Il y a 10 ans, Grant Petty achetait, via Blackmagic, Echolab, une marque créée en 1974. Un an avant ce rachat, à l’occasion de son 35e anniversaire, Echolab proposait à ses clients un nouveau mélangeur au nom désormais bien plus célèbre que la marque originelle : Atem. C’était un mélangeur 1M/E 3Gbps 1080p60, des caractéristiques de base mises à l’honneur dans l’Atem Mini… en version miniature !
Avec un prix agressif pour l’époque, positionné sous la barre des 20 000 dollars, l’Atem s’adressait déjà à un public élargi (par rapport au monde du broadcast) : gouvernements, éducation, corporate, live et maisons de culte. Ce sont les puissantes fonctionnalités de l’Atem qui avaient séduit le patron de Blackmagic : up et cross-conversion de toutes les entrées, DVE, image dans l’image (PIP) et monitoring multiview. Le nom Atem fait référence au dieu égyptien Atum, le dieu des créateurs.
Ce que propose l’Atem Mini, ce qu’il laisse aux grands
Le public ciblé par Blackmagic pour exploiter ce petit boîtier est lui aussi nouveau dans le microcosme des mélangeurs audiovisuels. La communication de la marque s’adresse clairement aux youtubeurs, aux e-sportifs et autres joueurs vidéo, ainsi qu’aux formateurs et « startuppers » souhaitant présenter leurs offres à des investisseurs. Le petit boîtier noir intègre des fonctionnalités qui intéressent en premier lieu ce public.
Des arbitrages financiers guident forcément la conception d’outils proposés à des prix aussi compétitifs ; des fonctionnalités plus « broadcast » telles que le multiview (visualisation simultanée des différentes sources sur un écran) ne sont pas nativement présentes. Mais nous avons eu la très bonne surprise de trouver sur l’Atem Mini des fonctionnalités habituellement absentes sur des mélangeurs d’entrée de gamme, parmi elles : l’encodage intégré pour la diffusion sur les réseaux sociaux, le pilotage logiciel des différentes fonctions en réseau ou encore le traitement du son via le logiciel Fairlight.
Présentation de la machine
L’Atem Mini est très élégant dans sa livrée noir mat avec ses boutons rétro-éclairés. L’ensemble de l’électronique est intégré dans un pupitre de 24 cm de large et 10 cm de profondeur pour une hauteur de 35 mm pour 550 grammes sur la balance. L’alimentation externe se branche solidement via un connecteur sécurisé à vis. L’arrière regroupe l’ensemble de la connectique, quatre entrées et une sortie HDMI, deux entrées son sur prise jack stéréo 3,5 mm, une prise USB-C « multifonctions » et une mystérieuse prise Ethernet nommée Atem Control.
L’Atem Mini, c’est un ensemble aux possibilités décuplées lorsque l’on l’associe au logiciel Atem Software Control dont la dernière version est à télécharger sur le site Internet de la marque dans la section assistance. La marque nous avait habitués à livrer les modes d’emploi dématérialisés, accompagnés des éventuels logiciels et drivers sur une carte SD. À l’ouverture du carton de l’Atem Mini, Blackmagic a glissé un flyer nous invitant, par souci écologique, à télécharger les derniers modèles de ces fichiers : ils auront de plus très souvent été mis à jour, rendant cette clé SD caduque avant d’avoir été utilisée.
Prise en main
Dès l’alimentation branchée et sécurisée, l’appareil est prêt à recevoir les flux audio et vidéo. La première source connectée à l’Atem Mini (caméra ou autre) définit les caractéristiques techniques du boîtier (résolution et nombre d’images par seconde). Les prochaines entrées connectées seront converties vers ce format. Il est ensuite possible de modifier ce réglage via le logiciel Atem Software Control.
Quatre entrées HDMI permettent de connecter des caméras ou des ordinateurs. Les deux entrées audio sur prise jack 3,5 mm sont idéales pour des récepteurs audio HF ou d’autres sources au niveau ligne (asymétriques) ou micro. En utilisant les liaisons audio des prises HDMI, les possibilités de mixage sont décuplées.
En configuration initiale les prises HDMI et USB-C transportent le programme final vers un écran et les réseaux sociaux ou des applications de streaming, la sortie USB-C étant directement reconnue comme une webcam, pour une diffusion directe grâce à l’interface de YouTube ou à l’aide du logiciel libre et open source de streaming OBS Studio par exemple.
La première entrée HDMI est à faible latence, ce qui permet, lors de la connexion d’une console ou d’un ordinateur de jeu, de pouvoir exploiter la sortie HDMI pour rediriger le flux vers l’écran du joueur.
Manipulations via le pupitre
Le pupitre permet le choix des sources à diriger vers la sortie programme en cut (sélection directe) ou avec des effets de transitions (la nouvelle image pousse l’autre vers la gauche ou la droite, le haut ou le bas ou s’affiche progressivement en fondu enchaîné). Chaque source audio (les deux micros et les quatre prises HDMI) dispose de son jeu de boutons on/off et de touches haut/bas pour régler les niveaux.
Les possibilités audio sont complètes sur ce produit, puisqu’il est également possible de choisir si les canaux audio des prises HDMI s’activent simultanément à la commutation du canal vidéo ou restent actives en permanence. C’est la fonction de la touche AFV (Audio Follow Video).
On peut enfin afficher une image dans l’image (PIP : picture in picture) ou incruster un personnage filmé sur un fond vert (ou bleu) sur une autre image via le keyer). Deux boutons, still et black, permettent de commuter sur un autre média une image noire (black) ou l’image préparée dans la mémoire de la machine (still).
Commutation style Mix Effects et validation du preview
Nativement, la commutation se fait directement sans prévisualisation (preview) de la prochaine source à afficher, dans un style « bus cut », en appuyant directement sur les plus grosses touches de l’Atem Mini numérotées de 1 à 4. L’Atem Software Control permet d’activer la prévisualisation. Les prochaines sources pourront ensuite être commutées en « cut » avec l’activation du bouton éponyme ou grâce à la touche « auto » avec la transition sélectionnée et selon la durée choisie de 0,5 à 2 secondes (grâce à quatre boutons).
La source en preview est rétroéclairée en vert, le programme en rouge. Le signal vidéo correspondant au preview est dirigé vers la sortie HDMI, la prise USB-C restant réservée à la diffusion du programme. Ce mode de fonctionnement, dit mix effets, est le plus populaire parmi les réalisateurs et techniciens « broadcasters ». Cela permet, en sélectionnant les sources avant mise à l’antenne, d’éviter de nombreuses erreurs.
Lorsque le multiview vous manque
Sur les appareils plus haut de gamme de la marque ou des appareils concurrents, une sortie multiview propose un affichage de l’ensemble des sources, le preview et le programme. Cet affichage aide au choix des sources à commuter pour proposer une réalisation dynamique et fluide. Sur la toile, nombreux sont les forumers à plébisciter les qualités de l’Atem Mini ; en soulignant le manque de la fonctionnalité multiview. Il semble cependant difficilement envisageable de réclamer cette fonction au même tarif ; certains rêvent d’un modèle intermédiaire : l’Atem Midi.
Les fonctionnalités de l’Atem Mini combleront largement le public ciblé, qui appréciera sa simplicité de mise en œuvre. Pour les e-sportifs par exemple, deux ou trois caméras fixes cadrent le joueur ; la première entrée vidéo recevant le flux de l’ordinateur de jeu, avec la fluidité offerte par la cadence de 60 images par seconde.
Le multiview vous manque trop cruellement ? Deux options s’offrent à vous. Si votre budget vous le permet, vous pourrez vous orienter vers le second modèle de la gamme, l’Atem Television Studio HD (929 €). Vous passez alors de quatre à huit entrées, dont quatre HDMI et quatre SDI, mais vous ne disposez plus de sortie programme en USB-C pour attaquer directement un outil de streaming, ni de l’ensemble des boutons de commutations et d’effets.
La nature a, paraît-il, horreur du vide ! Des utilisateurs un peu bidouilleurs ont très vite trouvé une solution « budget » pour combler l’absence de multiview. Au lieu de connecter directement les sources aux entrées HDMI de l’Atem Mini, ils vous proposent d’investir dans quatre splitters HDMI et un multi-viewer HDMI. L’ensemble vous coûtera entre 150 et 250 € hors câbles et écrans.
L’Atem Software Control débride le MINI
Il serait dommage de se passer de l’installation du logiciel Atem Software Control. Au programme : la qualité des traitements sonores et les puissantes fonctionnalités de Fairlight, de nombreuses possibilités communes aux autres mélangeurs Atem via un logiciel de pilotage commun et le paramétrage complet de votre machine !
Si plusieurs personnes collaborent à la réalisation de votre évènement, plusieurs instances du logiciel peuvent chacune être dédiées à une tâche particulière et compléter élégamment la manipulation du pupitre. Pour cela vous connectez des ordinateurs, éventuellement équipés d’écrans tactiles, en réseau. Cela peut être via le déploiement d’un réseau totalement fermé et dédié au mélangeur et aux ordinateurs de pilotage (la configuration que nous avons déployé pour nos tests) ou sur un réseau existant.
Imaginons la captation d’une conférence ou d’un spectacle : vous placez l’Atem Mini proche des caméras qui y seront connectées. Le mélangeur est ensuite connecté au switch vers lequel convergent également les différents ordinateurs. Un de ces derniers commandera le mélangeur (sélection des sources, incrustations, effets), un autre sera dédié au mixage « Fairlight » et un dernier pourra être dédié à l’habillage et à la préparation des éventuelles sources externes de médias.
Différents onglets définissent les différentes possibilités
Un onglet Médias permet de charger vingt graphiques RGBA (incluant une couche Alpha, définissant la transparence à travers laquelle peuvent être vus les graphiques – fichiers PNG, TGA, BMP, Gif, Jpeg et Tiff), pour l’habillage et le titrage. Un lecteur de Media (Media Player) évite l’utilisation d’une entrée du boîtier pour afficher des images qui peuvent également être intégrées à des effets tels que les volets.
Un plug-in Photoshop automatiquement installé avec l’Atem Software Control permet un lien direct entre ce très célèbre outil de graphisme d’Adobe et l’Atem Mini. Il est parfait pour les titrages et les affichages sportifs (scores). Les titres peuvent en effet être mis à jour dans Photoshop pour une mise à l’antenne très rapide. Pour lier Photoshop au mélangeur, lors de la première utilisation du plug-in, l’adresse IP du mélangeur doit être renseignée. En préparant différents calques Photoshop, il suffit de sélectionner celles que l’on souhaite pour la version d’un titrage à afficher et d’actionner un bouton pour aplatir automatiquement les couches et le titrage dans le media player.
Quatre lecteurs/enregistreurs Hyperdeck peuvent être pilotés via une page du logiciel et une connexion réseau. Ils peuvent ainsi être branchés vers une ou plusieurs entrées de l’Atem Mini en HDMI. Des sujets vidéo, des publicités, des illustrations ou des génériques peuvent ainsi être lus au cours de votre réalisation.
Avec l’Atem Mini les images devront être réglées directement sur les caméras. Sur les mélangeurs de plus haut de gamme, il est possible via les connectiques SDI de régler les caméras et d’optimiser leurs corrections colorimétriques à distance. Deux interfaces, une style CCU traditionnelle (Camera Control Unit) à laquelle sont habitués les ingénieurs vision et une type « DaVinci Resolve » qui utilise une roue chromatique primaire pour mettre à profit les savoirs acquis avec le fameux logiciel d’étalonnage de la marque.
Le son
Avec l’Atem Software Control, c’est Fairlight qui entre en piste pour le son. Les possibilités sont étonnantes pour un outil de cette gamme. Toutes les sources audio (les deux sources micros stéréo via les prises jack 3,5 mm et l’ensemble des huit canaux audio issus des quatre entrées HDMI) profitent de la puissance d’une console de mixage audio « logicielle » Fairlight complète, effets compris.
Le réglage des gains, niveaux et balances de chaque entrée est facilité par la présence de vumètres pour chaque « tranche » et pour le master (programme général). L’ultime « touche » maison c’est la présence d’un égaliseur paramétrique six bandes et d’un traitement complet de la dynamique (compresseur, expanseur, limiteur, gate) accessible lui aussi pour chaque source sonore et la tranche Master ! Une console de mixage Midi peut être connectée selon le protocole Mackie Control. Un grand nombre de modèles sont compatibles, les « imposants » modèles Fairlight peuvent également être exploités. On peut choisir de ne mixer que les sources à l’antenne AFV ou au contraire de préparer le mix à partir de l’ensemble des sources.
Effets, incrustations, transitions
Le mélangeur Atem Mini utilise le même traitement vidéo interne que ses grands frères. Il intègre des incrustateurs en amont (incrustateurs d’effets) et en aval (DSK ou downstream keyer) accessibles depuis le panneau de contrôle ou plus efficacement et avec plus d’options depuis l’Atem Software Control. L’incrustateur d’effet peut être paramétré en luminance (luma keyer), en mode prémultiplié, linéaire ou en incrustation chromatique (chroma keyer).
L’incrustation sur fond vert ou bleu a été popularisée par les bulletins météorologiques TV. La couleur du fond à supprimer avec le chroma keyer est sélectionnable via une pipette ; des corrections de la découpe étant alors accessibles, avec un nettoyage colorimétrique de l’image de premier plan après l’incrustation. Blackmagic vous propose de détourner l’utilisation de l’incrustateur pour superposer des titres et des habillages préparés sur Powerpoint ou d’autres logiciels préparés sur un fond coloré (vert) qui sera rendu transparent pour la diffusion.
Les macros
Un éditeur de macros permet d’enregistrer un ensemble de commandes qui seront réalisées à la demande par le mélangeur, outils de mixage, et gestion des médias inclus. Pour rappeler une macro, il suffira d’appuyer sur un bouton.
La gamme
Après le rachat d’Echolab, Blackmagic a conservé le nom du modèle Atem du constructeur, qu’il a décliné suivant une gamme complète. Les deux premiers modèles sont donc les sus-cités Atem Mini et Atem Television Studio HD (929 €). L’Atem Television Studio Pro HD (2 155 €) reprend les fonctionnalités du petit modèle, mais intégrées dans un panneau de contrôle complet. Une version 4K (Atem Television Studio Pro 4K – 2 795 €) est donc… 4K !
Blackmagic propose ensuite quatre modèles rack de l’Atem Production Studio 4K (1605 €) à l’Atem Constellation 8K (9 359 €) avec 4M/E. On peut associer à tous ces mélangeurs les panneaux de contrôle 1 ou 2M/E (2 755 et 13 815 €), des racks dédiés aux réseaux d’ordres et divers convertisseurs. Une gamme très complète.
Conclusion
Ce mini mélangeur inclut dans ses potentielles cibles les professionnels ou grands amateurs de jeux vidéo. C’est de circonstance car il représente également un véritable « game changer » (changeur de jeu). Il est également un superbe outil pédagogique pour entrer dans le monde de la réalisation en direct. Il permet surtout à un tout nouveau public d’accéder à ces outils pour des présentations professionnelles sur Skype, de la formation et des présentations.