Dans cette nouvelle mouture du célèbre logiciel d’étalonnage, de montage, de mixage et d’effets spéciaux, les bases de données ont été renommées librairies. Ce terme, peut-être moins intimidant, représente toujours la même méthode d’hébergement des projets. Deux types de librairies, locales et PostgreSQL, permettent respectivement le travail en local sur une unique station de travail ou en collaboratif au sein d’un réseau privé. Un troisième type de librairie apparaît dans DaVinci Resolve 18. Il permet l’hébergement simplifié de projets dans le cloud via une facturation sans engagement. Un nouveau type de stockage partagé et synchronisé à Dropbox complète la solution.
À qui est destinée la solution Blackmagic Cloud ?
Aux créateurs de projets DaVinci Resolve qui souhaitent collaborer avec les personnes d’un groupe de travail, des amis, des pairs ou des clients et partager des éléments cloud.
Comment accède-t-on à cette nouvelle offre ?
Les utilisateurs se connectent au Blackmagic Cloud via la page Web cloud.blackmagicdesign.com ou directement depuis l’interface dédiée au sein de DaVinci Resolve 18. Au paramétrage de leur compte, ils sont incités à choisir le serveur le plus proche de la personne qui va effectuer la majorité des travaux. Ils peuvent alors créer des librairies ou en importer depuis leurs stations de travail. Il est possible d’ajouter d’autres personnes en renseignant leurs identifiants Cloud ID. Elles verront apparaître les projets partagés, en évidence dans leurs comptes. Dès la fin du dernier NAB, de nombreux utilisateurs s’étaient déjà inscrits sur le Blackmagic Cloud.
La question qui vient immédiatement à l’esprit est celle du partage des médias…
Nous gérons actuellement le partage des médias liés aux projets des différents utilisateurs de la solution via un système de synchronisation par Dropbox lié aux comptes Blackmagic Cloud. Il est très simple pour nous de nous connecter à Dropbox qui est un système de partage de fichier distribué dans le cloud reconnu, et d’utiliser la colonne vertébrale de leur solution. Avec Dropbox, si plusieurs utilisateurs accèdent au même compte et si un des utilisateurs ajoute des médias additionnels, Dropbox les synchronise automatiquement aux comptes partagés. Nous n’avions pas besoin de recréer une solution. Dropbox intègre des options abordables et extensibles. Nous devrions ajouter d’autres outils de partage de fichiers dans le futur.
À travers leur interface Blackmagic Cloud, les utilisateurs identifient les dossiers ou médias utilisés localement dans les projets DaVinci partagés. Ils doivent alors définir un partage sur leurs comptes Dropbox et y joindre les comptes de leurs collègues pour que ces derniers puissent synchroniser localement les médias sur leurs stations de travail. DaVinci Resolve pointant sur les médias distribués sur chaque poste de travail, chaque utilisateur accède aux mêmes médias et aux mêmes projets. C’est aussi simple que cela doit l’être !
Quel est le coût d’un abonnement Blackmagic Cloud et que contient-il ?
Le Blackmagic Cloud contient uniquement des informations collaboratives, c’est-à-dire les librairies qui, elles, hébergent les projets. L’unique chose que nous louons est l’hébergement des librairies facturé 5 dollars par mois et par librairie. C’est une fonctionnalité activable et désactivable très simplement. Une limitation de la version bêta est susceptible d’évoluer : actuellement les librairies ne peuvent être partagées qu’avec dix personnes. Les groupes plus larges doivent envisager d’autres alternatives ou penser à des workflows locaux et des répartitions des groupes de travail adaptés à cette contrainte. Il est possible de créer plusieurs projets au sein d’une librairie et de créer plusieurs librairies pour différents groupes. Nous tenions à proposer le coût le plus faible possible, ce dernier est uniquement le reflet des investissements dans les serveurs qui hébergent les données et permettent leurs parfaites synchronisations. Quelque 60 dollars par an c’est vraiment un investissement minime en comparaison de plusieurs autres solutions.
De nouvelles fonctionnalités à venir sont annoncées. Avez-vous une feuille de route à dévoiler ?
Blackmagic Cloud nécessite l’utilisation de la nouvelle version 18 de DaVinci Resolve qui intègre les outils API développés pour Dropbox, la gestion des projets et l’interaction avec le Blackmagic Cloud. La première étape dans la feuille de route est le passage en version officielle de DaVinci Resolve 18 [en bêta à l’heure de l’écriture de ces lignes]. L’ensemble de la solution Blackmagic Cloud est toujours en bêta. L’espace de présentation et de partage du contenu de DaVinci Resolve « live » est fonctionnel, mais nous observons les retours concernant l’interface utilisateur (UI) : est-il facile de collaborer avec des clients et de récupérer leurs annotations sur les vidéos ? Le retour des notes dans l’interface de DaVinci Resolve est-il satisfaisant ?
Quelles prochaines options sont prévues pour la gestion de fichiers, en complément de Dropbox ?
Grant Petty a mentionné Google Drive dans sa première présentation officielle de Blackmagic Cloud. Cela reste un travail en cours avec l’équipe de développement. Dropbox est fantastique pour offrir un premier choix, mais nous souhaitons offrir des solutions supplémentaires parce que nous savons que certaines personnes préféreront utiliser Google Drive, OneDrive ou d’autres solutions.
Peux-tu nous présenter la solution de validation de vidéos ?
L’espace de présentation est une fonctionnalité de Blackmagic Cloud. Il permet aux utilisateurs de charger des séquences depuis DaVinci Resolve et de les lire dans un environnement « live » pour les présenter à leurs clients. On peut comparer cela à une sorte de session « Zoom » où les utilisateurs peuvent entretenir des conversations en direct, lire et se déplacer à travers des vidéos. Un chat privé et sécurisé est également intégré et les intervenants peuvent ajouter des marqueurs d’annotations.
En chargeant des fichiers pour leurs clients dans le cloud, ceux-ci peuvent y intégrer leurs retours via des notes associées à des marqueurs temporels qui seront directement liés à la timeline des projets DaVinci Resolve. Tous les utilisateurs avec qui le projet est partagé accéderont à ces notes. L’équipe de montage pourra alors proposer de nouvelles versions répondant aux demandes de modifications. Le compte Blackmagic Cloud héberge l’ensemble de ces fonctionnalités : l’espace de présentation en webinaire, le chat, et le lien vers les clients.
Proposez-vous en complément de cette fonction de validation en présentation directe une solution de validation différée telle que Frame.io ?
C’est une fonction qui pourrait s’inscrire dans une évolution future. Actuellement notre solution de présentation et d’annotation en direct est inédite, elle autorise un travail d’échange et de recueil des modifications à effectuer sur des vidéos en mode collaboratif. Nous travaillons à enrichir cet outil pour des validations différées. Concernant les options « collaboratives », lors du développement de la version 16 de DaVinci Resolve, nous avons travaillé en proche collaboration avec Frame.io. Il est possible depuis cette version d’exporter et d’importer des contenus Frame.io vers ou depuis DaVinci Resolve. Les utilisateurs ont le choix d’utiliser les services qu’ils préfèrent, et nous souhaitons rester agnostiques. Le Blackmagic Cloud est une nouvelle solution qui propose un service complet d’hébergement des projets, des outils de collaboration, ainsi que les nouveaux outils de présentation « live » aux clients.
Quel est le prix de la solution de présentation/validation ?
L’offre est techniquement gratuite. Chaque librairie coûte à la personne qui l’héberge 5 dollars par mois. Quand l’utilisateur en a besoin, il charge l’option, quand il la désactive, la facturation s’arrête. Si dix personnes collaborent au projet, la solution est gratuite pour tous les autres collaborateurs du projet. Lorsque les clients sont ajoutés à l’espace présentation, aucun coût additionnel n’est demandé pour exploiter le service.
Qu’est-il prévu dans la solution concernant la gestion des médias, notamment l’attribution de droits ?
Nombre de vos lecteurs ont probablement expérimenté un des challenges dans l’utilisation des solutions synchronisées telles que Dropbox. Lorsqu’un dossier vous a été partagé, si vous perdez les médias localement, Dropbox va tenter de supprimer ces médias sur tous les espaces de stockage synchronisés des différents utilisateurs, c’est le comportement logique de Dropbox qui observe les dossiers et leur état. Dropbox propose une boîte à outils pour attribuer des droits de lecture ou de modification de certains fichiers ou dossiers. Les utilisateurs peuvent ainsi protéger leurs contenus pour que des personnes ne puissent pas les déplacer ou les écraser par inadvertance.
Ce sont également des possibilités du workflow Blackmagic Cloud que nous avons inclus grâce à l’API Dropbox. Toute l’administration est pensée autour des possibilités de Dropbox, directement via Dropbox ou certains de nos utilitaires tel que le logiciel des serveurs de stockage partagés Cloud Storage. Nous avons conçu ces outils pour qu’ils communiquent le plus simplement possible avec Dropbox.
Concernant les librairies qui ne sont pas liées à Dropbox. Proposez-vous une solution pour accorder et limiter les droits des utilisateurs ?
Il est possible via DaVinci Resolve d’attribuer des droits à certains utilisateurs et d’en ôter à d’autres avant d’allouer les utilisateurs aux librairies. Les utilisateurs peuvent observer la liste des librairies en se connectent au Blackmagic Cloud ou afficher la colonne des comptes autorisés à accéder aux librairies dans l’interface de DaVinci Resolve. Ces libraires peuvent héberger plusieurs projets. Si certains souhaitent une structure où l’accès à certains projets est limité ; il est nécessaire de prévoir plusieurs librairies.
Quels sont les outils prévus pour le travail collaboratif dans DaVinci Resolve ?
Les outils collaboratifs proposés dans la version 18 étaient déjà présents dans les précédentes versions. Le « bin locking » (blocage des chûtiers) autorise uniquement la personne ayant pris la main sur un chûtier d’en modifier le contenu. Le blocage de timelines (séquences) est une sécurité bienvenue pour s’assurer qu’aucun collaborateur n’écrase une séquence importante. Les utilisateurs qui sont « inclus » dans une librairie peuvent voir les projets que vous y partagez. Cela ne veut pas dire qu’ils peuvent forcément accéder aux médias, les accès étant gérés via l’interface de Dropbox.
Si certains utilisateurs veulent créer leur propre solution cloud et disposer de leur propre librairie, est-ce possible via un VPN ou un outil équivalent ?
Vous pouvez virtualiser DaVinci Resolve au sein de services comme AWS ou Microsoft Azure, mais l’offre n’est pas la même. Avec de nombreux clients broadcast et des sociétés de production TV et films de fiction aux États-Unis, nous avons testé les outils collaboratifs en virtualisant DaVinci Resolve 17 dans AWS, il y a plus d’un an et demi. Il est possible de virtualiser une solution DaVinci en bénéficiant des solutions de collaboration permises en utilisant le serveur de projets et les outils de gestion collaboratifs existants. Il est par contre impossible d’accéder à la boîte à outils du Blackmagic Cloud au sein d’un système cloud privé ou d’un réseau local.
Des utilisateurs peuvent créer des services similaires avec des services comme Dropbox. Pour créer sa propre solution, il faut disposer d’importantes compétences réseau, gérer les bases de données PostGreSQL et les outils serveurs. Les solutions de stockage cloud comme AWS ou équivalent sont onéreuses lors de l’entrée et la sortie des médias. Certains broadcasters ou certaines sociétés de production de films ou studios de postproduction disposent des budgets nécessaires pour cela. Blackmagic Cloud et les outils accompagnant DaVinci Resolve 18 apportent ces possibilités via une solution simple à implémenter et beaucoup plus abordable, mais probablement moins personnalisable.
Le public auquel s’adresse Blackmagic Cloud est-il donc essentiellement, voire uniquement constitué d’indépendants ou de petites entreprises ?
C’est l’échelle de la production qui déterminera si le budget est disponible pour créer leur propre solution de serveurs, si le Blackmagic Cloud qui est un peu plus fermé ne suffit pas. Il est nécessaire d’utiliser le site cloud.blackmagicdesign.com pour gérer les accès et les projets associés. Si notre solution est compatible avec les contraintes de la production, nous encourageons son utilisation, que ce soit pour des broadcasters régionaux ou nationaux ou un groupe d’indépendants. Il y a une charnière où les projets sont trop conséquents et les accès nécessitent d’être plus customisés. Les entreprises concernées peuvent avoir besoin d’accéder à des médias supplémentaires et à plusieurs outils supplémentaires.
Quand les projets sont modifiés, est-il possible de s’assurer qu’aucun problème ne peut survenir en exploitant des connexions Internet à débit limité ? Y a-t-il un cache pour la librairie sur l’ordinateur en local ou une solution équivalente ?
Non, la méthode avec laquelle le partage de projet à travers Blackmagic Cloud, le « live save », est protégée. Cette possibilité est validée dans les préférences de DaVinci Resolve. Le projet est partagé dans le cloud et distribué. Il n’y a pas de backup, pas d’archives créées dans le Blackmagic Cloud autre que le « live save ». Il s’agit d’une sauvegarde des projets continue permise parce que le logiciel DaVinci Resolve est construit autour d’une base de données. Si une personne effectue une modification, elle est immédiatement répliquée à tous les membres du groupe de travail. En mettant en œuvre une solution d’archivage ou de backup, il pourrait y avoir des conflits de projet. Je suggère comme bonne pratique, d’effectuer un backup quotidien des projets ou des librairies, car dans le pire scénario, quelqu’un pourrait charger une sauvegarde qu’il aurait effectué préalablement et écraser ainsi tous les travaux en cours.
Avec les outils collaboratifs, si une personne effectue un changement dans la timeline, les autres utilisateurs voient le clip sur lequel il travaille et peuvent accepter ou non les modifications dans leur version de la séquence. Tout le monde voit qui travaille sur quel élément et quel chûtier il possède. Le challenge survient lorsqu’un utilisateur doit effectuer une récupération depuis un projet enregistré quelques heures ou plusieurs jours auparavant, des conflits peuvent apparaître et des variantes de projets coexister.
Avez-vous pensé à une alternative à l’utilisation de médias distribués et synchronisés en local ?
L’alternative consisterait à exploiter des médias dans le cloud qui pourraient par exemple être hébergés sur AWS. Nous aurions ainsi des backups distribués, mais le coût du déplacement de ces médias peut être important, la latence gênante notamment lors des déplacements de la souris et l’utilisation du clavier. Même avec certains outils dont l’interface utilisateur est directement intégrée à un explorateur, des latences d’exploitation sont constatées. Un autre challenge est le transfert des informations d’espaces colorimétriques. Les données peuvent devoir être compressées pour s’adapter à la bande passante. Ce n’est pas l’option que nous avons choisie.
Notre solution peut nécessiter l’attente de la synchronisation des médias sur les espaces de stockage « distribués » des différentes stations de travail. Mais une fois la synchronisation faite, la vitesse de lecture est assurée, les utilisateurs ont un accès local aux médias. Pour l’étalonnage, les médias utilisés sont directement les fichiers natifs et pas une interprétation.
Les solutions de stockage partagés Cloud Storage sont nouvelles. Proposez-vous un support particulier ?
Les Cloud Storage sont des produits dont les disques durs M2 peuvent être changés par l’utilisateur si l’un d’entre eux venait à défaillir. Les processus de récupération des données relèvent de la responsabilité des clients. Nous suggérons pour une protection maximale des données d’en assurer une copie dans le cloud, par exemple via Dropbox. Les Cloud Storage sont configurés en Raid 5. Si l’appareil constate une perte de parité, l’utilisateur est averti. La sortie HDMI propose un affichage en forme de nid d’abeille représentant le stockage qui permet d’identifier les cellules endommagées et la lumière Led clignote. La meilleure pratique consiste alors à débuter la copie des médias pour éviter une catastrophe. La probabilité que deux disques deviennent défectueux simultanément dans un Blackmagic Cloud Storage serait de plus d’un million pour un, car les M2 ne sont pas des disques mécaniques et le risque de casse est très faible. En Raid 5, en remplaçant un disque défectueux, les données sont réécrites à partir des informations de parité.
Les produits Cloud Storage ne sont pas remplaçables à chaud et ne sont pas sous SLA (Service Level Agreement), c’est-à-dire que les utilisateurs ne peuvent pas prétendre à un remplacement immédiat des composants par Blackmagic. Il ne s’agit pas d’un stockage de classe entreprise, mais d’un produit entièrement différent, un nouveau type de stockage avec des avantages de performances de synchronisation globale et de partage de projets. Le support dépend de l’entreprise qui commercialise le produit. Les contrats de service proposés localement se font généralement par l’intermédiaire de partenaires qui peuvent détenir des stocks et effectuer une réparation ou un support avec un certain niveau de service. Lorsque vous achetez les produits, il n’y a pas de coûts supplémentaires ou de forfaits de services facturés parfois plusieurs milliers d’euros par mois.
Nous n’offrons pas ce service parce qu’il ne correspond pas à ce que sont ces produits. Si cela implique que certains clients choisissent de ne pas les utiliser, c’est normal. Ils doivent choisir le produit qui leur correspond. C’est la première fois que nous construisons ce type de produits.
Avec le Blackmagic Cloud et les cloud stores, les médias sont distribués localement pour assurer la vitesse de lecture, particulièrement les fichiers Raw. Il n’y a pas de latence. Les utilisateurs peuvent travailler directement sur tous les changements ou les modifications des projets, et sur les médias qui peuvent être ajoutés dès qu’ils sont synchronisés sur le Cloud Storage. Avec cette solution nous assurons la vitesse, l’efficacité et l’inexistence de latence. En conservant les médias localement, cela permet de bénéficier d’une sauvegarde distribuée sur les autres stations de travail.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #48 p. 74-78