Xilam, signature de l’animation française…

Interview de Marc du Pontavice, Fondateur et Président de Xilam
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Xilam, référence européenne de l’animation, « comptabilise » 1500 épisodes de dessins animés conçus et distribués dans plus 150 pays. Oggy et les Cafards, Les Zinzins de l’Espace, Zig & Sharko, Les Dalton, Flapacha, Ratz, Mr BéBé, Magic, Rantanplan, Shuriken School, Rahan, Toupou… sont produits pour la télévision et, pour certains, le succès est mondial !

Xilam, qui ne s’interdit pas la réalisation de longs-métrages, bénéfice d’une reconnaissance internationale de son savoir-faire…

 

« C’est lors de ma préparation à Normale-Sup que j’ai ressenti ce désir de me diriger vers les métiers du cinéma. En fait, j’ai fait Sciences Politiques pour, précisément, faire de la production. D’ailleurs, je me suis toujours senti très proche du processus créatif même si je ne me considérais pas, pour autant, comme un artiste. Grâce à des stages dans le domaine audiovisuel, pendant mes études, j’ai eu la chance de me familiariser, de façon rapide et très directe, avec mon métier de producteur. En 1989, le secteur de la production recherchait des personnes diplômées et j’ai pu profiter de cette belle opportunité… » Marc du Pontavice

 

Marie Cornet-Ashby: Peut-on dire qu’un personnage du monde du spectacle vous ait inspiré ?

Marc du Pontavice : Oui, Serge Diaghilev, célèbre organisateur de ballets russes, me fascinait. Et il m’a inspiré dans son rôle de catalyseur de talents au service de la création d’œuvres innovantes et résolument actuelles… J’imaginais, à l’époque, que le métier de producteur de cinéma pourrait me permettre d’avoir, aussi, ce rôle-là.

 

Un moment a-t-il été déterminant dans votre carrière ?

MdP : Une opportunité extraordinaire avec Gaumont qui créait sa filiale télévision. Et le patron de Gaumont, que je connaissais un peu, m’a proposé de participer à la direction de cette toute nouvelle entité. Cette promesse de responsabilité m’a séduit ; je me situais, véritablement, au cœur du système d’un grand groupe et dans son développement…

 

Quels types de contenus avez-vous développés au sein de ce groupe ?

MdP : Au départ, j’ai travaillé sur des formats que je connaissais grâce à mes précédentes fonctions : des séries télévisées en prime time et pour l’international. Jusqu’en 1994, je dirigeais tous les aspects logistiques, administratifs et financiers, de la production télévisuelle pour ce groupe. À cette époque, j’ai travaillé pour la fiction Highlander qui a été un succès mondial. Puis la législation a changé en France avec l’apparition des décrets Tasca qui entravaient la production internationale. Je m’apprêtais à quitter Gaumont Télévision, lorsque l’on m’a suggéré de proposer de nouveaux axes de développement pour le groupe. J’ai naturellement pensé au secteur du dessin animé ; je pressentais, à l’époque, que ce domaine allait exploser. Une chance : j’ai bénéficié de la confiance totale de Gaumont pour créer Gaumont Animation puis Gaumont Multimédia ! Le dessin animé a décollé très vite ; et là, j’étais l’initiateur de nombreux titres puisque j’avais, aussi, la responsabilité éditoriale des contenus. Assez vite, nous avons procédé à une phase de recrutement de talents créatifs, comme Jean-Yves Raimbaud. Les Zinzins de l’espace et Oggy et les cafards, les deux séries fondatrices de cette entité, ont rencontré un succès mondial !

 

Comment est née votre société Xilam ?

MdP : Je suis devenu indépendant en 1999. À l’époque, Gaumont avait d’autres priorités comme celle d’investir dans les multiplexes. Et j’ai proposé à Gaumont de racheter toute la division multimédia. En 1999, l’accord est devenu effectif et j’ai rebaptisé Gaumont Multimédia sous le nom de Xilam.

 

Pourquoi avoir choisi d’aller vers le secteur de la production du dessin animé, et principalement à travers Xilam ?

MdP : Il s’agissait déjà d’une envie personnelle : j’avais été nourri toute mon enfance par les dessins animés de l’âge d’or du cartoon américain (Tex Avery…) et, en France, les créations étaient plus écrites qu’animées : j’ai eu le désir d’insuffler cette forme de créativité. J’aimais l’idée de travailler au service d’un art à la fois très intuitif et collaboratif. Au départ de Xilam, j’ai racheté les droits à Morris, l’auteur original de Lucky Luke pour créer une nouvelle série pour la télévision. Le pari était difficile : écrire 52 nouvelles histoires… Le succès a été immense avec près de 5 millions de téléspectateurs par épisode sur France 3 !

 

Comment naissent les dessins animés ? Sur une base totalement imaginative ?

MdP : Oui, c’est uniquement de l’imaginaire. Cela part souvent d’une envie qui me vient et très succincte : scénaristes et dessinateurs laissent alors parler leurs talents comme pour Ratz et Flapacha. De temps en temps, des créatifs de la maison viennent aussi me proposer des idées… Olivier Jean Marie a été, et est toujours, l’un des créateurs les plus prolifiques de Xilam. Je dirais qu’un bon contenu se construit avec la bonne idée, au bon moment et avec le bon talent…

 

Le dessin animé divertit avant tout, mais pas seulement ?

MdP : Cela ne peut pas être que du divertissement ; c’est un peu plus complexe que cela… Je fais peu appel à l’idéologie, plus à l’humain. Pour la série sur l’environnement (Flapacha) j’avais des enfants qui grandissaient et qui avaient peur de la nature. En ce moment, je développe des séries liées à la fraternité. Dans les personnages de cartoon, il existe, souvent, des lectures au deuxième degré. Je m’attache beaucoup à ce que nos contenus soient écrits de telle manière qu’ils puissent associer les parents et les enfants ; c’est une vraie caractéristique de Xilam. Si nous sommes dans une segmentation de la télévision (avec des cibles pour chaque programme), Xilam essaie de créer des œuvres fédératrices…

 

Vous pouvez vous imposer des limites dans vos choix éditoriaux …

MdP : Oui, il y a des sujets que l’on ne traite pas car ils sont discriminatoires : on s’adresse essentiellement aux enfants. Nous pesons notre responsabilité, et nous sommes très attentifs. Cela, d’ailleurs, ne serait pas juste de parler de censure mais nous essayons de travailler en restant à la hauteur des enfants. La majorité de nos dessins animés est écrite pour les 6-11 ans. On s’y retrouve très bien ; c’est aussi le plus gros marché dans le dessin animé. Nous commençons, depuis peu, à développer des séries pour les plus petits : 3-5 ans. Notre audience est composée d’un tiers par les adultes. Et je suis très satisfait de ce constat, puisque c’est l’un de mes objectifs à la source.

 

Avez-vous une stratégie multi-écrans pour les séries que vous développez ?

MdP : Oui, mais pas pour toutes. Certaines séries s’y prêtent, d’autres pas du tout ! Avec Oggy et les cafards, cela semblait naturel. Nos équipes ont réalisé un jeu vidéo pour les smartphones et tablettes en France et décliné, prochainement, dans le monde entier. Sur Facebook, cette série rassemble 2 millions de fans ! Nous développons ainsi une véritable stratégie 360 ! Nous sommes aussi très présents sur YouTube et les différentes plateformes de vidéos à la demande (comme Netflix). Aujourd’hui, les enfants ont différents écrans et les utilisent presque simultanément…

 

Vous réfléchissez, toujours, à l’international pour les contenus de Xilam ?

MdP : Il n’est pas possible de faire autrement dans le dessin animé. Les coûts, très onéreux, de fabrication de ce type de contenus trouvent un amortissement à la seule condition qu’ils aient une résonance à l’export. Donc l’international est nécessaire pour nous, avec des forces de vente qui travaillent dans le monde entier. Nos dessins animés sont diffusés, aujourd’hui, dans plus de 150 pays.

 

Pouvez-vous évoquer vos relations, à l’export ? Des chiffres, peut-être…

MdP : Cela est complexe avec la Chine, et fermé avec la Corée du Nord. Sinon, nous sommes présents partout. Notre présence, très européenne au départ, s’est élargie à des continents comme l’Asie qui est devenu un grand client. Avec l’Amérique du Sud, depuis quatre ans, la collaboration se solidifie. Le marché américain est la prochaine étape… Hors subventions, l’export représente 50 % de notre chiffre d’affaires.

 

Vous êtes toujours sensible à la production de longs-métrages ?

MdP : Oui, à travers One World Films. Et nous produisons un film par an, en moyenne.

 

Quelle est la distinction qui vous a le plus touché, dans votre carrière ?

MdP : Le César, pour le long-métrage Gainsbourg, produit par One World Films.