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Object Matrix, le cloud en ligne de mire

À l’occasion d’une visite en France, nous avons fait le point sur les activités de ces derniers mois et les projets de développement de Object Matrix avec Nick Pearce, cofondateur de la société galloise.
Nick Pearce, cofondateur d’Object Matrix. © CharlotteVignon

 

Pouvez-vous d’abord nous donner une vue d’ensemble de votre entreprise, de ses projets et du marché ?

Pour des entreprises comme la nôtre, qui vendent du matériel destiné à une utilisation sur site, la pandémie a été très difficile puisque l’accès aux sites a été très fortement restreint. Cette partie de notre activité en 2021 a enregistré une baisse de chiffre d’affaires, mais nous avons également une offre SaaS appelée MatrixStore Cloud, qui s’est quant à elle très bien portée. Nos propres logiciels sont installés sur notre propre matériel dans des centres de données, et les clients y accèdent par l’intermédiaire de l’interface Vision, qui leur donne un accès sécurisé et direct à leurs médias et métadonnées. Et tout cela, sans aucun frais de sortie (egress) ni coûts dissimulés.

Il faut aussi souligner qu’avec d’autres prestataires cloud, comme Amazon Web Services, il ne s’agit jamais uniquement de stocker des données. Le client doit souvent ajouter lui-même du temps d’ingénierie, du DevOps, des intégrations, un système de gestion des contenus (MAM) qui sont autant de coûts et de couches de complexité supplémentaires. Or, les clients MatrixStore Cloud n’ont pas forcément tous ces talents et ressources en interne, et il leur faut une solution cloud clés en main, avec une assistance technique métier.

Nous avons donc eu beaucoup de succès avec cette plate-forme, non seulement au Royaume-Uni mais également en Afrique, en Scandinavie ou encore aux États-Unis, en nous appuyant sur la technologie Signiant pour le transfert de fichiers. Quand les contenus arrivent dans notre solution, MatrixStore, nous créons un proxy qui peut être visionné depuis n’importe où.

Nos solutions sont très appréciées, comme le montre le fait que nous avons signé avec quatre nouveaux clients sur les deux dernières semaines : la Fédération de football du Pays de Galles, l’Everton Football Club et deux studios de production. Les studios de production, en particulier, génèrent des volumes de données considérables – entre 100 To et 1 Po –, qu’ils stockaient traditionnellement sur des bandes LTO ou des disques durs, rangés sur une étagère. Or, ces données ont beaucoup de valeur, et notre mission est de les aider à mieux les sécuriser et les exploiter. De nombreux petits studios s’adressent donc à nous, parce que nous leur proposons des coûts prévisibles et une interface Web leur permettant d’accéder facilement à leurs données.

 

Le client peut-il utiliser n’importe quel prestataire Cloud ?

Non, il s’agit uniquement de notre plate-forme cloud qui est entièrement redondée. Cela étant dit, pour certains clients – par exemple l’ATP Media –, nous proposons un service de transfert appelé Move2 avec lequel le contenu reste dans notre cloud, mais nous pouvons déclencher automatiquement une copie dans le cloud public du client – par exemple AWS – comme une sauvegarde supplémentaire. Les sauvegardes sont particulièrement importantes. Dans les faits, très peu d’entreprises françaises et britanniques ont de tels processus en place, et nous pensons que les environnements multiclouds vont se démocratiser à l’avenir. La plus grande tendance à l’heure actuelle, cependant, ce sont les modèles hybrides : les contenus sont stockés à la fois en local, pour un accès instantané, et dans le cloud, pour conserver des sauvegardes et consulter à distance. C’est un modèle que nous proposons également.

 

Ce modèle est-il rentable ?

Tout à fait. Le cloud est une véritable mine d’or. Si vous achetiez notre système et que vous l’installiez dans votre propre centre de données, même avec tous les coûts que cela implique, cela vous coûterait beaucoup moins cher qu’une solution cloud. Cependant, beaucoup d’entreprises ne souhaitent pas être responsables d’une équipe technique, d’immobilier, et ainsi de suite, et font donc appel à des acteurs comme nous. Nous avons même un client qui a fait la transition vers le cloud parce qu’il avait besoin de l’espace où se trouvaient ses serveurs, pour y installer un poste de travail supplémentaire. Dans tous les cas, notre activité est effectivement très rentable, d’autant plus qu’il est difficile de se passer de solutions de stockage dans le cloud une fois que l’on y a pris goût. Nous avons des projets d’expansion en Europe et aux États-Unis, où il y a une demande indéniable.

L’année 2021 a été très mauvaise pour tous les acteurs du stockage sur site, si l’un d’entre eux affirme l’inverse, il vous ment ! Cela dit, l’année 2022 s’annonce d’ores et déjà radieuse, car les collaborateurs regagnent leurs bureaux et s’aperçoivent que leur connexion Internet n’est pas assez rapide pour travailler entièrement dans le cloud. Ils reviennent donc à des modèles hybrides.

 

Quelle est donc la prochaine étape dans votre développement ? Logiciel, matériel…

Nous sommes avant tout actifs dans le monde du logiciel, et à ce titre, nous utilisons du matériel professionnel, mais standard. Notre priorité, qui est également celle de nos clients, c’est la gestion des contenus et des métadonnées. Ces dernières sont particulièrement importantes, parce que sans métadonnées, ou en cas de panne du système de gestion des contenus, on ne peut tout simplement pas retrouver les données. Pour cette raison, il est essentiel que les métadonnées soient associées aux médias et, en cas de transition dans le cloud, qu’elles se déplacent avec les contenus.

Avec certains modèles traditionnels, si je suis un prestataire cloud et que vous êtes mon client, je stocke vos données dans mon format propriétaire ; cela signifie que vous ne pouvez pas les intégrer à d’autres workflows, et vous dépendez de moi pour accéder à vos données. Ce n’est pas sain du tout, et pourtant de nombreux acteurs fonctionnent encore de cette manière.

Quand Object Matrix stocke vos données sur une plate-forme cloud, celles-ci sont conservées dans leur format d’origine et sont accompagnées de métadonnées que vous pouvez utiliser comme vous le souhaitez. Il s’agit toujours de vos données, pas des nôtres ! Je pense que cette approche plus ouverte explique pourquoi l’ATP Media et la BBC travaillent avec nous. En ce qui concerne notre développement, nous accélérons très fortement à l’international, notamment aux États-Unis et au Moyen-Orient.

 

Object Matrix joue sur les deux tableaux, le stockage local et dans le cloud, avec un avantage certain pour le cloud en termes de souplesse et d’évolutivité. © DR

Quels secteurs servez-vous principalement ?

Nous servons tous ceux qui travaillent avec de la vidéo, même s’il est vrai que 80 % de notre activité est plutôt tournée vers des usages créatifs, notamment la postproduction et les effets spéciaux. Beaucoup de nos clients sont des entreprises qui remettent en question leurs pratiques d’archivage : avant la pandémie, le stockage sur bande était très populaire, mais l’accès aux centres de données a soudain été rendu beaucoup plus difficile, ce qui a ralenti le travail des monteurs et autres métiers créatifs. Il y a donc eu en réaction un mouvement de masse vers le cloud, même s’il s’agit d’une évolution par étapes : d’abord le passage des bandes magnétiques à un MatrixStore local, puis dans un deuxième temps nous transférons leurs données dans le cloud. Les bandes magnétiques ont toujours leur place dans certains workflows, mais pour produire des programmes sportifs ou de l’information, la vitesse d’accès est importante. Ce n’est donc pas un hasard si beaucoup de nos clients sont actifs dans ces domaines.

 

L’an dernier, de nombreuses entreprises n’ont pas été en mesure d’organiser des événements en présentiel, et se sont donc mises à produire des contenus vidéo. Avez-vous ressenti cette évolution dans votre activité ?

Pas encore, mais il est probable que nous ayons ce type de demande à l’avenir. Les entreprises qui produisent des vidéos pour leur fonctionnement interne sont généralement plus conservatrices et ont énormément ralenti leur activité lors de la pandémie. L’année dernière, à cette même période, nous étions vraiment inquiets : des contrats qui devaient se concrétiser ne l’ont pas été, et nous avons dû investir beaucoup dans le cloud sans retours immédiats. Cette année, bien sûr, ces investissements commencent enfin à porter leurs fruits.

 

Y a-t-il une taille minimum pour une entreprise souhaitant faire appel à vos services ?

À l’heure actuelle, les services dans le cloud coûtent 8 euros par mois et par téraoctet, avec un minimum de 100 To, ce qui inclut des copies redondées, et l’interface Vision pour la gestion des contenus, qui prend en charge un nombre illimité d’utilisateurs. Et il n’y a aucun frais de sortie (egress) pour les données. 800 euros par mois, avec une excellente expérience utilisateur, c’est un coût très abordable, y compris pour les structures les plus petites : nous avons des clients qui n’utilisent que 30 To sur 100, et ils y trouvent largement leur compte. Quant à nos solutions sur site, elles peuvent satisfaire les entreprises de toutes tailles.

 

On constate une grande tendance au montage dans le cloud. Y a-t-il des synergies possibles avec votre métier ?

Oui, grâce à notre interface S3 nous offrons des intégrations avec des acteurs comme Blackbird, LucidLink et Vidispine, qui proposent d’excellentes plates-formes de montage dans le cloud. Les monteurs peuvent ainsi travailler, sur site ou dans le cloud, tout en utilisant nos solutions. Il y a une évolution évidente vers le travail dans le cloud, même si dans les secteurs avec lesquels nous travaillons, je dirais qu’environ 50 % des utilisateurs retournent dans les bureaux. On aime être entouré de collègues, de pouvoir partager des idées, etc., donc si la possibilité est là, les gens auront tendance à en profiter.

Je l’ai moi-même constaté en novembre dernier au Satis, votre excellent salon, sur lequel nous exposions sur le stand d’Ivory représentant nos intérêts en France. Les visiteurs étaient impatients de se retrouver enfin, et je pense que c’est un phénomène qui aura des répercussions commerciales très concrètes, et qui viendra mitiger la tendance inverse, celle d’une grande migration vers le cloud et d’une dématérialisation générale. Selon moi, les structures hybrides auront le vent en poupe pendant encore au moins cinq ans.

 

Quelle est la prochaine étape sur votre feuille de route ?

Nous sommes en train de travailler sur une plate-forme cloud pour le marché américain, et rendons certaines de nos applications compatibles avec plus de solutions de stockage afin d’offrir plus de choix à nos clients. Nous avançons également sur la certification de nœuds de stockage très volumineux – notamment un nœud Seagate de 2 Po –, et étudions deux contrats potentiels aux États-Unis portant sur des archives de 100 Po accessibles rapidement. Nos efforts de développement visent principalement à aider les utilisateurs à mieux gérer leurs contenus et métadonnées, notamment en ajoutant de plus en plus de fonctions à l’interface Vision.

Et puis beaucoup de clients n’ont aucune envie d’être des intégrateurs, donc nous travaillons en étroite collaboration avec des partenaires français comme Newsbridge ou Embrace et leur solution Pulse-IT pour fluidifier les workflows, valoriser le patrimoine et simplifier les intégrations. Ce travail d’intégration aide nos clients, bien sûr, mais aussi nous-mêmes, puisque nos liens avec nos partenaires technologiques s’en trouvent renforcés.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #48 p. 46-48

 

Retrouvez Nick Pierce et toute l’équipe du hub de ressources et de services Ivory dans le Lounge Ivory, au 2ème étage du Dock PULLMAN , les 9 et 10 novembre, sur le SATIS aux Docks de Paris !

Obtenez votre accréditation gratuite > https://bit.ly/3yNojIF

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