Quelles sont les nouveautés présentes sur votre stand durant IBC 2022, et les grandes lignes de force de vos développements ?
Craig Wilson : Sur IBC, nous présentons des outils de collaboration comme MediaCentral|Collaborate qui propose une approche centrée sur les news avec une plate-forme centrale où les utilisateurs peuvent réunir des contenus, faire de la planification, assigner des tâches, assurer le suivi des progrès de différents projets, et ainsi de suite.
Nous avons également une démonstration technologique d’un nouveau produit baptisé MediaCentral|Acquire, un outil Web permettant la supervision des périphérique d’ingest et donc la réception de flux IP ou de connexions traditionnelles. Ensuite, nous présentons Nexis|Eedge, une solution destinée aux équipes de postproduction grâce à laquelle il est possible de travailler à distance par l’intermédiaire de proxies, et Edit On Demand, une solution complète hébergée dans le cloud incluant Media Composer et Nexis pour le stockage. Disponible par abonnement, elle permet à l’utilisateur d’activer uniquement les ressources dont il a besoin.
Et enfin, vous trouverez une démonstration d’une nouvelle intégration entre Media Composer et Pro Tools. Nous avons toujours eu des workflows entre Media Composer et Pro Tools, mais il sera désormais possible d’exporter une session Pro Tools à partir de Media Composer. Il suffit ensuite de l’importer dans Pro Tools pour travailler dessus. Cette amélioration de l’intégration entre ces deux outils faisait partie des priorités de notre CEO, Jeff Rosica, et de nouvelles versions de ces deux outils sont d’ailleurs également présentées.
Que pensent vos clients de cette orientation vers le cloud ?
Beaucoup d’entre eux sont en phase d’expérimentation, ils cherchent à savoir ce qui est possible avec le cloud. Dans de nombreux cas, à mon avis, ils finiront par se tourner vers une solution hybride : certains équipements resteront toujours sur site, et c’est d’autant plus vrai pour les productions en direct. La principale question, pour l’instant, c’est celle des coûts : « Quel est le coût total de possession de ma solution actuelle ? » et « Qu’est-ce qu’une transition vers le cloud changerait ? ». Un autre facteur auquel les clients réfléchissent, c’est celui de l’évolution des workflows, puisque le passage au cloud peut être une occasion de remettre en question certaines pratiques restées longtemps inchangées. Il y a donc actuellement chez les clients beaucoup d’intérêt et d’expériences, et le secteur tout entier évolue lui aussi vers le cloud.
Envisagez-vous un partenariat privilégié avec un acteur du cloud ou préférez-vous au contraire que vos solutions soient indépendantes d’un prestataire ? Les clients sont parfois réticents à payer pour envoyer et recevoir des données ; quelle est votre philosophie à ce sujet ?
Nous avons déjà un partenariat stratégique avec Microsoft sur la plate-forme Azure, et plus récemment nous avons annoncé travailler avec Amazon Studios ; mais Microsoft demeure notre partenaire principal, et les solutions que nous présentons ici sont hébergées dans le Cloud Azure. Quant à la question des frais de transmission de données, elle rejoint celle du coût total de possession. C’est un sujet très complexe, et nous avons de nombreuses conversations avec des clients afin d’évaluer ce que leur coûtent leurs solutions actuelles tout en prenant en considération différents facteurs : délais de transmission, stockage, et ainsi de suite. La question est encore loin d’être résolue.
Que vous ont appris les deux années qu’a duré la pandémie ?
L’un des plus grands enseignements, c’est qu’on peut réaliser des choses que tout le monde croyait impossibles, une fois qu’il n’y a plus d’autre choix ! Le succès du travail à distance, par exemple, et de la connexion à un système installé sur site, a démontré qu’il était possible de s’organiser autrement. Les clients ont ensuite fait l’inventaire des solutions de dernière nécessité qui leur avaient permis de maintenir leur activité et se sont demandé comment les intégrer à leurs méthodes régulières. Nous ne pensons pas, par exemple, que le retour au bureau redeviendra la norme ; d’ailleurs, avec la démocratisation du télétravail, certains de nos clients envisagent une réduction de la surface de leurs bureaux de 20 à 30 %. Et à plus grande échelle, des entreprises très importantes s’intéressent au cloud pour son potentiel à faire collaborer différentes équipes réparties entre l’Asie, l’Amérique et l’Europe. En vous promenant parmi les stands, je suis sûr que vous entendrez énormément parler de travail à distance et de workflows distribués.
Pensez-vous qu’il subsiste encore une certaine appréhension vis-à-vis du cloud, notamment en matière de sécurité ?
À mon avis, beaucoup de ces questions ont été résolues. La sécurité, notamment, est un enjeu vital pour les prestataires cloud, puisque sans sécurité ils n’auraient aucun client ; j’irais même jusqu’à dire qu’ils ont atteint un point où ils offrent un niveau de sécurité supérieur à ce qu’on trouverait avec une salle de serveurs sur site ! S’il reste encore un sujet sensible, c’est pour moi celui des productions en direct, où l’on ne peut pas se permettre le moindre problème d’accès au cloud. C’est pour cette raison que les modèles hybrides ont de beaux jours devant eux, avec un studio et une solution de playout sur site. Je pense que certaines organisations envisagent de basculer entièrement dans le cloud, mais à court et moyen terme ces workflows hybrides seront très utilisés, par exemple avec la production dans le cloud et le playout sur site. Donc je ne dirais pas que le cloud suscite de l’anxiété : les gens sont curieux des bénéfices que ces technologies pourront leur apporter, mais ils tiennent également à voir si elles sont avantageuses d’un point de vue économique.
De plus en plus de clients sont sensibles à l’empreinte carbone des solutions qu’ils utilisent ; où vous situez-vous par rapport à cela ?
À la fin de l’année dernière, Avid a produit son propre rapport environnemental dans lequel nous récapitulons à la fois le chemin parcouru et ce qu’il nous reste à accomplir. C’est un sujet qui prend de plus en plus d’ampleur, notamment ici en Europe. Notre événement « Voice of the Customer » a eu lieu récemment à Londres dans le cadre de l’association des clients Avid, et nous avons eu l’occasion d’aborder ces questions environnementales qui commencent par ailleurs à figurer dans les appels d’offres : puissance des appareils, consommation énergétique, et ainsi de suite.
Nous sommes en train de devenir une entreprise qui propose des abonnements plutôt que du matériel, mais cela ne nous empêche pas d’aider les clients à réduire leurs besoins en électricité et en refroidissement : le cloud n’élimine pas la consommation, il ne fait que la déplacer, mais cela veut également dire que nous pouvons travailler à réduire l’empreinte carbone des systèmes qui hébergent nos solutions. Au Royaume-Uni, de nombreuses entreprises participent à l’initiative ALBERT, dont le but est d’encourager les secteurs de la télévision et du cinéma à réduire leur empreinte carbone, et je pense dans l’ensemble que les projets de ce type sont souvent impulsés par des acteurs européens, plus que d’autres régions du monde.
Une question, peut-être difficile : comment voyez-vous Avid dans cinq ans ?
Comme je l’ai mentionné, je pense tout d’abord que l’entreprise continuera d’évoluer vers un modèle économique basé sur la vente d’abonnements. Nous avons rencontré un succès important ces derniers temps, non seulement avec les abonnements Media Composer et Pro Tools, mais également les SaaS MediaCentral et Nexis. L’un de nos principaux objectifs est de permettre la prise en charge de différents types de workflows pour à la fois répondre aux besoins actuels et anticiper les besoins futurs.
Les utilisateurs dans le domaine de l’actualité, par exemple, souhaitent travailler de manière plus coordonnée et ne plus se concentrer uniquement sur le journal télévisé : demain, l’équipe numérique, l’équipe broadcast et l’équipe Web pourraient ainsi travailler main dans la main. Cette efficacité accrue, en fin de compte, c’est ce que recherchent tous nos clients. L’un d’entre eux m’a récemment dit : « Avant, nous essayions de faire plus avec moins de moyens ; aujourd’hui, nous devons faire la même chose avec les mêmes moyens. » Mais avec l’augmentation des coûts, cela veut dire qu’il faut travailler plus efficacement et plus rapidement, ou encore utiliser l’IA et l’apprentissage machine y compris pour des tâches autrefois considérées comme plutôt créatives. Pour un monteur, par exemple, il s’agira de confier à la technologie les parties les plus répétitives du travail pour se concentrer sur la véritable magie de son métier.
Pour finir, si vous vous tournez vers un modèle entièrement basé sur des abonnements, que deviendra votre relation avec vos revendeurs ?
Comme vous le savez, nous avons un important réseau de revendeurs, et nous aimerions qu’ils nous accompagnent dans notre évolution. Une partie du modèle SaaS est de permettre aux partenaires revendeurs d’en bénéficier également. À l’heure actuelle, une part très importante de notre activité, y compris auprès de grandes entreprises, passe par un partenaire : c’est pourquoi notre réseau de partenaires est essentiel et nous continuerons de le garder au cœur de notre activité à l’avenir.
Extrait de notre compte-rendu de l’IBC 2022 paru pour la première fois dans Mediakwest #49 p. 40-86