les étapes de la production, depuis le visionnage numérique des rushes sur les plateaux en passant par l’étalonnage des couleurs, les bruitages, le doublage son, la conception de multiples masters (HD ou pas), ou encore le pressage de CD, DVD ou Blu-ray Discs. Sa prédominance a sans doute fait oublier aux Américains que Technicolor est passée sous le pavillon français depuis quelques années.
L’antre de Technicolor à Hollywood
Le siège principal de Technicolor compte 300 personnes et se voit situé là où Hollywood fut créé en 1911 – alors que la prohibition faisait rage – à l’endroit même où les studios Warner, Columbia et Universal commençaient à pointer le bout de leurs toits de tôle. Mais ce lieu-dit n’est qu’un vaisseau en liaison permanente avec Technicolor Paris, qui pilote également ses entités externes, dont Laser Pacific par exemple (diffusion satellitaire), les studios audio Technicolor situés à la Paramount, ou encore MPC, une société ultra-moderne installée à Santa Monica, spécialisée dans les effets spéciaux numériques pour la pub, et qui a réalisé une partie des effets visuels de Prometheus. On peut donc dire que Technicolor se pose principalement comme un partenaire du 7e art, une maison qui a pignon sur rue et dont l’essence est d’offrir des solutions et services aux réalisateurs et à leurs équipes.
À noter, et cela a son importance, que Technicolor individualise ses projets au gré des demandes afin de cadrer au mieux avec tous les desiderata de l’industrie hollywoodienne, qui connaît une mue numérique inédite par les temps qui courent. Pour vous donner un ordre d’idée, l’entreprise a participé de près ou de loin à la réalisation technique de 70 % des blockbusters conçus à Hollywood. Afin de répondre au mieux aux attentes en termes de pré-production, tournage, post-production et distribution, des ingénieurs et chercheurs du groupe se retrouvent souvent sur le terrain auprès des techniciens et des équipes artistiques. L’immersion est aussi totale qu’instructive.
C’est après le tournage que Technicolor entre en piste.
Il faut savoir que le tournage à proprement parler n’est que le début de l’aventure car c’est ce qui se passe après cette étape, en post-production, qui est crucial. Cette étape est totalement maîtrisée par l’entreprise, qui possède le centre névralgique le plus perfectionné au monde, où la post-production peut durer de 5 à 18 mois, englobant les effets numériques (trucages), l’étalonnage du film (couleurs, contraste, etc.), la création de la piste sonore en multicanal (doublage post synchro des acteurs inclus), la conception du master final destiné à la distribution en salle, et, pour finir, la fabrication de dizaines de masters différents qui seront utilisés pour le DVD, la VOD, le Blu-ray Disc, iTunes, les smartphones, les tablettes, etc.
Adapter le travail de pré masterisation à toutes les plateformes de vente et de distribution.
Avec la prolifération des plates-formes de ventes de films, ou encore en raison des exigences de tel ou tel pays, voire de tel ou tel diffuseur, il est impératif de concevoir des centaines de déclinaisons du master originel, dont des versions recadrées (Pan & Scan), pour diffusion dans les avions, sur certaines chaînes TV, etc. On sait à ce propos que James Cameron avait fait réaliser des centaines de masters d’Avatar selon les salles de cinéma où il était diffusé, puis avait passé du temps sur le master du Blu-ray Disc, du DVD, etc. Technicolor est à même de concevoir tous ces masters dans un centre spécialisé dans le « Master Delivery », au même titre que réaliser les masters numériques 2K destinés aux salles de cinéma (le 4K est encore atypique, mais peut y être géré). Plonger au cœur de cette pieuvre revient à avoir le tournis devant le nombre de métiers engagés dans la conception d’un film, ce qui nous permet de mieux comprendre pourquoi la moindre petite œuvre coûte 25 millions de dollars à produire en moyenne basse (cas de Clint Eastwood par exemple, cité à de nombreuses reprises dans les studios) et 80 millions de dollars en moyenne haute pour les films ne bénéficiant pourtant pas de 800 plans truqués. La facture peut évidemment grimper en flèche dans le cas de productions de l’acabit Prometheus, John Carter, ou The Amazing Spider-Man, qui mettent carrément les studios en péril tant le chèque est lourd (le patron de Disney en a fait les frais avec le flip-flop de John Carter).
Lors de notre second reportage, nous nous attacherons à relater l’immensité de la révolution numérique en cours à Hollywood, depuis les tournages en 2K et 4K (et autres) en passant par le dé-rushage sur site, une des grandes spécialités de la maison, et qui connait un essor sans précédent boosté par le gain en temps, et donc, en dollars.