Nombreux sont ceux qui n’aiment pas changer leurs habitudes. Pourtant, le logiciel, s’il a commencé par subir de nombreux désistements de la part des habitués, a reconquis de nouveaux utilisateurs. Son ergonomie était sans aucun doute beaucoup trop en rupture avec ce que proposait la version antérieure. L’ergonomie traditionnelle des éditeurs non linéaires a fini par me lasser et je suis ravi que la marque à la pomme ait proposé cette alternative moderne.
Steve Jobs, interrogé sur le sujet, à savoir pourquoi ils avaient fait un logiciel autant en rupture avec les précédentes versions, avait répondu à l’époque, en 2011, que pour lui un logiciel d’édition vidéo serait aussi essentiel au commun des mortels que ne l’était un traitement de texte ou un tableur à ce moment-là.
C’était il y a dix ans et même si nous n’en sommes pas encore tout à fait là, l’évolution semble aller dans ce sens. J’ai eu la chance d’être présent au lancement de FCPX à Las Vegas au NAB 2011 et je fais partie de ceux qui ont accepté de réapprendre plutôt que de crier au loup.
Certes, il manquait bien des fonctionnalités dans le logiciel pour son lancement. Je ne vais pas refaire l’histoire ni chercher à convaincre qui que ce soit, mais je prends beaucoup de plaisir à utiliser ce logiciel notamment pour ses fonctionnalités de montage intuitives, ludiques, efficaces et très rapides.
Comme dans tous les domaines, le mieux si vous le pouvez, c’est quand même de confier votre étalonnage à quelqu’un dont c’est le métier ! Non seulement, c’est un métier qui nécessite des heures et des heures de pratiques, mais il nécessite aussi des outils très onéreux, le fameux moniteur de référence qui doit être calibré !
Il y a de nombreux cas où ce n’est pas possible pour des contraintes de production. C’est pour cette raison que je vous propose de faire un petit panorama de ce qu’il est possible de faire avec des plug-ins dans votre logiciel de montage préféré.
Final Cut Pro X a introduit un module d’étalonnage qui est plutôt efficace pour les corrections globales mais qui reste un peu léger pour les utilisateurs qui veulent aller un peu plus loin. L’apparition des roues de couleurs a pourtant bien amélioré la donne par rapport aux premières versions, même si un logiciel comme DaVinci Resolve reste aujourd’hui une grande référence pour étalonner. Cependant, c’est un outil qui reste un peu rébarbatif à utiliser et loin d’être aussi moderne au niveau de son ergonomie.
Des éditeurs de logiciels ont proposé des plug-ins permettant d’aller un peu plus loin que ce que propose FCPX en standard. J’en ai sélectionné quatre principaux : Color Finale dans sa version 2, Nitrate Film Convert et FilmLook de chez Motion VFX, ainsi que Cinema Grade.
Certains pourraient penser que ce sont des bibliothèques de filtres façon Instagram, mais il s’agit au contraire d’outils vraiment puissants pour peu qu’on prenne le temps d’apprendre à s’en servir.
Cinema Grade est un plug-in étonnant car il propose une interface assez simple et des outils de mesure intégrés. Au niveau ergonomie, c’est celui qui est sûrement le plus alléchant puisque la promesse est de faire des sélections à l’aide du pointeur de la souris pour faire bouger les réglages. Ce n’est malheureusement pas toujours aussi simple et j’avoue avoir été en manque de mes outils habituels, les roues de couleur et les courbes principalement. Néanmoins, j’ai apprécié notamment la gestion de la comparaison des plans avant et après le plan corrigé.
Cette fonction qu’ils ont appelé « Color match » est vraiment pratique pour avoir une vision globale des raccords colorimétriques entre les différents plans d’une même séquence. Il est aussi possible de faire des groupes et de copier/coller vos réglages et il existe aussi une fonction qui essaye d’appliquer le look global d’une image que vous aimez. Cinema Grade tente alors de le reproduire. Bien entendu, ceci est intéressant mais c’est assez rarement efficace du premier coup et il faut souvent rentrer dans les paramètres précis pour avoir un résultat convaincant.
Il est possible de jouer avec une Lut en entrée et/ou en sortie du process du plug-in. Leur système de prévisualisation des Luts est par ailleurs très bon. À noter aussi la prise en charge des systèmes de chartes de couleur de chez XRite.
J’ai apprécié aussi le fait d’avoir une interface qui occupe vraiment l’écran et que l’on peut ouvrir dans un deuxième moniteur, par exemple. Au niveau ergonomie, c’est plutôt bien pensé et efficace. Au final, ce n’est pas toujours aussi simple et il faut souvent passer par des ajustements des paramètres numériques ce qui rend son utilisation un peu moins agréable et je n’ai pour le moment pas encore trouvé le truc pour en faire une solution suffisamment efficace. Néanmoins, pour aller vite et ne pas trop se « prendre la tête » il semble que ce soit un très bon outil.
Nitrate de chez FilmConvert est une solution intéressante proposant, à la base, des outils pour simuler le rendu de la pellicule avec tout une panoplie de variables d’ajustement qui m’a beaucoup plu et que j’apprécie utiliser quand je veux aller chercher un look original et sortir du rendu un peu trop vidéo de certaines caméras.
Le principe de ce plug-in est que l’éditeur va proposer un « profil » pour calibrer le logiciel au rendu colorimétrique de votre caméra et ensuite de lui rajouter une simulation de film Kodak ou Fujifilm avec les grands classiques des émulsions cinéma couleur ou noir et blanc mais aussi photo. Si vous voulez donner un look Fuji Velvia ou Kodak Tri X c’est possible.
Ensuite, vous pouvez bien entendu régler l’exposition, la température de couleur, la teinte. Il est possible de doser plus ou moins de chromie film ainsi que la luminance entre l’image source et l’image qui passe par la simulation de la pellicule. La gestion du grain est aussi assez simple à maîtriser et pour avoir de jolis résultats, il faut choisir son type de film. Les réglages vont du 8 mm en passant par le 16 mm, le 35 mm trois perforations jusqu’au « full frame »… Vous disposez bien entendu d’un correcteur avec les trois voies : Shadows, Midtones et Highlights ainsi qu’une gestion de la saturation et d’un outil de coupe réglage par tranche de couleurs rouge, verte ou bleue.
Si les résultats sont très intéressants, il ne faut pas espérer combler les grands manitous de la colorimétrie. Il s’agit malgré tout d’une boîte à outils sympa qui, bien dosée, peut donner de très beaux résultats mais ce n’est pas à proprement parler un vrai outil d’étalonnage. En cumulant ce Film Concert Nitrate avec l’outil intégré à FCPX, j’ai sorti quelques films dont je suis assez fier.
Le troisième plug-in que j’ai sélectionné est celui de Motion VFX, nommé FilmLook. Cette société est devenue un acteur majeur en quelques années. Ils font des plugs pour la plupart des logiciels qui sont très bien conçus et permettent d’obtenir de très jolis résultats, tant pour le titrage que pour d’autres effets d’habillage, et un nouveau système de Tracker 3D assez étonnant.
Pour la partie étalonnage, leur module s’appelle Film Look et il est un peu le concurrent de FilmConvert car il propose aussi de donner un petit look cinéma sympa, à vos réalisations.
L’approche est différente même si c’est puissant et c’est plus destiné à appliquer des preset qu’à rentrer dans la finesse des réglages. Il est aussi possible de choisir le type de caméra source ainsi que les réglages que vous avez choisis au tournage, que vous ayez une caméra Canon, Sony, Panasonic, Red ou Fujifilm… il manque Nikon quand même !
Vous pourrez ainsi, à loisir, gérer les paramètres classiques du travail sur la colorimétrie et ensuite aller chercher des éléments de look comme les flares, aberrations chromatiques et autres distorsions de l’objectif ainsi que des zones de flou, du vignettage, les barres scope et du grain.
Les presets sont plutôt bien faits et il est assez simple d’obtenir un bon résultat si on sait garder un peu de retenue dans les réglages car il est assez facile de tomber dans des effets un peu caricaturaux. Avec un peu de temps et en explorant avec subtilité certains paramètres, il est néanmoins possible d’obtenir de jolies choses.
Ces premiers plug-ins sont intéressants mais ils ont un côté « presse bouton » et surtout, ils se limitent à l’utilisation d’un espace colorimétrique Rec. 709 et empêchent donc d’aller explorer le Rec. 2020 ou le DCI P3 qui sont de plus en plus demandés. Impossible aussi de gérer le HDR au travers de ces bouts de logiciel.
C’est principalement la raison qui me fait préférer le quatrième plug-in qui s’appelle donc ColorFinale 2. J’avais déjà été séduit par la V1 mais le logiciel a mis des années à se mettre à jour et devenait instable sur les dernières versions de FCPX. Si j’ai bien compris, son fondateur est parti pour créer Cinema Grade et c’est une nouvelle équipe qui a repris ColorFinale.
C’est pour moi le plus puissant des quatre car il a déjà une vraie gestion des espaces colorimétriques et, cerise sur le gâteau, il est compatible avec Aces. Pour rappel Aces (Academy Color Encoding System) est un système de gestion des couleurs mis en place par la partie technique de l’académie des Oscars.
Aces propose aux différents acteurs de la chaîne de traitement de l’image une référence colorimétrique stable, unique et commune à tous les process, qui reste indépendante du matériel et des logiciels utilisés. Aces est un système libre et ouvert, mis à la disposition des différents fabricants. Pour moi, c’est un vrai gage de qualité et je trouve ça très sécurisant quand on veut faire autre chose que du Vloging sur YouTube.
Cet outil permet aussi l’utilisation d’une charte de couleur au tournage et de l’analyser dans FCPX pour donner une base à vos réglages et avoir une balance des blancs optimisée. C’est aussi le seul logiciel qui intègre des outils de masques évolués qui sortent de la simple forme carrée ou plus ou moins ovale, ainsi qu’une option de tracking. Vous pourrez dessiner vos masques avec des outils de plume et de courbes de Bézier.
Le correcteur trois voies est des plus classiques mais il est précis et efficace. Il peut être associé à des outils de correction sur des courbes luminance + R + G + B, secondé par un outil baptisé « Six Vectors » qui en plus de travailler sur les canaux RGB va aussi proposer des réglages sur le cyan, le magenta et le jaune. Les trois curseurs sont tout simplement le Hue, la saturation et la luminance pour cet outil-là.
Les outils de correction sont donc nombreux et précis. La qualité de la sélection et les outils de masques permettent donc d’aller très loin.
Cinéma Grade et ColorFinale 2 semblent être les deux compétiteurs les plus sérieux qui permettent réellement de faire de l’étalonnage et pas uniquement d’appliquer des looks prédéfinis. Néanmoins, j’ai apprécié le fait de pouvoir jouer aussi avec les presets de FilmLook et de FilmConvert ; il m’arrive parfois de cumuler ces outils pour travailler le rendu final de mon image.
J’ai quand même une préférence pour ColorFinale 2 qui est pour moi le plus abouti et le plus « pro » notamment de par ses outils de gestion des masques et de tracking, le support de Aces et la gestion précise des espaces colorimétriques avec une vraie différenciation du Rec. 709 et du Rec. 2020.
Il ne faudra pas oublier non plus de basculer Final Cut Pro en mode « Wide Gamut » pour pouvoir profiter pleinement de ses espaces colorimétriques plus larges et du coup qui nécessitent plus de précision. À noter que l’élément le plus important de l’étalonnage n’est pas l’outil que vous allez utiliser mais bel et bien la précision du monitoring, et là, c’est un autre sacré chapitre qui devra être traité dans un prochain article car il y a beaucoup à dire. La calibration n’est vraiment pas une chose facile.
Même si c’est beaucoup moins puissant qu’un logiciel dédié comme Resolve ou Scratch, c’est malgré tout une solution intéressante pour ceux qui ne veulent pas trop sortir de leur logiciel de montage et aller un peu plus loin au niveau de leur étalonnage.
J’insiste sur le fait que rien ne vaut un étalonneur dont c’est le métier qui pourra vous apporter bien d’autre chose que sa maîtrise de l’outil et de la puissance de son équipement : ça s’appelle le talent ! Je crois que nous sommes des êtres capables d’être très polyvalents, mais la chose qui risque de faire la différence c’est le temps et l’expérience.
Article paru pour la première fois dans Moovee #6, p.24/27. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.