“Le marché français n’est pas forcément représentatif de celui du reste du monde, le Micro 4/3 se porte plutôt pas mal au Japon et en Amérique du Nord, et il y aura toujours des fans comme moi de ces petits boîtiers extraordinaires signés Panasonic Lumix ou Olympus”, poursuit le vidéaste aguerri avant d’entrer dans le détail du test de ce boîtier…
L’arrivée du full frame chez Panasonic, ça m’a quand même fait un peu bizarre, eux qui ont basé leur marketing, depuis 2008, et la sortie du G1 sur le vieil adage qui dit que ce n’est pas la taille qui compte ! Ils nous ont suffisamment répété, preuve à l’appui, qu’il est possible de faire de très belles images avec un appareil photo qui ne vous démonte pas le dos quand vous l’emportez avec vous, équipé de ses gros objectifs.
J’ai succombé au Micro 4/3 dès l’arrivée du GH1 en 2009, ce petit boîtier a été pour moi le vrai premier hybride photo vidéo. Au travers des différentes évolutions, je me suis régalé à chaque fois de ces boîtiers toujours plus performants et qui restent compacts et légers. J’utilise le GH5 et le GH5s très souvent dans mes petites productions vidéo ; je les ai utilisés pour du clip, du documentaire, du corporate et ce sont vraiment des supers outils.
Quand Sony est arrivé en 2013 avec le premier Alpha 7, forcément ça a attiré mon attention. J’ai aussi apprécié les évolutions de ces boîtiers, mais j’ai toujours trouvé que leur ergonomie, tant matérielle que logicielle, m’embarrassait plus qu’autre chose. La puissance de la technologie embarquée ne fait pas tout à mon avis. J’ai eu la chance de faire partie de l’équipe des premiers beta testeurs du Lumix S1 en mars dernier, et même si mon premier contact a été délicat, je me suis laissé séduire petit à petit. J’ai passé plus de six mois avec le S1 dans une utilisation quasi quotidienne et je dois avouer qu’ils ont fait très fort. Ergonomie, confort d’utilisation, robustesse, qualité d’image, performances, tant en photo qu’en vidéo, je suis très impressionné !
Design et ergonomie
Il est clair qu’après nous avoir vanté la miniaturisation dans sa gamme Micro 4/3, Panasonic ne pouvait pas suivre la logique de Sony. Ils ont pris le contrepied et choisi de faire un boîtier qui inspire confiance, qui rassure les pros. C’est clair que quand j’ai un boîtier S1/S1H/S1R entre les mains, je me sens en pleine confiance, je peux ressentir la qualité de la construction, les soins apportés dans les choix des matériaux. Le design lui-même est fait pour rappeler la robustesse et la durabilité. J’ai malheureusement expérimenté une chute dans un pierrier avec le S1 qui n’a même pas eu une égratignure, contrairement à mes genoux. Pour moi, ces boîtiers ont été pensés pour séduire les utilisateurs des reflex de chez Canon ou Nikon qui n’auraient pas encore succombé aux charmes des boîtiers hybrides et de leur visée électronique.
Parlons justement de ce viseur, j’ai toujours eu un gros faible pour ce mode de visée ; certes la visée des reflex a son charme, mais elle a aussi beaucoup d’inconvénients ; le premier c’est de ne pas montrer la photo mais uniquement une image qui va de l’objectif au miroir et au prisme à l’ouverture maximale de l’objectif. Les notions de couleur, d’exposition et de profondeur de champ ne peuvent être vérifiés qu’après relecture sur l’écran des appareils photos numériques reflex.
Sur un hybride à visée électronique, le fait de voir les couleurs, l’exposition de la photo finale ainsi que la profondeur de champ de l’image que je suis en train de prendre sont autant d’arguments qui m’ont fait basculer il y a déjà longtemps. Le viseur de ces Lumix S est une pure merveille : 5,7 millions de pixels, un rafraîchissement à 120 images par seconde, on est vraiment très proche de ce qu’on peut voir dans une visée claire. Je lui reprocherai un rapport de contraste peut-être un poil trop élevé et un niveau de grossissement un peu en retrait, par rapport aux Nikon Z par exemple. La présence d’un petit bouton permettant de jouer sur le grossissement est par ailleurs super intelligente quand on a besoin de décoller son œil du viseur en cas de port de lunettes par exemple. La prise en main est exceptionnelle, tous les boutons tombent sous les doigts, le revêtement est agréable au toucher et après des heures passées à tenir le boîtier en main, je n’ai aucun reproche à faire.
Les différences
Les petites différences du S1H par rapport au S1/S1R sont assez minimes. Au final, ce n’est pas la révolution, la forme du boîtier est assez similaire, mais quelques détails changent de manière appréciable. Ce boîtier est déjà clairement plus orienté vidéo que ses prédécesseurs et, pour rappel, nous sommes en présence du premier boîtier hybride 24 x 36 capable d’enregistrer un flux vidéo en 6K à 24 images par seconde en 10 bits 4:2:0 à 200 mb/s en Log !
La première nouveauté, c’est le retour de l’écran orientable façon GH qui était pour moi une petite erreur de stratégie de la part de Panasonic. Je suis fan de ce type d’articulation et je pense que bon nombre d’utilisateurs de GH ne sauraient s’en passer. Mais le Lumix S1H va encore plus loin puisqu’il cumule l’orientation verticale commune à de nombreux hybrides Fuji/Sony/Nikon par exemple avec cette rotule qui permet de positionner l’écran sur le coté. Le truc malin, c’est que les ingénieurs d’Osaka ont réussi à trouver une petite parade à ce qui posait problème lorsque l’on a branché un câble HDMI, son micro et son casque. Sur les GH ça bloque complètement la possibilité de jouer avec la rotation une fois les câbles branchés. Là, sur le S1H, ce petit dégagement permet de conserver la rotation une fois les câbles branchés, malin !
Autre différence appréciable c’est le retour de l’interrupteur on/off façon Nikon avec un bouton rotatif sous le déclencheur, c’est beaucoup plus ergonomique que là où il était placé sur les S1/S1R. À noter qu’une position permet de déclencher le rétro éclairage de l’écran placé sur l’épaule gauche du boîtier ainsi que le rétro éclairage de certaines touches. Ce qui est fort pratique quand on filme ou qu’on fait des photos dans la pénombre. Les gens qui font de la photo ou vidéo de spectacle apprécieront ! Cet écran noir et blanc est tout simplement excellent, il permet d’un seul coup d’œil de vérifier bon nombre de paramètres de l’appareil : exposition, sensibilité, pré-réglage colorimétrique, niveau de batterie, mais aussi les vumètres audio par exemple.
Contrairement au S1 et au S1R, le S1H est capable d’enregistrer de la vidéo en 6K/24p (format 3:2), en 5,4K/30p (format 3:2) ou 5,9K/30p (format 16:9). Le format 3:2 est plutôt un format photo, mais il permettra de pouvoir recadrer verticalement son image à la verticale quand on veut sortir du 1:85. À noter aussi la présence des résolutions 4K DCI 4 096 x 2 160 que l’on ne trouve pas sur les S1/S1R. Le S1H est donc la déclinaison orientée vidéo/cinéma du S1, il en partage certainement le même capteur de 24MP, mais celui-ci est équipé d’un filtre passe-bas qui permet d’avoir moins d’effets de moiré et d’aliasing, surtout en vidéo. C’est un peu à l’inverse de la tendance actuelle des constructeurs, mais c’est pour moi un très bon point.
L’autre atout du S1H c’est son mode « dual iso » le capteur a donc 2 ISO natifs calibrés à 640 ISO et à 4 000 ISO. Ce qui veut dire que le boîtier aura un excellent rapport signal bruit à 640 ISO et à 4 000 ISO. Pensez préférer l’utilisation à 4 000 plutôt qu’à 3 200 par exemple. À 3 200, le capteur aura plus de bruit qu’à 4 000. En vidéo, le S1H va plus loin que le S1. Ces performances incroyables 6K, toutes ces résolutions et fréquences d’image disponibles sont notamment rendues possibles par la présence d’un circuit de refroidissement ventilé sur le capteur et l’électronique. Comme sur une caméra Red par exemple, on peut gérer le ventilateur et aller jusqu’à le couper pendant la prise pour éviter de gêner l’enregistrement du son.
Le S1 et S1R offraient deux supports d’enregistrement, un slot SD XC et un autre pour des cartes XQD. Le S1H propose lui deux slots SD. Si le XQD était un peu décrié par certains utilisateurs parce que les cartes sont plus onéreuses que les SD, c’est quand même un support plus robuste et beaucoup plus fiable qui permet des vitesses d’écriture et de lecture beaucoup plus élevées. Alors oui, à l’enregistrement pour les codecs internes, les performances des SD XC suffisent largement. Par contre pour copier le contenu de ses images sur un disque dur, c’est une autre histoire, le XQD et son évolution CF Express permet d’avoir des performances d’un tout autre niveau et je regrette ce choix. La prise synchro flash sert aussi de prise pour le time code et un adaptateur est fourni. Arrivée sur le GH5s, cette fonctionnalité est très utile pour ceux qui, comme moi, font de la captation de spectacle en multi caméras.
Les fonctionnalités
Le S1H va beaucoup plus loin que des frangins de la série Lumix S sur les fonctionnalités Vidéo que le S1 ; le mode ralenti, qui est assez limité sur le S1 car on n’a pas la possibilité d’accéder à certains réglages, est ici beaucoup plus agréable à utiliser. Comme le S1 et le S1R, le S1H a bénéficié de la stabilisation du capteur qui permet de gagner jusqu’a 6,5 diaphs ; c’est très impressionnant, je l’ai essayé en photo comme en vidéo. J’ai réussi à faire des photos avec une seconde de pause en mode night shot en ville !
En vidéo, j’avoue que je suis aussi très étonné par la fluidité que ça apporte à la prise de vues à main levée. Je ne suis pas fan de l’utilisation systématique des « gimbals » et j’aime bien quand les mouvements de la caméra restent un peu plus naturels. Avec cette stabilisation j’ai un résultat très satisfaisant, une caméra qui reste vivante sans pour autant être trop tremblante. L’autofocus me semble plus performant sur le S1H que sur les S1 et S1R en photographie, peut-être est-ce dû à la puissance du processeur embarqué. Panasonic annonce que le dialogue entre le capteur et l’objectif se fait à une cadence de 480 i/s et la mise au point prend environ 0,08 s.
L’appareil propose un système de détection des visages et des yeux qui fonctionne grâce à une technologie de « machine learning ». L’autofocus permet aussi la détection des animaux et un suivi qui reste opérationnel, même lorsque ces derniers se retournent et se retrouvent de dos. En mode rafale, l’appareil peut photographier à une cadence de 9 i/s sans suivi autofocus et 6 i/s en basculant sur le mode AFC. Il propose également un mode photo 6K à 30 i/s permettant d’extraire une image de 18 Mpx. Le mode photo 4K est toujours présent avec une cadence de prise de vue à 60 i/s. Comme toujours, trois modes sont proposés : rafale 6K/4K, rafale 6K/4K start/stop et pré-rafale 6K/4K.
Le S1H propose un mode d’enregistrement HDR via un codec spécifique H265 en HLG et un espace colorimétrique BT2020 qui permettra de proposer du contenu pour les écrans HDR. En plus de ses modes d’enregistrement haute définition, notons également sa capacité à enregistrer en 10 bits 60p en 4K/C4K HEVC grâce à un crop équivalent à un capteur super 35 mm. Le format 4K 30p 4:2:2 10 bits est enregistrable en H.264 dans son intégralité. Comme le S1, le S1H propose également les modes colorimétriques V-Log et V-Gamut dont l’espace colorimétrique dépasse le BT.2020. À noter que c’est le véritable V-Log de la Varicam qui est proposé et non pas la version light développée pour les GH.
Sur sa sortie HDMI, le Lumix S1H peut enregistrer des vidéos en 10 bits 4K 60p/50p 4:2:2 alors qu’en interne il faudra se contenter de 4:2:0.
Le codec permet aussi d’enregistrer dans une compression intra image allant jusqu’à 400 mb/sec. Le S1H est doté d’un vrai mode anamorphique 4:3, ce qui oriente vraiment le boîtier vers une utilisation cinéma. Panasonic a prévu de proposer le « desqueeze » de l’anamorphose dans le viseur ainsi que tous les marqueurs et indications de cadres. À noter qu’on peut aussi gérer des LUT comme dans une caméra beaucoup plus chère ; il est donc possible d’enregistrer en Vlog en interne, mais d’avoir une LUT dans le viseur. Par expérience, je préfère confier cela à un moniteur externe, le système interne a le mérite d’exister et fonctionne plutôt bien, mais j’apprécie le niveau de précision supérieur que je peux, par exemple, obtenir avec l’utilisation d’un écran enregistreur de chez Atomos comme le Ninja V.
À ce titre, Panasonic a annoncé, au salon IBC ou il présentaient un prototype, qu’il collaborait avec Atomos pour proposer bientôt une évolution du firmware via une mise à jour ultérieure qui permettra d’enregistrer avec le nouveau codec Apple ProRes Raw. C’est un Raw compressé de type Lossless qui offre toute la souplesse que peut proposer un enregistrement Raw, mais en conservant le débit des données équivalent d’un format ProRes 4:2:2 HQ.
Panasonic est ainsi le deuxième constructeur après Nikon à annoncer l’arrivée de ces fonctionnalités sur un boîtier hybride. C’est une très bonne nouvelle, ce qui va rendre ces boîtiers encore plus intéressants et ouvrir un champ des possibles quasiment infini à leur utilisation. Cette mise à jour est prévue pour 2020, je n’en sais pas plus au moment où j’écris ces lignes. Il sera alors possible de filmer jusqu’à 5,9K en 29,97p en Raw via la sortie HDMI. Cette fonctionnalité renforce une fiche technique déjà bien impressionnante au travers de caractéristiques qui rendent ce boîtier hors normes.
Retour d’utilisation et avis
Je n’ai passé qu’un mois en sa compagnie et je me suis régalé. Les petits défauts ergonomiques du S1 et le manque de fonctionnalités dédiées à la vidéo sont corrigés. Quand on a l’habitude d’utiliser le GH5 comme moi, c’est clair qu’il manquait des choses. Même si l’image du S1 est vraiment superbe. J’ai pris beaucoup de plaisir à l’utiliser et à travailler les images produites en postproduction. La colorimétrie, notamment sur les carnations, est d’une qualité rarement atteinte à ce jour sur une caméra à moins de 4 000 € TTC. La dynamique est vraiment chouette autant en photo qu’en vidéo, en prenant soin de bien exposer le V-Log, la latitude est digne de celle que l’on trouve sur des caméras beaucoup plus chères.
L’ergonomie rend l’utilisation du boîtier très agréable, ça reste celle d’un boîtier photo, mais on peut vraiment l’utiliser tel quel sans rajouter d’accessoires particuliers. Une main sur le grip, l’autre sur l’objectif et l’œil rivé sur l’excellent viseur, j’ai pu tourner des heures dans cette position qui m’est très naturelle puisque je fais aussi beaucoup de photographie. Côté photo justement, je trouve aussi le S1H un cran au-dessus du S1 ; la présence d’un processeur de compétition lui permet d’avoir plus de réactivité sur l’autofocus et la présence du filtre passe-bas apporte un petit quelque chose qui est très intéressant, notamment sur les peaux ; c’est très subjectif, une impression de douceur peut être ? Moi qui fais beaucoup de portraits, je suis vraiment comblé.
Pour moi ce S1H est, ni plus ni moins, une sorte de mini Varicam. L’idée de pouvoir embarquer dans un encombrement réduit dans mon sac photo, une véritable caméra cinéma à ce niveau de performances est un véritable bonheur. J’ai longtemps rêvé de ce genre de caméra. Elle n’a quasiment aucun défaut et, de mon point de vue, c’est en tout les cas le produit le plus abouti mis sur le marché à ce jour.
Article paru pour la première fois dans Moovee #1, p.38/41. Abonnez-vous à Moovee (4 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.