En 2009, Renaud Lavoie a fondé à Montréal la société Embrionix. Auparavant, il avait travaillé plusieurs années comme ingénieur d’études dans le domaine du broadcast, en particulier dans le développement des multiviewers. Afin d’offrir une plus grande flexibilité pour le raccordement des équipements vidéo et ouvrir une transition vers les architectures IP, il a choisi de concevoir et fabriquer des interfaces vidéo miniatures en s’appuyant sur les spécifications des modules SFP largement exploités pour les réseaux informatiques sur fibres optiques.
L’entreprise est la seule, à ce jour, à explorer ce créneau et elle a réussi à développer une gamme complète de modules SFP spécialisés pour l’interconnexion et la conversion vidéo. Elle vend directement ses produits aux utilisateurs finaux, mais fournit également en OEM une majorité de constructeurs broadcast, dont Evertz, Imagine Communications, Panasonic, Riedel, Sony, Ensemble Designs, Grass Valley, Tektronix, Harmonic, SAM, Cisco, etc. Depuis sa création, elle a fabriqué et vendu plus de 600 000 modules. Les produits Embrionix sont distribués en France par Magic Hour.
Une offre basée sur les modules SFP des réseaux informatiques
Les modules SFP sont des accessoires des équipements actifs réseau, destinés à leur raccordement sur fibres optiques. Contrairement au câblage cuivre, basé sur un connecteur unique, le RJ-45, les liaisons sur fibres optiques utilisent une multitude de connecteurs divers (LC, ST, SC, FC…), exploitent une transmission multimode ou monomode combinée à différentes longueurs d’onde. Enfin la puissance de la diode d’émission est fixée selon la distance à couvrir.
Pour ne pas multiplier à l’infini les versions de leurs équipements, les constructeurs d’actifs réseau ont préféré rendre amovible l’interface optique et la choisir dans un catalogue distinct, en fonction des caractéristiques de la liaison. Pour cela, ils ont défini les spécifications d’un logement (ou cage) dans lequel vient s’insérer un module standardisé dénommé SFP (Small Form-factor Pluggable). Toutes ses caractéristiques, mécaniques, électriques et le brochage sont précisés dans le cadre d’un MSA (Multi-Source Agreement) qui garantit l’interopérabilité entre tous les fournisseurs. Néanmoins, certains constructeurs limitent cette universalité avec une EPROM interne pour s’assurer un meilleur suivi et s’éviter des soucis de support technique.
Ce principe de modules amovibles a été repris par les constructeurs d’équipements vidéo lorsqu’ils ont abordé les liaisons vidéo par fibres optiques. Les cotes mécaniques restent identiques à celles des modules SFP (56,5 x 13,4 x 8,5 mm) avec une large variété de liaisons optiques. Le raccordement interne de la machine peut être conforme au brochage MSA, mais une majorité de constructeurs ont choisi un brochage différent, dénommé, faute de mieux, Non-MSA.
Les modules SFP proposés par Embrionix se répartissent donc en deux grandes familles : les modules MSA, conçus pour s’insérer dans des équipements réseaux et certains matériels vidéo, et les modules Non-MSA destinés uniquement aux matériels vidéo. Le connecteur interne (ou Host) des modules MSA assure une liaison IP bidirectionnelle avec les circuits internes d’un switch ou autre équipement réseau. L’interface Host des modules Non-MSA est compatible avec des signaux vidéo SDI, deux entrées ou deux sorties en parallèle, selon le type de liaison.
Distinguer les modules MSA et Non-MSA
Dans la catégorie des modules Non-MSA, donc destinés à des équipements de production vidéo, le catalogue comprend une grande variété d’interfaces de raccordement vers des fibres optiques multimodes ou monomodes, ou des liaisons sur câbles coaxiaux avec les mini-connecteurs Din 1.0/2.3. Selon les versions, les modules transmettent un ou deux signaux vidéo 3G/HD ou SD (et même ASI dans certains cas), avec ou sans reclocking. Embrionix vient d’élargir sa gamme avec des modules compatibles avec les signaux UHD à 6 et 12 Gb/s, aussi bien en FO qu’en coaxial. Il existe également des modules hybrides munis à la fois d’un connecteur FO et d’un second pour le coaxial.
Mais il ne faut pas limiter le rôle de ces modules SFP à une simple conversion de connecteurs et de câbles. L’apport décisif d’Embrionix est d’y inclure des fonctions de traitement et d’intelligence. Malgré la taille des modules, les ingénieurs ont réussi à insérer des circuits de conversion et ils proposent des modules de conversion SDI vers DVI/HDMI et des encodeurs ou décodeurs vidéo composites PAL et NTSC. Une dernière série de modules est destinée aux signaux audio MADI.
La seconde partie des modules Non-MSA concerne le transport de signaux vidéo sur des liaisons IP. Côté « host », ils restent compatibles SDI, et sur le connecteur extérieur, ils se raccordent sur une fibre optique 10 Gb/s pour un transport des signaux en IP. Là aussi le catalogue s’élargit avec des versions compatibles ST2022-6, ST2022-7 et récemment ST2110. Tous ces modèles traitent les signaux 3G, HD et SD.
Le second versant du catalogue concerne les modules SFP compatibles MSA et donc destinés à équiper les cages des matériels actifs réseaux d’Embrionix ou d’autres constructeurs. Ils sont destinés à ceux qui souhaitent mettre en place des infrastructures de production vidéo en IP. Ce catalogue comprend toute une série d’encapsulateurs et de désencapsulateurs de signaux vidéo en IP vers des interfaces 10 Gb/s. Côté connexion vidéo, on retrouve toute la diversité décrite pour les modules Non-MSA : signaux vidéo 3 Gb/s, HD, SD sur coaxial ou fibres optiques, des modèles avec conversion DVI/HDMI et encodeur ou décodeur pour signaux vidéo composite PAL ou NTSC. Selon les versions, ils sont compatibles ST2022-6, ST2022-7 et ST2110.
Le châssis d’agrégation emModular
Embrionix complète cette gamme avec le châssis emModular, un système d’agrégation de signaux à installer dans les baies d’équipement. Il accueille 48 modules SFP MSA reliés à des équipements vidéo d’un côté, pour combiner leurs signaux sur quatre ports 40 ou 100 Gb/s vers les cœurs de réseaux. Ce premier modèle sera bientôt complété par un second, équipé de 48 ports 25 Gb/s et six ports 100 Gb/s. Un switch réseau hautes performances, muni de 48 ports SFP et recevant les modules Embrionix à deux canaux, se transforme en une grille vidéo de 96 ports, dans un encombrement 1U de rack.
Les cages SFP sont encore loin d’être systématiques sur tous les matériels vidéo. Pour relier des équipements comme des moniteurs vidéo ou des sources distantes, Embrionix a conçu des boîtiers indépendants, les emExtend, qui reçoivent deux ou trois modules SFP. Ils sont déclinés en version emView avec une conversion FO vers sortie SDI ou HDMI, à proximité d’un écran LCD, et en version emFusion pour établir une liaison depuis une source distante comme une caméra.
Comme évoqué plus haut, les ingénieurs d’Embrionix arrivent à insérer des circuits de traitements à l’intérieur des modules SFP. L’organisation interne du module comprend un premier circuit imprimé dont le rôle est d’assurer le lien avec la connectique, à la fois côté « host » de la machine d’accueil et de l’autre, la connectique externe. Ce premier circuit accueille un second circuit mezzanine qui assure la conversion et le traitement si nécessaire. Cela permet d’élargir régulièrement les fonctions de traitement incluses dans les modules. Parmi les multiples fonctions de conversion, on relève des conversions SDI depuis ou vers ST 2022-6/7, SDI depuis ou vers ST 2110, des extractions d’essence TR03, et bientôt des conversions SDR vers HDR.
Des modules enrichis de fonctions logicielles
Embrionix développe en ce moment une nouvelle série de modules dénommés Software Defined, équipés d’un cœur programmable pouvant recevoir jusqu’à quatre modules logiciels, modifiables en temps réel. Les modules logiciels annoncés comprennent, entre autres, des conversions ASI vers 2022-1/2 déjà disponibles en modules configurés en dur, les conversions ST 2022-6/7 et ST 2110 déjà évoquées plus haut, la compatibilité avec des signaux AES67 et l’upgrade de signaux SDR en HDR.
Cette liste va s’élargir dans l’avenir avec des codecs de compression que l’on pourra charger dans les modules aussi simplement qu’un logiciel sur PC.
Pour assurer le paramétrage des modules et superviser le routing des signaux, Embrionix fournit un logiciel de contrôle et de télécommande. Grâce à l’utilisation du protocole NMOS, les modules sont détectés de manière automatique et envoient leurs caractéristiques à un serveur. Ainsi le contrôleur connaît exactement ce qu’il peut envoyer ou recevoir comme types de signaux. Ce logiciel est destiné à gérer un routage simple de signaux et à faire remonter les alarmes. Pour manager un équipement complet de production dans des configurations sophistiquées et avec un enchaînement rapide des réglages en cours d’émission, il faudra se tourner vers les outils habituels de supervision. Embrionix fournit des API compatibles Restful ; ces modules sont pilotables et reconnus pour les systèmes Lawo, BFE, DNF ou HiTech.
Toujours pour rendre l’exploitation plus efficace, Embrionix propose également un module de translation d’adresse emNAT. Il est destiné à regrouper momentanément des îlots de production IP (par exemple deux cars régies) sans devoir adapter le plan d’adressage de l’un par rapport à l’autre ou, plus prosaïquement, conserver l’adressage IP des matériels, comme celui des moniteurs vidéo, lors d’un changement de configuration de la partie routage des signaux.
* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #23, p.64-65. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.