À contre-courant de ses concurrents, lWasabi ne fait, par exemple, pas payer de frais techniques si le client souhaite retirer ses assets. De plus, Wasabi ouvre de la présence locale avec du stockage hébergé à Paris, « hosté » par Equinix.
Je vous propose d’entrer immédiatement dans votre actualité de ce début d’année, l’ouverture de data centers en Europe…
Effectivement, nous amorçons une nouvelle étape dans le développement de Wasabi. Lequel se traduit par la création de nouveaux points de présence en Europe. Nous avons démarré le site de Londres au mois de décembre, celui de Paris courant janvier et de Francfort il y a quelques jours. Ce qui porte à quatre le nombre de nos data centers puisque nous étions déjà à Amsterdam. L’idée sous-jacente est d’adresser les besoins qui nous sont constamment exprimés autour de la souveraineté de la donnée.
Quels sont-ils ?
Nos clients souhaitent de plus en plus conserver leurs données dans leur pays. Cette volonté est liée à tout un tas de craintes. Celle d’être sanctionné par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Nos clients cherchent surtout un moyen de se prémunir contre tout futur changement des réglementations. Il y a une forme de « précaution d’usage » qui fait qu’un client, s’il a le choix entre stocker ses données à Paris ou à Amsterdam, les stockera de préférence à Paris s’il est français. Il en ira de même s’il est allemand ou britannique. Notre nouvelle offre permet à n’importe quel client dans chacun de ces quatre grands pays, disons trois grands pays et la Hollande, de stocker leurs données chez eux.
Quels sont ces clients ?
Wasabi s’adresse au marché grand public, les grandes entreprises et entités dépendant des autorités gouvernementales, les universités, les instituts de recherche médicale et autres, les grands comptes stratégiques. Beaucoup d’organismes publics sont déjà venus nous solliciter pour que nous mettions rapidement en œuvre un stockage complémentaire. Ces grands groupes, au-delà de la souveraineté, cherchent à être proches de leurs données, ils ont tous des besoins de stockage massif. La distance entre ce stockage massif et leur capacité à computer, à utiliser ces données, est importante. Et cette distance influe sur la latence. Clairement, nous agissons dans un environnement de type data center puisque tous nos équipements sont « hostés » chez Equinix, acteur majeur, et notre partenaire de référence en Europe. Equinix nous fournit des data centers pour le housing, des data centers Tier 3+ certifiés qui permettent de garantir la protection physique des données.
Ces data centers sont-ils interconnectés ?
C’est l’autre aspect de la question. Tous les points de présence Wasabi en Europe sont interconnectés entre eux par des services à très hautes performances. Lesquels nous permettent de faire de la réplication inter data center. Pour nos clients présents dans ces destinations, c’est aussi une garantie en termes de connectivité. Nous facilitons l’interconnexion entre les sites des clients et le site de Wasabi quand le client ne souhaite pas utiliser Internet en standard, ce qui est aussi une voie d’accès. Nous offrons à nos clients, notamment à nos gros clients, des liaisons privées, dédiées, pour stocker les données utilisées dans leurs entreprises.
Nous créons ainsi un réseau de stockage, certes dans le cloud, mais il s’agit surtout d’un stockage distribué où Wasabi devient opérateur du stockage objet, qui va ajouter une brique dans l’infrastructure du client à travers une liaison privée. En fait, le client demeure dans son environnement d’infrastructure privée qu’il opère lui-même, c’est sa responsabilité. Il va pouvoir étendre cette infrastructure directement en se connectant en mode privé sur le backup de Wasabi. Il va donc disposer d’un espace dédié, sans craindre que, effectivement, se produise un trafic de données sur Internet. C’est l’un de nos objectifs pour 2022.
Que font vos clients avec Wasabi ?
Nos clients utilisent fréquemment des outils de sauvegarde. Ils souhaitent connecter ces outils à un environnement de stockage immuable. Pour qu’il soit immuable, pas dans leur site, cet environnement de stockage devient un peu le choix Wasabi par défaut. C’est-à-dire que Wasabi devient le choix de tous ses clients. Pourquoi ? Tout simplement, parce que tous les acteurs qui fournissent les briques logicielles faisant les sauvegardes recommandent l’utilisation de Wasabi ! Nous connaissons aujourd’hui une croissance énorme, puisque partis de zéro client, zéro partenaire en 2018, nous comptons actuellement plus de quarante mille clients et plus de dix mille partenaires dans le monde !
En fait, l’offre Wasabi est aussi stimulée par un écosystème de partenaires technologiques. Ces acteurs vont déplacer la donnée pour le backup, l’archive, le site, tout un tas de choses. Ils vont déplacer la donnée entre le site du client et Wasabi, ils créent la connexion, la glue entre le besoin du client et le site de Wasabi. Nous utilisons le protocole S3 qui devient de plus en plus, non pas un standard proprement dit, mais un standard par défaut.
Comment définiriez-vous l’« immuabilité » ?
Le terme provient de l’anglo-saxon. L’aspect immuable c’est : « Je stocke mes données en étant certain que celles-ci ne peuvent pas être modifiées par quelque processus que ce soit », qu’il s’agisse d’un processus technique, un logiciel, voire un ransomware. Des craintes se font d’ailleurs actuellement sentir sur le sujet face aux événements en Ukraine. Il y a des peurs que des ransomwares dormants ou des systèmes de cyber-security n’aient pas détecté certaines failles. Parce que, in fine, c’est aux données qu’on s’attaque. Le fait de disposer d’un stockage de type immuable, même un process qui se réveillerait et aurait accès à ces données, ne pourrait pas les modifier. Un individu, un humain, qui volerait les clés à un client, puisque toutes les données sont ancrées, qui aurait ainsi accès à Wasibi avec les comptes admin, ne pourrait toutefois pas détruire ces données. Notre stockage est immuable dans le marbre ! Combiner, comme nous le faisons, l’immuabilité et le fait que les données sont stockées dans le pays, c’est assurer pleinement l’aspect de la souveraineté.
Pourquoi accorder autant d’importance à cette souveraineté ?
La souveraineté, autrement dit la propriété de ses données, n’est pas juste un mot lancé en l’air. La souveraineté, c’est le fait de pouvoir récupérer ses données sans avoir à payer qui que ce soit. Aux États-Unis, Wasabi est vu comme un acteur quelque peu anti Gafa. Il ne faut pas imaginer que les Américains ne se posent pas de questions quand ils doivent payer pour lire leurs données chez un hébergeur. Nombreux se demandent pourquoi ils doivent payer, ce sont leurs données, il y a quelque chose qui ne va pas.
En Europe, la dimension est autre où des sociétés stockent leurs données chez un « hyperscaler », une grande entreprise qui va générer de la donnée. À chaque fois que la société voudra lire ses données stockées chez l’hyperscaler, elle paiera une taxe à un Gafa. Quid dans ce cas de la souveraineté ? Pourquoi dois-je payer une taxe pour accéder à mes propres données ? D’un point de vue éthique, si on peut parler ainsi en informatique, cela pose un vrai problème de souveraineté.
Quelle réponse apportez-vous ?
Wasabi est le composant qui permet à ces entreprises nationales de garder le contrôle de leurs données. Ceci, par le fait que c’est en Europe, que c’est immuable, que pour pouvoir relire ses données, on ne devra pas payer qui que ce soit, quelque intermédiaire américain que ce soit. Les frais de la relecture de la donnée est un problème. Si on veut passer de Wasabi à un autre acteur, ça ne coûtera rien, le client prend ses données et les mets ailleurs, point final. J’irai encore plus loin, nous ne prenons pas en otage nos clients. Si vous stockez cinq pétas sur Wasabi et que vous désirez, tout compte fait, revenir chez vous avec vos données, que vous souhaitez les récupérer parce que ça devient critique, vous n’êtes pas pris en otage par Wasabi, non pas d’un point de vue technique, mais d’un point de vue financier.
Aujourd’hui, nous assistons à un autre phénomène. Des clients viennent nous voir en se demandant ce qui leur arrive quand ils réalisent que pour télécharger et récupérer les cinq pétas qu’ils ont chez un hébergeur, ils n’ont juste pas le budget, autrement dit qu’ils ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour s’acquitter auprès de cet hébergeur afin de récupérer leurs propres données et faire ce qu’ils veulent !
Par exemple, si un client met en place un système de sauvegarde avec des hyperscalers pour se protéger contre les ransomwares, mais quand il doit lire ses données et qu’il doit payer pour les lire, ce n’est ni plus ni moins qu’un ransomware. Effectivement, quand on n’a pas beaucoup de données, ça ne se voit pas, ça passe inaperçu dans les factures de l’entreprise, même si j’estime gênant d’avoir à payer un intermédiaire, alors que ce sont mes propres données. On oblige les clients à rester, parce que tout simplement on sait très bien qu’ils n’auront pas le budget pour tout relire et tout déplacer. On crée une situation de dépendance, qu’elle soit à travers le vendeur ou l’infrastructure qui va utiliser ces données. C’est là où je pense qu’il y a un danger dans la souveraineté. Ce n’est pas pour rien que Wasabi est perçu par le marché comme étant la solution à tous ces problèmes que les professionnels identifient.
Votre offre reçoit-elle un écho particulier chez les producteurs de contenu, notamment de contenu vidéo particulièrement gourmand en datas ?
Tous ceux qui fournissent du contenu de type média identifient de suite l’immuabilité comme un moyen de se protéger contre des risques de corruption, volontaire ou involontaire. Aujourd’hui, si je veux figer une situation, typiquement un master vidéo, pas d’autre meilleure solution disponible que l’immuabilité dans le cloud. Ce que permet Wasabi. Même si vous utilisez un framework et que ce framework veut accéder à un master stocké dans un environnement immuable, ce ne sera pas possible, vous aurez une erreur d’écriture. Vous vous plaindrez alors que cela ne fonctionne pas, mais ce sera tout simplement parce que vous êtes en train d’essayer d’effacer de vrais masters !
L’autre aspect de votre offre est la dimension cloud, pourquoi ?
Nous vivons dans le monde du contenu média une transformation de l’espace de stockage. L’espace de stockage média traditionnel c’est la bande, les sociétés de production de contenu stockent leur contenu sur de la bande. Ces bandes sont sur étagères, les vidéos auront été taguées, donc on a des bases de données qui permettent de savoir ce qu’il y a dans ces vidéos. Sauf qu’elles ont été taguées pas des humains et là on se retrouve dans une situation où, pendant quelque temps, on n’a pas vraiment pu produire beaucoup de contenus nouveaux. On se dit qu’on dispose de milliers de bandes sur l’étagère, pléthore de tags, mais qu’a-t-on réellement sur nos cassettes ? Peut-on produire un nouveau contenu ?
Justement, comment produit-on un nouveau contenu à partir de ces bandes ?
La première étape consiste à déplacer le contenu de ces bandes dans le cloud, puis de faire tourner des outils de plus en plus sophistiqués qui permettent de taguer automatiquement les contenus des médias et de créer de nouveaux programmes automatiquement. Autrement dit de révéler peut-être des choses qu’on n’avait pas soupçonnées, qui n’ont pas été taguées auparavant. Ces outils de deep learning analysent les vidéos, tous les jours, 24h sur 24. Là, effectivement, vous pouvez utiliser du cloud compute, que ça soit de l’Amazon, de l’Azure, peu importe, la puissance de calcul va permettre d’analyser toutes ces données. Mais attention, il faut que ces données soient dans le cloud, si elles n’y sont pas, personne ne viendra chercher vos cassettes pour les charger dans le lecteur et lire ce qu’il y a dessus…
Cette étape est vraiment nécessaire, elle permet à des sociétés d’être extrêmement agiles. Une société de production, forte de ses dix ans d’archivage média vidéo sur de la bande, va vouloir uniformiser son stockage de médias. Elle se dira : « Finalement, tout est uniformisé, ce qui m’intéresse c’est le contenu de ces médias, pas le format de la bande. Je vais pouvoir créer de nouveaux contenus en analysant ces nouvelles vidéos pour générer de nouveaux programmes. Ça peut être le best of ! ». On a des sociétés de production, comme Brut ou Éléphant Production qui utilisent Wasabi et qui, petit à petit, bénéficient de cet accès immédiat à n’importe quelle vidéo, de n’importe où. Et sur cette vidéo, il y a peut-être des outils qui n’existent pas encore, qui feront apparaître dans six mois de nouveaux contenus. Si on ne lit pas la bande et qu’on n’est pas physionomiste, on ne peut pas le faire. Ces outils-là sont de plus en plus intéressants pour justement chercher de la valeur dans le contenu ou des actions, ou ce genre de choses.
Vous êtes depuis peu en lien avec le Liverpool Football Club, quelle est votre mission ?
Archiver dans le secteur du sport est intéressant. Notre partenariat exclusif avec le Fenway Sports Group, propriétaire de Liverpool FC, est récent. Pour les trois prochaines années, nous avons mis en œuvre une relation avec ce club pour justement, au-delà de l’aspect marketing, faire connaître la marque Wasabi comme un acteur majeur dans le monde, réfléchir sur comment exploiter des données vidéo de training pour justement augmenter la valeur de ces contenus. C’est super intéressant. Le déplacement cloud ce n’est pas juste changer de média et puis tout revient comme avant. C’est vraiment un nouveau step.
Le coût du stockage on line reste-t-il stable ou augmente-t-il en raison notamment des hausses passées (et à venir) du prix de l’électricité ? Offrez-vous une garantie en termes de prix ?
Depuis que la société existe, nous n’avons jamais changé nos prix, nous sommes restés aux mêmes tarifs. Autrement dit, si on se base sur le passé, pas de modification. La question demeure de savoir si nous allons pouvoir maintenir nos prix. Mais s’il est vrai que l’électricité coûte cher, le coût des disques, lui, diminue. Même si l’environnement de production informatique a un coût qui s’accroît, le coût du média décroît. On arrive à atteindre un certain équilibre, sachant que nous sommes déjà à un niveau très bas. Il y a une augmentation de la densité et de la performance des disques et de leur efficacité énergétique. Nous utilisons, par exemple, des disques de chez Western Digital qui sont les dernières technologies. On n’a pas de vieilles technos dans notre système, notre empreinte carbone par téra diminue en permanence.
Western Digital a justement décidé d’investir dans Wasabi…
Nous avons une approche assez pertinente sur l’utilisation des dernières technologies, c’est pourquoi Western Digital a investi lors du dernier tour de table de Wasabi. Nous avons levé 275 millions de dollars. Western Digital s’est ajouté dans les investisseurs et a souhaité faire partie de l’environnement de Wasabi. En quelques années, nous sommes devenus un des plus gros acheteurs de disques dans le monde. Notre objectif est de maintenir nos prix parce que nous savons que, en mettant en avant ces technologies efficaces d’un point de vue énergétique, on va pouvoir diminuer la facture électrique auprès de nos chers collaborateurs data center à qui on paye de l’espace et de l’électricité. Finalement, ça crée un équilibre et diminue l’impact en termes d’augmentation évidemment.
Redoutez-vous une pénurie en matière de stockage à l’image de celle qui sévit actuellement en termes de composants ?
Ce qui pourrait accroître les prix des disques dans les prochaines semaines, ce serait une pénurie mondiale dans le stockage. La pénurie mondiale actuelle de composants n’est pas due simplement au Covid, mais à une mauvaise anticipation de la consommation des composants électriques dans le monde.
Comment cela se passe-t-il dans le cloud ?
Wasabi a démarré en 2015-2018 son service comme acteur dans le cloud. Nous sommes un acheteur privilégié. Nous avons de la réserve. Si demain un client souhaite dix pétas de stockage quelque part à Paris, nous les lui donnons et dans la minute qui suit, il pourra les consommer. Nous lui apportons l’agilité dont il a besoin.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #46, p. 60-64