Réforme du crédit d’impôt : Eldorado ou méthode Coué pour les plateaux de tournage ?

« L’amélioration des crédits d’impôt, et notamment du crédit d’impôt international, attendue pour 2016 devrait, nous l’espérons, jouer en faveur des studios français », explique-t-on à la Ficam. Quels sont les premiers enseignements du C2I depuis sa mise en place en 2009 ? Sur 7 ans, 84 projets de 17 pays différents en ont bénéficié, générant un total de dépenses de 426 millions d’euros !
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Intégrer les effets visuels des films peut, par ricochet, permettre une utilisation accrue des studios de tournage par les productions internationales. Ce fut le cas pour le dernier Hunger Games tourné en partie en France, en 2014, avec une stratégie intéressante. Le premier choix s’est porté sur des décors naturels : les espaces d’Abraxas à Noisy-le-Grand en Seine-Saint-Denis pour figurer la ville de Panem.

« Au total, 16 millions d’euros ont été dépensés par la production durant les 17 jours de tournage en France, souligne le Pôle Média Grand Paris qui a encadré la logistique du tournage. Plus de 1,5 million d’euros ont été dépensés à Noisy-le-Grand, en plus des importantes retombées économiques sur le territoire avoisinant. Une trentaine d’habitants ont été employés par la production et de très nombreux prestataires techniques et loueurs de matériel de Seine-Saint-Denis ont été sollicités. »

Au-delà des décors naturels, la production s’est également installée dans les studios de Bry-sur-Marne en occupant pendant huit semaines un plateau de 1 000 m2 comme coverset du décor naturel de la Cité Abraxas de Noisy-le-Grand. Par ailleurs, sur la même période, les équipes des effets spéciaux de tout type se sont installées dans un autre studio de 600 m2, alors que d’autres plateaux étaient, eux, investis par la création de décors du film. Les Studios de Bry-sur-Marne ont donc servi de camp de base arrière pour les scènes tournées dans les environs immédiats.

Ces derniers semblent d’ailleurs bénéficier de l’effet crédit d’impôt (national) : « Nous avons un calendrier bien rempli sur les six premiers mois de 2016 – une situation que nous n’avions pas vécue depuis une dizaine d’années à Bry », rappelle Pascal Bécu, qui souligne également que « plusieurs films qui devaient être délocalisés vont finalement se tourner à Bry comme le prochain long métrage d’Albert Dupontel qui devait être tourné en Hongrie ». Autre grosse production à s’installer à Bry-sur-Marne, la saison 2 de Versailles : six mois d’occupation d’un plateau de 2 000 m2. « Même si le tournage était prévu, cela fait toujours du bien et stabilise l’activité ».

 

2016 : l’année des plateaux ?

Avec des longs métrages comme Iron Man 2, Hugo Cabret ou encore la saga Hunger Games, le producteur exécutif John Bernard, via sa société Jake Productions et son partenariat avec Peninsula Film, dispose d’une solide expérience des tournages étrangers en France. Selon lui, le territoire dispose de nombreux atouts qu’il convient de valoriser : « Il y a une réelle efficacité des équipes de tournage avec un savoir-faire impressionnant. En outre, les industries techniques sont extrêmement compétentes. Enfin, la réforme qui entre en vigueur en 2016 fait du crédit d’impôt international une vraie valeur ajoutée pour le territoire ». Il faisait d’ailleurs partie de la délégation présente à la première édition de Focus London, le salon international des lieux de tournage, sous l’ombrelle de Film France.

S’il n’évoque pas l’offre de plateaux de tournages dans la gamme des atouts, John Bernard en connaît pourtant bien la cartographie. Il a ainsi travaillé sur le dernier volet de la saga Hunger Games à Bry-sur-Marne. Il estime que le déclic va avoir lieu… cette année : « Jusqu’à présent, il y avait très peu d’intérêt à venir tourner en France sur un plateau, car c’était trop cher. La France était donc synonyme de lieux magnifiques et de patrimoine bâti qui sont très évocateurs à l’international. Après l’annonce de ce crédit d’impôt révisé qui vise le marché international, j’ai reçu plusieurs demandes et marques d’intérêt de productions anglo-saxonnes ». Autrement dit, les plateaux français deviendraient de nouveau intéressants grâce au C2L. Pas si simple.

 

… Sous conditions

John Bernard ne cache pas qu’il y a une différence majeure entre les studios à l’étranger et ceux disponibles en France : « Il faut bien comprendre que lorsque Pinewood décide de réaliser une extension, on parle de 20 000 m2 supplémentaires ! Nous sommes donc loin de jouer dans la même catégorie ».

Pour autant, il semble que même si, pour reprendre ses termes, « Tout Hollywood vient tourner à Londres », l’offre y soit, justement, de plus en plus limitée. Et la France pourrait prendre des allures de plan B. Son analyse est la suivante : « Toute base d’un avenir d’une vraie industrie cinématographique et audiovisuelle s’appuie sur des studios de tournage. La France a beaucoup de points forts, assortis d’un dispositif fiscal attractif ; il lui faut conserver et dynamiser ses plateaux ».

Outre le long métrage et plus particulièrement les blockbusters, John Bernard pointe le fait que la série de prestige, comme Versailles – tournée en partie à Bry-sur-Marne – est l’un des leviers de croissance pour les studios. On a souvent reproché l’étroitesse des surfaces des plateaux français, peu à même de rivaliser avec leurs homologues européens. Le fondateur de Jake Productions préfère avancer pour sa part que cette offre correspond aux besoins des productions qu’on lui soumet.

« Il y a des studios de grande qualité comme à Bry ou encore à la Victorine que j’ai utilisés pour le tournage du long métrage Absolutely Fabulous, comme base arrière de décor. L’initiative menée par Provence Studios à Martigues est très intéressante car il y existe de nombreux points séduisants pour des productions internationales : des paysages du sud, une météo clémente, la proximité de Marseille avec un pôle important et compétent d’industries techniques, mais aussi beaucoup de services intégrés. C’est tout le contraire d’Alicante : un très bel outil, mais personne pour y travailler et le faire tourner. Quel que soit le studio, le plus important n’est pas d’avoir un haut niveau technique mais d’être certain de compter sur des compétences humaines, des prestataires techniques à proximité. »

(1) L’intégralité de cet article relatif aux plateaux de tournage a été publié dans Mediakwest #15, pp16-22. Abonnez-vous à Mediakwest pour recevoir dès leur sortie les articles complets (5 numéros + 1 hors série Guide du Tournage).