Qu’elles soient conçues par des exploitants ou par des prestataires, les offres premium sont créées dans le même but : faire vivre aux spectateurs une expérience de cinéma qui défie toute comparaison avec ce qu’ils peuvent voir chez eux, même s’ils ont Netflix, un home cinema premium et un bon canapé.
Deuxième trait commun à tous les PLF, le ticket premium est nettement plus cher qu’une place normale, d’une part parce que les exploitants doivent amortir leur investissement, bien plus lourd que pour une salle normale, mais aussi parce que le spectateur n’aurait pas pleinement conscience de vivre une expérience unique s’il n’en payait pas le prix.
Autres points communs, le confort, le design et éventuellement l’architecture des salles premium sont très soignés, mais la façon dont tout cela est exécuté varie évidemment beaucoup d’une salle à l’autre.
C’est la même chose pour la projection. De l’image et du son haut de gamme peuvent être obtenus avec des moyens très divers : xénon, mercure ou laser, 2K ou 4K, son immersif ou multicanal… La palette des techniques possibles est large et on ne peut même pas dire que les équipements utilisés sont tous de forte puissance, lumineuse ou sonore, vu que les écrans des salles PLF ne sont pas forcément très grands.
Une classification par les DCP
Pour y voir plus clair dans les offres premium, on peut partir des DCP en distinguant :
• les salles haut de gamme qui exploitent des DCP standard. Elles représentent la grande majorité des salles premium conçues jusqu’à présent et sont principalement implantées en Amérique du Nord où les circuits ont commencé à développer leurs propres offres premium dès le début du passage au numérique ;
• les salles qui peuvent exploiter des DCP optimisés – quand ils existent – grâce à leurs équipements de projection et de diffusion sonore hors normes : Imax, HDR, son immersif… Si on met Imax à part, ces salles sont encore peu nombreuses, car les technologies qu’elles exploitent sont récentes. Elles se trouvent pour l’instant surtout en Asie où elles profitent du boom de la création de salles.
La première catégorie n’est pas obligatoirement moins premium que la seconde : l’image et le son d’une projection basée sur un DCP standard peuvent être clairement hors normes, mais on peut se hasarder à croire que l’avenir du premium réside dans l’exploitation de DCP optimisés, puisque c’est ce type d’image que l’on cherche désormais aussi à vendre aux particuliers pour donner un nouveau souffle au marché des écrans télé (la HD avait très bien marché, mais la télé en 3D a fait flop).
Ce serait quand même intéressant d’aller plus loin dans l’analyse du parc des salles premium qui exploitent des DCP standard en regardant dans le détail les formats de projection et de son installés dans leurs cabines (part du 2K, du 4K…), mais il faudrait aller à la pêche aux informations écran par écran, ce qui n’est pas simple.
Quant aux salles haut de gamme qui projettent des DCP optimisés, il est encore trop tôt pour faire ce genre d’étude. On peut en revanche s’interroger sur la capacité des procédés d’optimisation qu’elles utilisent pour en faire, aux yeux des spectateurs, des salles hors normes. L’exercice est forcément subjectif, mais il a au moins le mérite de présenter les différentes solutions d’optimisation, pas encore très connues à l’exception de celle par laquelle il convient de commencer.
Imax
Chaque PLF est unique, mais Imax est à part : le précurseur du premium s’est lancé en 1971, soit à peu près 40 ans avant ses premiers concurrents. Imax s’est forgé, lentement mais sûrement, l’image d’un créateur d’expériences cinématographiques d’exception qui s’estompe depuis que ses salles ont abandonné les copies 70 mm pour passer, comme les autres, au numérique.
C’est quand même le numérique qui a permis à Imax de sortir de la niche dans laquelle la société a été longtemps confinée à cause du coût de ses copies 70 mm (on parle de 35 000 à 40 000 dollars par copie, postproduction comprise). Imax compte aujourd’hui plus de 1 000 écrans, mais les fans sont beaucoup moins dithyrambiques sur le taux de contraste et la gamme de couleurs depuis que les salles sont passées à l’Imax digital. Le numérique a en outre fait naître la concurrence.
Dolby Cinema
Dolby Cinema pourrait bien être le nouvel Imax. Est-il exagéré de dire que ce procédé est encore meilleur que le 70 mm ? Le seul moyen de le vérifier est d’aller voir… et entendre puisque les salles Dolby Cinema sont équipées de Dolby Atmos.
On peut aussi se faire une idée de l’effet de Dolby Cinema en lisant, sur les réseaux sociaux, les commentaires des spectateurs américains qui ont pu assister à une projection ; car pour l’instant les écrans sont rares : 75 salles du circuit AMC aux USA, seize en Chine et cinq en Europe, mais bientôt dix de plus dans des cinémas Gaumont-Pathé de France et de Hollande. Vu les coûts d’installation, il n’y aura vraisemblablement jamais énormément de salles Dolby Cinema. Mais la rareté ne va-t-elle pas de pair avec l’exception ?
Barco Escape – le cinéma à 270 °
Deux procédés, qui présentent des différences assez notables, permettent de faire du cinéma à 270 ° : Escape de Barco et Screen X, du coréen CGV. Il n’est question ici que de la première solution qui est pour l’instant la seule visible en Europe.
Avec son triptyque d’images, la projection Escape détone dans l’univers de la projection cinéma. Qu’on l’aime ou pas, ce procédé n’a pas besoin de compter ses pixels ou de mesurer sa gamme de couleurs pour prouver qu’il est différent. Et il est difficile de prétendre obtenir la même chose chez soi.
Autre atout important de Barco Escape, on peut se sentir immergé dans l’image (les trois images) sans que l’écran soit obligatoirement très grand. Une salle de taille moyenne se prête très bien au cinéma à 270 ° pourvu qu’elle soit assez large pour accueillir le triptyque d’écrans.
Pour ces raisons, le cinéma à 270 ° apparaît comme un très bon concept premium, même s’il lui reste beaucoup à accomplir : entre Barco Escape et Screen X, on ne compte pas plus d’une centaine de salles équipées, ce qui est encore insuffisant pour que les producteurs de films acceptent de prendre en charge les coûts relativement élevés de postproduction. Mais, même s’il lui est indispensable, le film n’est pas le seul fonds de commerce que le cinéma à 270 ° peut exploiter avec brio : Escape a notamment inspiré à quelques réalisateurs des documentaires spectaculaires.
EclairColor
Le side by side qu’Éclair utilise depuis le lancement du procédé pour en montrer les qualités aux professionnels a été perfectionné pour CineEurope : la projection de chaque extrait de film commence sous forme d’images standard qui sont peu à peu « recouvertes » par les images à haut contraste d’ÉclairColor.
La différence entre les deux qualités d’images paraît encore plus impressionnante. Pourtant, comme le dit un vieil adage pas très explicite, comparaison n’est pas raison : difficile, quand on assiste à une démonstration de ce genre, de se mettre dans la peau du spectateur qui n’a pas vu le side by side. A-t-il le sentiment de voir une image d’exception ?
Attention quand même : les projections ÉclairColor, pour l’instant réalisées avec des projecteurs Sony équipés de lampes au mercure (qui offrent un rapport de contraste de 1:8 000 contre 1:2 000 avec les projecteurs DLP standard), seront bientôt visibles en laser. Les projecteurs Barco, RGB et phosphore, qui ont été récemment certifiés pour ÉclairColor, vont permettre de découvrir d’autres déclinaisons du procédé.
Attention aussi : si ÉclairColor n’est pas Dolby Cinema – ce qui n’a d’ailleurs jamais été la prétention d’Éclair –, elle représente, cependant, une solution nettement plus abordable (Éclair parle d’un coût de licence équivalant à un cinquième du coût du projecteur). Il y aura sûrement plus de salles ÉclairColor que d’écrans Dolby Cinema dans l’avenir ; et si elle n’est pas la référence de l’image premium, la solution ÉclairColor pourrait bien être celle du prochain standard de projection du cinéma.
Pour conclure, quelques lignes sur le procédé LightVibes qui consiste à projeter des jeux de lumière sur les murs latéraux des salles pour accompagner les images du grand écran. La vocation initiale de LightVibes était d’animer les premières parties de séance, mais CGR, qui vient de reprendre le procédé à Philips, voit plus large : quelques séquences de Valérian, le film de Luc Besson, ont été illuminées par LightVibes dans vingt salles du circuit, dont les premiers écrans ICE (le label premium de CGR).
A priori, LightVibes n’est donc pas destiné uniquement aux écrans premium, ce qui n’empêche pas de lui souhaiter le meilleur pour l’avenir, comme aux autres procédés dont il vient d’être question.
* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #23, p.82-83. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.