La plage de fréquence HF où évoluent les systèmes sans fil audio étant amenée à se réduire significativement dès le printemps 2016 (cf encadré), le numérique est une des solutions utilisées par les constructeurs pour, soit optimiser le nombre de fréquences, soit trouver de nouveaux espaces permettant de transmettre du son sans fil. Évidemment, pour effectuer ce passage au numérique, les fabricants ont dû sérieusement revoir leur copie, quitte à s’appuyer sur des technologies provenant directement de marchés bien plus vastes où les moyens R&D sont bien plus importants. Ainsi, les nouvelles générations d’accus rechargeables via USB, les technologies de modulation, de réduction de débit, de correction d’erreurs, ou encore les cartes mémoires bénéficient à ces produits d’un nouveau genre.
Le 2,4 GHz : un nouveau refuge ?
Après Line 6 et son XD-V75 conçu pour les musiciens, les constructeurs de systèmes HF se sont intéressés à cette fameuse plage ISM des 2,4 GHz. Shure, avec son système GLX-D, rejoint début 2015 par Sennheiser qui a lancé sa gamme Evolution D1, proposent désormais des systèmes abordables pour les musiciens, les lieux de conférence et les petites installations fixes. Également présent sur ce marché avec son System 10, Audio-Technica s’est rapidement distingué en développant un récepteur portable destiné aux vidéastes. Outre la qualité du son numérique au format 24bit/48 KHz qui garantit l’absence de souffle et une dynamique généreuse, ces produits apportent également une simplicité d’utilisation inconnue jusqu’alors, tandis que leur faible latence est compatible avec la performance live. Pour couronner le tout, le prix proposé est largement en dessous des 1 000 euros par liaison. Alors, la solution miracle ? Pas exactement.
En effet, si la plage des 2,4 GHz est à l’abri de la TNT, elle n’est pas d’une largeur immense, et se trouve en plein dans les fréquences de la Wifi, du Bluetooth et des micro-ondes, ce qui explique que le nombre de fréquences exploitables en simultané reste limité.
En fonction des conditions, les fabricants restent prudents et parlent d’un maximum de huit, voire 15 liaisons pour Sennheiser. Ce dernier met d’ailleurs en avant sa technologie de sécurisation de son système Evolution Wireless D1 qui « examine les canaux radio 133 fois par seconde » et est capable, en cas de besoin, d’augmenter la puissance de transmission standard de 10mW jusqu’à 100mW. Avec une puissance fixée à 10mW, soit l’équivalent d’un système HF d’entrée de gamme, Audio-Technica, de son côté, explique avoir opté pour une communication en mode duplex où émetteurs et récepteurs communiquent et modulent en permanence sur deux canaux distincts. Après comparaison et sélection du meilleur niveau de réception radio (Space Diversity), de la qualité du signal numérique (Time Diversity), le système peut passer automatiquement d’une fréquence à l’autre sans coupure (Frequency Diversity), sans que l’utilisateur n’ait à se soucier d’un quelconque réglage.
Notons qu’avec son System 10 Camera, le constructeur japonais reste pour l’instant le seul à proposer une liaison numérique dans la bande 2,4 GHz adaptée au marché de la vidéo. La gamme comprend le récepteur caméra ATW-R 1700 que l’on pourra, en fonction des offres, combiner à l’émetteur ceinture ATW-1701 ou l’émetteur main cardioïde ATW-T1002. Baptisé ATW-1701/P, le pack comprenant l’émetteur ceinture, le micro cravate omni ATR35cW et le récepteur Caméra est proposé au prix extrêmement compétitif de 339,00 euros HT. Outre le prix attractif, la qualité audio et le bon rendu des capsules fournies que nous avons pu tester et comparer, cette offre se distingue de la concurrence par la présence d’une sortie casque sur le récepteur permettant de contrôler le son, un avantage décisif pour les utilisateurs de reflex numérique qui déplorent souvent l’absence de monitoring sur leurs appareils…
Sennheiser investit la bande DECT
Face à l’offre Audio-Technica, Sennheiser réagit en proposant AVX, une nouvelle gamme sans fil numérique également destinée aux vidéastes dont la disponibilité est prévue pour juin. Présentée au NAB et à Francfort, elle se veut bien plus facile à vivre que les modèles analogiques existants qui continuent leur existence. Contrairement à son concurrent, la firme allemande diversifie son offre de fréquences en se déployant non pas sur la bande des 2,4 GHz qu’elle utilise pourtant déjà sur la série Evolution Wireless D1, mais sur la bande des 1,9 GHz, plus précisément 1880à1900 GHz en Europe et 1920 à1930 GHz en Amérique du Nord, soit précisément l’espace attribué aux téléphones fixes sans fil de type DECT.
Comme sur ce type de téléphones ou encore pour les communications Bluetooth, Sennheiser fait appel à une modulation numérique GFSK (Gaussian Frequency Shift Keying), associé ici au codec APTX Live qui opère une réduction de débit de type ADPCM à partir d’un signal numérisé en 24bit@48 KHz. Il s’agit donc bien d’un signal large bande qui n’a rien à voir avec celui de la téléphonie. Outre la Diversity d’antenne de type TDMA, la sécurisation de la liaison est assurée grâce à une voie de retour qui permet à l’émetteur et au récepteur de communiquer et de changer automatiquement de fréquence dès que le taux d’erreur devient trop important.
D’après les tests du constructeur, jusqu’à 12 systèmes AVX peuvent être exploités en même temps, selon le principe du « premier arrivé, premier servi ». Comme chez Audio-Technica, le numérique est l’occasion de simplifier la mise en œuvre grâce au paramétrage intelligent de réglages qui ne nuisent pas pour autant à la qualité qui reste supérieure aux systèmes analogiques. Ainsi, plus aucune fréquence à choisir puisqu’elles sont déterminées par le système, plus de niveau à régler sur l’émetteur grâce, non pas à un niveau automatique type AGC qui réduirait la dynamique, mais à un ajustement des plages de niveau qui s’effectue automatiquement. Même chose pour la puissance d’émission qui oscille entre 100 et 250 mW selon les difficultés de transmissions rencontrées et la législation en vigueur dans le pays.
La gamme se compose actuellement du micro main MMD 835-1 doté de la capsule cardioïde 835, de l’émetteur ceinture SK que l’on peut associer au micro cravate ME2, MKE2 ou à toute autre capsule du marché car il reprend la connectique minijack verrouillable déjà utilisée sur les séries Evolution.
Plus original est l’étonnant récepteur caméra EKP dont la présentation, incroyablement compacte, l’autorise à se fixer directement sur la fiche XLR d’un caméscope, d’une mixette ou encore sur la griffe flash des reflex numériques dépourvus d’XLR grâce au sabot livré. Le prix de la liaison complète avec émetteur main ou cravate est ici annoncé à 899 euros HT.
Selon les premiers retours, la portée entre émetteur et récepteur se situe entre 10 et 30 mètres avec, par rapport aux systèmes traditionnels, sans doute plus de difficulté à traverser certains éléments comme le corps humain. Il faudra donc se montrer vigilant quant au placement de l’émetteur et à la portée sans doute plus limitée en présence de foule… Parmi les bonnes idées facilitant l’exploitation au quotidien, on note l’astucieuse utilisation de l’alimentation 48V utilisée ici non pas pour alimenter le récepteur (ne rêvons pas !), mais pour piloter l’astucieux dispositif de réveil/mise en veille automatique du récepteur. Voilà qui devrait sérieusement optimiser son autonomie annoncée comme supérieure à 4 heures tandis que, côté émetteur, l’autonomie de 15 heures sera également prolongée grâce à une mise en veille/réveil intelligente. En revanche le système AVX compte quelques limitations comme l’impossibilité de syntoniser plusieurs émetteurs sur une même fréquence pour distribuer le signal provenant du même micro sur plusieurs caméras, pratique notamment lors d’un tournage multicam.
On relève aussi une latence de 19 ms, ce qui reste largement en dessous de l’image et n’occasionnera donc aucun souci de synchro image/son, mais pourra procurer une gêne dans le cas (assez rare tout de même) où celui qui parle s’entend au casque pour toute utilisation en IEM. On se demande cependant pourquoi Sennheiser n’a pas doté son récepteur d’une sortie casque, bien utile pour les utilisateurs de reflex qui en sont encore souvent dépourvus…
Audio Ltd reste en UHF
Déjà occupée avec les séries TRX et QRX pour Zaxcom et DWT pour Sony, l’offre de système sans fil numérique sur la plage UHF « traditionnelle » promet de s’enrichir dès la rentrée 2015. Ainsi, le spécialiste anglais du HF portable Audio Ltd (import VDB), traditionnellement bien implanté sur les applications cinéma et broadcast, a annoncé la sortie de sa nouvelle ligne RMS 1010 Digital pour l’IBC prochain. Disponible dans la plage des 470 —>694 MHz, chaque ensemble est capable de couvrir une largeur de 100 MHz à préciser lors de l’achat. Le constructeur estime que jusqu’à 20 liaisons peuvent être exploitées sur un canal TV de 8 MHz (contre une dizaine actuellement sur les liaisons analogiques) tandis que le retard entre l’entrée et la sortie est de seulement 2 ms.
En revanche Audio Ltd communique pour l’instant peu de détails sur les technologies utilisées, mentionnant simplement sur la fiche produit que le codec, la modulation et le cryptage des données sont propriétaires, sans plus de précision.
Selon nos informations, la gamme 1010 Digital comprendra d’abord le récepteur monocanal DX et l’émetteur ceinture TX, secondés début 2016 par un modèle double canal, tandis qu’un émetteur plug-on et un émetteur miniature devraient compléter cet ensemble pour le printemps 2016. Doté d’un écran de contrôle pivotant pour favoriser la lecture en toute situation, le récepteur DX est disponible soit en version enfichable dans la caméra via un adaptateur « slot-in » au format Panasonic/Ikegami, soit en version autonome dotée d’un module d’alimentation, d’une sortie analogique sur XLR et d’une sortie numérique sur Sub D 25 compatible avec le format SuperSlot de Sound-Devices. Du côté de l’émetteur, le compartiment pile, entièrement métallique, accueille deux piles LR6, une carte SD prévue pour enregistrer l’audio sous forme de fichier façon Zaxcom ou pour effectuer les mises à jour de firmware, tandis que la connectique évolue au format Lemo trois broches (comme sur les émetteurs En2 miniTX, Sennheiser SK 5012 ou Wisycom…).
L’écran permet l’accès aux traditionnels réglages : fréquence, niveau audio (de 0 à 40 dB par pas de 10 dB), filtre coupe-bas (inactif, 50Hz, 80Hz, 120Hz ou 200Hz) ou encore puissance d’émission (10 ou 50mW). L’ensemble sera, en outre, pilotable via une application iOS et un câble optionnel permettant l’alimentation 48V prisée par les perchistes, disponible via un câble spécial proposé par VDB.
Des critères de choix à redéfinir
On le voit, le passage au numérique est l’occasion pour les constructeurs de repenser leur offre. Ainsi, un constructeur comme Sennheiser qui, durant l’ère analogique, s’adressait à plusieurs marchés avec une même gamme, propose aujourd’hui des produits fondamentalement différents de par leur technologie, leur apparence et leurs fonctionnalités. Là où les produits Evolution pouvaient être utilisés aussi bien par des musiciens, des vidéastes ou des sonorisateurs, on retrouve aujourd’hui les gammes D1, AVX et sans doute d’autres dans un avenir proche. Au-delà du spectre UHF devenu limité, les constructeurs n’hésitent plus à investir toutes les plages de fréquences possibles, que ce soit dans l’espace 2,4GHz du côté de la WiFi ou encore le 1,9 GHz du côté des téléphones DECT. Plus sophistiqués, les produits numériques évoluant dans la bande 470 à694 MHz sont pour l’instant plus coûteux, mais permettent d’exploiter davantage de fréquences. Sur quels critères se fera le choix ? Sans doute non plus sur la qualité audio qui risque d’être au rendez-vous sur l’ensemble des produits, mais plutôt sur d’autres caractéristiques comme la latence, la portée ou encore le nombre de fréquences exploitables simultanément.
Ainsi, des domaines comme le documentaire ou le reportage régional se contenteront sans doute de systèmes moins coûteux, évoluant en dehors de la bande UHF. A contrario, des secteurs plus gourmands en liaisons, comme le cinéma ou l’actualité liée à des événements ou des manifestations d’ampleur nationale, voire internationale, et donc susceptibles d’attirer un grand nombre d’équipes de tournages, resteront sans doute fidèles aux produits évoluant dans la bande UHF.
HF & TNT
L’attribution de la bande des 700 MHz aux profits des opérateurs télécom va rapidement devenir une réalité avec laquelle les utilisateurs de micros sans fils vont devoir composer plus vite que prévu. Ainsi, si l’on en croit les dates communiquées par l’Arcep (l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes), l’appel à candidatures pour la fameuse « bande des 700 » sera lancé au mois de juillet 2015 tandis que les premiers tests effectués par les opérateurs mobiles pourraient commencer dès avril 2016.
Ces tests, qui auront lieu sur les plages de fréquences 703à733 et 758à 788, seront menés en priorité dans les zones de population les plus denses, et donc notamment dans la région Île-de-France, où se concentre malheureusement une grande partie des utilisateurs de systèmes HF. L’autorité de régulation prévoit ultérieurement un déploiement région par région jusqu’en 2019. En d’autres termes, l’utilisation des systèmes HF risque bientôt de devenir périlleux en dehors de la bande 470à694 MHz qu’il faudra, en outre, partager avec une TNT redéployée dans cet espace hertzien. Face à cette situation, les offres de systèmes sans fils numériques représentent une bouffée d’oxygène. Sur les plages HF traditionnelles, elles promettent l’exploitation d’un nombre de fréquences supérieur à l’analogique dans un espace restreint. Elles permettent également de se tourner vers d’autres plages de fréquences non concernées par la TNT comme la plage des 1,9 GHz retenue par Sennheiser pour l’AVX ou celle des 2,4 GHz choisie par Audio-Technica pour son System 10 Camera. Notons que l’idée de soumettre la plage 470à694 MHz à une licence d’exploitation payante fait son chemin en France tandis qu’elle est déjà une réalité dans certains pays dont la Belgique et le Royaume-Uni.