L’établissement culturel du Centquatre, dans le 19e arrondissement, est avant tout connu pour ses spectacles, ses résidences d’artistes interdisciplinaires, ses grandes manifestations artistiques et l’intégration des cultures urbaines dans sa programmation. Mais au sein de cet espace gigantesque de 39 000 m2, une autre activité, peut-être moins médiatisée, est à l’œuvre. Il s’agit de l’incubateur. Celui-ci « soutient les projets de création d’entreprises au croisement des innovations artistiques et technologiques ». Il est dirigé par Valérie Senghor, la directrice du développement économique de l’établissement. Comme dans tout incubateur, les projets sont sélectionnés selon leurs potentialités à être industrialisés et à créer de l’emploi. « La possibilité de transferts vers la sphère économique est décisive » insiste Valérie Senghor. L’incubateur se distingue ainsi très clairement des résidences d’artistes également proposées au Centquatre. Pour autant, il n’entretient pas moins un lien très fort avec la création artistique car, à la base de ce projet, créé en 2012, une conviction : les artistes et leurs créations tracent la voie des innovations et usages à venir. L’idée est donc de mettre à leur disposition tout un écosystème entrepreneurial et de nouvelles technologies. De même, développées par des entrepreneurs, les réalisations artistiques s’enrichissent. Emblématique, l’accueil du Lab CITU (www.citu.info) depuis mars 2012 qui ouvre aux artistes son « SAS », une salle de réalité virtuelle et augmentée.
Une des réalisations déjà aboutie, Permis Piéton, est une expérience de navigation immersive qui vise à sensibiliser les enfants aux dangers de la rue. Dans un Paris « animé », l’enfant se voit confier la responsabilité de trois petits personnages virtuels qui ne sont pas toujours très prudents. Une visite de l’incubateur rend compte de l’inventivité des dispositifs qui cherchent à repousser les limites de l’image.
Actuellement, on y découvre notamment Digital Essence (http://www.digitalessence.fr) qui, en se basant sur la technologie du vidéo-mapping, invente de nouveaux logiciels qui renouvellent l’animation visuelle de spectacles et d’événements. MinuitUne (minuitune.com/) imagine une nouvelle génération d’éclairages se détachant des projecteurs standards de boîtes de nuits. Leurs pyramides lumineuses semblent sortir d’un roman d’anticipation, reléguant la boule à facettes aux antiquités. La technologie laser employée a été développée par des ingénieurs en optique.
Ce sont également des ingénieurs qui ont contribué aux prestations de Magnalucis, (http://www.magnalucis.fr/ ) qui conçoit et commercialise des solutions d’éclairage inédites destinées à la mise en valeur des œuvres d’art pour les musées mais aussi les particuliers avec notamment une applique sur-mesure pilotée par iPhone.
Autre application, YouCanHave.it, service développé par la startup S&B Digital, qui enrichit l’expérience d’un programme télévisé via smartphone ou tablette. De façon synchronisée et personnalisée, l’utilisateur accède à des contenus complémentaires, éducatifs, culturels, artistiques ou commerciaux. YouCanHave.it (http://www.leteaser.fr/youcanhaveit) est le lien direct entre les producteurs de contenus, les annonceurs et le téléspectateur.
Les équipes sont pluridisciplinaires et associent créateurs, designers, chercheurs, industriels…
Culturel et numérique chez Créatis
Dans le 3e arrondissement, au sein du temple des cultures numériques qu’est la Gaîté Lyrique, l’incubateur Créatis (également espace de co-working) propose aux entrepreneurs une équation différente. À l’origine, Créatis a été créé sur les conseils de Jean-Louis Missika, adjoint chargé de l’Urbanisme à la Ville de Paris, pour prouver que les entreprises culturelles peuvent être rentables et méritent d’accéder aux mêmes aides à l’innovation que celles des autres secteurs de l’économie.
Ici, le leitmotiv est donc d’anticiper les nouveaux usages des entreprises culturelles et du digital, en prenant le parti de la vitalité des industries culturelles et créatives parisiennes. « Paris dispose d’un nombre impressionnant d’infrastructures (165 musées et sites, 600 espaces de création contemporaine, 450 salles de spectacle, 119 cinémas et 61 bibliothèques), de nombreux festivals, des artistes du monde entier y créent, plus de 60 millions de visiteurs annuels s’y rendent pour visiter musées et monuments… Le secteur est doté d’un fort potentiel inexploité et sous-évalué. Il n’existe pas de réel écosystème de l’entrepreneuriat culturel. Les porteurs de projets culturels innovants ont réellement besoin de structures telles que Créatis pour pouvoir développer pleinement leur activité » explique Steven Hearn, son fondateur.
De la gastronomie au transmedia, de la mode à la musique, de l’audiovisuel au design, les jeunes pousses s’activent à produire des services ou dispositifs appelés à se commercialiser. 60 entreprises sont déjà passées par Créatis, dont Where to get (http://wheretoget.it/), le « shazam » de la mode qui est aujourd’hui en pleine croissance.
Aujourd’hui, ce sont 43 projets retenus avec 105 personnes qui travaillent et collaborent au dernier étage de la Gaîté. Est-ce que des tendances se révèlent ? « Il y a actuellement beaucoup de médias » remarque Soazic Huet, qui dirige le lieu, évoquant notamment, The Eye, (http://theeyes.eu), revue dédiée à la photographie mais aussi Brief me (http://www.brief.me/), Satellinet (www.satellinet.fr/), ou Madyness (www.maddyness.com) consacré aux start-ups françaises. « On note aussi beaucoup de projets de « recommandation culturelle » soit des conseils et des sélections pour les utilisateurs… On évite d’ailleurs d’en faire entrer de nouveaux sur ce créneau pour ne pas mettre en concurrence les équipes. »
Comme au Centquatre, Soazig Huet insiste sur les connexions entre l’incubateur et les évènements artistiques du lieu. La programmation est d’ailleurs susceptible de présenter certains projets. « Et d’ailleurs, les entrepreneurs sont aussi passionnés que peuvent l’être les artistes… » glisse-t-elle. Si, au bout de deux ans, il paraît encore trop tôt pour évaluer les réussites entrepreneuriales des deux lieux, à l’évidence, le rapprochement entre la sphère artistique, culturelle et la dynamique entrepreneuriale est propice à l’innovation.
J’incube, tu incubes, il incube…
Et au fait, c’est quoi déjà un incubateur ? L’incubateur est une structure d’appui à la création d’entreprises qui permet de passer de l’idée initiale à la réalisation et à la consolidation d’un projet structuré. Il apporte un appui en termes d’hébergement, de conseil et de financement, lors des premières étapes de la vie de l’entreprise. À la différence d’une pépinière, un incubateur s’adresse à de très jeunes entreprises, parfois même encore au stade de la création puisqu’il s’agit aussi d’aider l’aboutissement d’un produit ou d’un service commercialisable. Depuis la fin des années 2000, ces dispositifs de soutien, qui visent à accélérer la croissance, se développent. La Ville de Paris recense plus d’une trentaine d’incubateurs, sur plus de 100 000 m2 au total. La plupart s’inspirent du pionnier du genre, l’Y Combinator, en Californie. Celui-ci, fondé en 2005, a notamment accéléré le développement de Reddit, Airbnb ou Dropbox.
Le CentQuatre
Fonctionnant en étroit partenariat avec l’incubateur public de référence Agoranov (www.agoranov.com), l’incubateur du Centquatre-Paris est labellisé Paris Innovation. À ce titre les entrepreneurs accueillis peuvent bénéficier du fonds Paris Innovation Amorçage. Ce fonds est le support d’une aide à la Recherche et Développement et consiste en des subventions jusqu’à 30 000 Ä et en des avances remboursables jusqu’ à 100 000 Ä, le forfait d’incubation pouvant être inclus dans le calcul de l’assiette.
L’incubateur souhaite offrir un cadre et des conditions propices à la maturation de projets avec notamment :
– un accompagnement personnalisé, coaching d’un chargé d’affaires dédié, en partenariat avec Agoranov ;
– la possibilité d’expérimenter en conditions réelles ses productions et dispositifs dans les espaces publics en interaction avec les nombreux visiteurs ;
– la connexion avec les réseaux de partenaires, dans les champs artistiques, économiques (mécènes et partenaires), institutionnels ainsi qu’avec le réseau des incubateurs de la Ville de Paris labellisés Paris Innovation.
5, rue Curial – 19e / innovation@104.fr
www.104.fr
Créatis
Soutenu par la Ville de Paris, la Région Île-de-France et la Bpi France, le dispositif vise à accompagner et accélérer le développement des entreprises du secteur culturel, qui associent « excellence et création de sens ». Créatis propose une solution d’hébergement souple et évolutive, mais aussi l’insertion dans un écosystème vertueux, un accompagnement d’experts personnalisé et un accès facilité à des financements.
3 bis, rue Papin – 3e
www.residencecreatis.fr
D’autres incubateurs
liés à l’art et la culture
Le Labo de l’édition se consacre à la transition numérique et aux innovations dans toute la filière de l’édition. Auto-édition, storytelling, bande-dessinée interactive, gestion de contenus presse… L’incubateur accompagne les jeunes structures innovantes dans le domaine de l’édition ainsi que les acteurs traditionnels du secteur. Initié par la Ville de Paris, le Labo de l’édition est porté par le « Laboratoire Paris Région Innovation »
2, rue Saint-Médard, 75005 Paris / +33 1 83 64 89
http://labodeledition.com
Les Ateliers de Paris
Les Ateliers de Paris création/innovation sont dédiés au développement des entreprises de création dans les secteurs des métiers d’art, de la mode et du design. Les créateurs débutants comme confirmés peuvent bénéficier d’un lieu d’exposition, d’un accompagnement économique et d’un incubateur.
30 rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris
01 44 73 83 50 / ateliersdeparisddee@paris.fr http://www.ateliersdeparis.fr
À venir, l’incubateur d’Enghien-les-Bains
Mobilier intelligent, applications, objets connectés, software créatif, robotique… Le Numeric Lab répond à un double besoin exprimé par les porteurs de projets créatifs et innovants : d’une part développer et expérimenter des prototypes au croisement des usages numériques de demain, d’autre part structurer et valider un modèle économique.
http://www.cda95.fr