L’UHD Alliance a été fondée début 2015 avec pour objectif d’encourager le développement des technologies vidéo autour de l’UHD et d’orienter les consommateurs vers de nouveaux équipements performants, basés sur les améliorations telles que le HDR, le color gamut étendu (WCG) ou l’audio immersif 3D. Elle regroupe à la fois des fabricants de téléviseurs (LG, Panasonic, Samsung, Sharp, Sony…), des diffuseurs de contenu (DirectTV, Netflix, Walt Disney, Warner Bros, The 20th Century Fox) et des spécialistes du traitement d’images et de la postproduction (Technicolor, Dolby).
Lors du dernier CES, l’UHD Alliance a annoncé la création d’un label, UHD Premium, destiné à certifier les écrans TV capables de reproduire les contenus UHD HDR dans des conditions optimales. Ces écrans doivent avoir une résolution de 3 840 x 2 160 pixels, un traitement et un affichage couleur sur 10 bits, reproduire les signaux HDR avec la courbe de transfert SMPTE ST-2084, un espace colorimétrique couvrant 90 % de l’espace DCI-P3 et une entrée compatible avec des signaux BT.2020. Pour chaque technologie, LCD ou Oled, l’UHD Alliance a défini les niveaux lumineux à respecter (voir tableau).
UHD Premium, un label de performances UHD mais incomplet
Des téléviseurs UHD sont déjà commercialisés avec une fonction HDR. Certains sont en dessous des spécifications et ne pourront prétendre au label. D’autres vont au-delà et très vite les constructeurs arboreront le sticker correspondant. Certains modèles 2016 chez Samsung, LG ou Panasonic ont déjà reçu le précieux label.
Pour l’instant les spécifications UHD Premium ne font référence à aucune technologie de codage HDR, même si elles sont très proches du HDR10. En effet, la bataille autour de la standardisation du codage HDR fait rage, dans l’attente des choix ou des recommandations par des organismes de normalisation ou des forums industriels. Des décisions devaient être annoncées au printemps 2016, mais elles ont toutes été repoussées à l’automne lors des prochaines réunions des instances respectives (ITU, EBU, DVB, MPEG, ATSC…). Depuis le précédent article publié dans Mediakwest#14, la situation entre les quatre technologies candidates à cette reconnaissance a évolué.
Le HDR10 en voie de généralisation
La Blu-ray Disc Association a publié, il y a un an, les spécifications du lecteur BR UHD en précisant qu’il devait permettre la lecture de contenus HDR basés sur la courbe PQ normalisée SMPTE ST-2084. En option, il peut aussi être compatible avec les autres technologies, comme celles de Dolby, Philips ou Technicolor. Dans la foulée, la CTA (Consumer Technology Association) a publié les spécifications minimales d’un écran vidéo pour être compatible HDR, regroupées sous le sigle HDR10.
Reprenant le choix du BDA, l’écran doit reconnaître la courbe normalisée EOTF PQ, avec lecture des métadonnées statiques selon la norme SMPTE ST-2086. La quantification couleur est de 10 bits par primaire avec un espace colorimétrique BT.2020 et un sous-échantillonnage couleur 4:2:0.
Ces spécifications sont reprises par beaucoup de constructeurs de téléviseurs et le sigle HDR10 devient plus présent, même si ce n’est pas toujours clairement indiqué. Pour des produits HDR déjà en vente, la reconnaissance des signaux HDR10 devrait être possible par une simple mise à jour du firmware. Avec une restriction importante, la présence d’un connecteur HDMI 2.0a, car c’est la seule version capable de transmettre les métadonnées statiques du HDR10. La mise à jour d’un connecteur HDMI 2.0 vers la version 2.0a ne semble pas possible à cause de différences hardware entre les deux versions.
Des constructeurs de TV « snobent » le Dolby Vision
De son côté, Dolby continue à promouvoir sa technologie propriétaire Dolby Vision en l’améliorant sans cesse, à la fois sur le volet production et sur la partie diffusion et affichage. Même si Dolby a signé des accords avec de nombreux fabricants de chips de décodage vidéo, seuls quelques constructeurs de téléviseurs, comme LG et Vizio, commercialisent des produits équipés Dolby Vision. Philips et TCL les rejoindront bientôt. Deux acteurs majeurs, Sony et Samsung, restent insensibles aux démarches de Dolby. Ils préfèrent des technologies HDR non-propriétaires en choisissant le HDR10.
Du coup un diffuseur de contenu comme Netflix, après avoir privilégié le Dolby Vision, annonce qu’une partie de son catalogue sera également disponible en HDR10. Lors d’un débat au cours du dernier CES, Hanno Basse, directeur technique à la 20th Century Fox Film Corp. et par ailleurs président de l’UHD Alliance, a déclaré : « Alors que la Fox a produit des films comme The Revenant et Le Martien en Dolby Cinema (technologie très proche du Dolby Vision), nous n’avons encore diffusé aucun contenu domestique en Dolby Vision. Nous préférons des standards ouverts comme le HDR10 ». Il est indéniable que Dolby Cinema et Dolby Vision sont largement répandus côté production, mais que face au HDR10, pour l’instant la bataille n’est pas encore gagnée.
On peut imaginer que le marché de l’écran TV se scinde en deux, avec d’un côté le cœur du marché choisissant le HDR10 avec un HDR de qualité standard et pour le haut de gamme des écrans dotés des derniers perfectionnements avec, entre autres, le Dolby Vision. Cette dernière permet, au moment de la postproduction, d’ajuster les multiples paramètres de l’image et de son rendu et de garantir leur transport jusque sur la dalle pour rester fidèle aux intentions du réalisateur. Le HDR10, plus simple dans sa conception, offrira également un bon rendu, mais sans la précision et la fidélité absolue aux réglages fins souhaités par les créatifs.
Il est à noter que les écrans équipés Dolby Vision sont compatibles HDR10, car ce codage est basé sur des éléments communs à la technologie de Dolby. Par contre, celle-ci exige une puissance de calcul obligeant à prévoir des chips dédiés. Les téléviseurs vendus actuellement avec des fonctions HDR ne pourront pas être convertis au Dolby Vision avec une simple mise à jour du firmware.
Anaïs Libolt, en charge de marchés broadcast et OTT chez Dolby, ne souscrit pas à cette vision élitiste du marché, avec le HDR10 pour le marché de masse et le Dolby Vision réservé au segment haut de gamme. Elle en veut pour preuve une démonstration, lors du dernier NAB, du système Dolby Vision implanté sur un téléviseur LG d’entrée de gamme vendu 1 000 $. Elle rapporte que des téléviseurs classés en dessous des spécifications UHD Premium seront sans doute commercialisés équipés Dolby Vision. D’ailleurs à la vue de certains défauts constatés, Dolby améliore encore ses algorithmes pour ajuster sur des modèles d’entrée de gamme, les niveaux reproduits en fonction des zones locales de rétro-éclairage.
D’un autre côté, il se murmure que le HDR10 sera peut-être doté de métadonnées dynamiques pour adapter les réglages scène par scène et en améliorer le rendu. La norme SMPTE ST-2094 est en cours de rédaction pour gérer les métadonnées dynamiques. Ce qui exigera de passer à une version 2.1 pour le connecteur HDMI. Le feuilleton est loin d’être terminé !
Le codage HLG doit confirmer ses performances
Même si on constate un accord autour du HDR10 pour l’équipement des téléviseurs, ce codage HDR n’est pas du tout adapté au broadcast, car il n’offre aucune possibilité de rétro-compatibilité avec le parc existant fonctionnant en SDR. C’est pourquoi la solution alternative du HLG (lire Mediakwest#14 pour les détails) continue d’être étudiée et d’avoir ses supporters.
Le consortium 4Ever a mené, en décembre dernier, un test de prises de vues HDR avec codage HLG lors de la représentation de La Damnation de Faust à l’Opéra Bastille. Les images captées avec la courbe HLG ont été comparées à celles fournies par le car de production dédié au direct, diffusées sur France 2. Les producteurs du Live et le directeur photo ont constaté que le signal HDR était intéressant et que sa version réduite en SDR correspondait à leurs attentes. Cela confirme la possibilité de filmer en HDR avec HLG et d’en récupérer un signal SDR identique à celui obtenu par un équipement traditionnel.
D’autres tests comparatifs sont menés en vue des décisions à prendre par les organismes de normalisation. Plusieurs rumeurs circulent, parfois de manière partisane, à propos des performances de la courbe HLG. Malgré l’avantage de la rétro-compatibilité et l’absence de métadonnées, le HLG serait vu comme un compromis entre le SDR et le HDR, offrant un SDR de qualité moyenne et un HDR moins performant que les solutions alternatives. Des tests ont révélé des décalages de couleur sur certains niveaux. Ce qui pousserait les créateurs du HLG à proposer non plus une seule courbe EOTF, mais plusieurs, adaptées à des situations d’éclairage différentes.
Néanmoins, plusieurs constructeurs ou éditeurs de logiciels montrent leur intérêt pour la courbe HLG. Sony a collaboré à certains tests avec des caméras prototypes exploitant cette courbe OETF. Sony, Canon et LG ont annoncé que certains de leurs moniteurs accepteraient des signaux codés avec la courbe HLG. Colorfront et Blackmagic proposent des mises à jour de leurs logiciels d’étalonnage pour traiter le HLG.
Fusion des propositions – Technicolor et Philips
Avec ses 350 chercheurs et ses 40 000 applications ou brevets déposés, Technicolor participe aux innovations technologiques autour de l’image et de la couleur. La société travaille sur le codage HDR, car elle pense que c’est un élément clef pour la perception des améliorations apportées par l’UHD. Dans ce domaine, elle s’appuie sur l’expérience acquise par les équipes des laboratoires Technicolor qui travaillent sur la création de contenus.
Pour la transmission d’un signal codé HDR, elle a conçu une architecture ouverture, constituée de briques technologiques servant au traitement du signal sur toute la chaîne de production et de diffusion. Sa solution est agnostique par rapport aux multiples courbes de transfert EOTF et fonctionne aussi bien avec la courbe PQ classique que les courbes des caméras comme le S-Log, le Log-C ou autres. Cela laisse aux équipes de production le choix de la courbe OETF la mieux adaptée au tournage.
Ensuite une opération de linéarisation est effectuée pour attaquer le tone-mapping (ajustement de niveaux). Puis le signal HDR linéaire est converti en SDR et un module de traitement calcule les métadonnées nécessaires pour reconstruire le signal HDR à partir du SDR.
Ces métadonnées accompagnent le signal SDR, mais sont très légères en termes de débit. Le signal SDR associé à ces métadonnées est envoyé dans le réseau de diffusion habituel. À l’arrivée, si le téléviseur est uniquement SDR, il décode les informations SDR comme pour un signal traditionnel. Si l’écran est HDR, un module reconstruit le signal HDR à partir du SDR et de ses métadonnées associées.
Ce module de reconstruction du HDR, s’il est externe au téléviseur, par exemple dans une STB, effectuera ce travail selon les paramètres transmis via la prise HDMI. Il tient compte du niveau lumineux maximal de l’écran et de sa courbe EOTF spécifique. Il adapte donc parfaitement l’image aux spécifications de l’écran et reste ouvert à tout type de courbe de transfert.
De son côté, Philips a conçu un système de codage et de transport du HDR sur des principes similaires. Dans le cadre de la fusion de leurs propositions, les deux sociétés ont choisi la meilleure solution pour chaque module de traitement de la chaîne HDR afin de déposer une candidature unique auprès des organismes de normalisation.
Importance de la conversion SDR vers HDR
Plusieurs annonces techniques sont centrées sur la conversion SDR vers HDR. Le premier objectif est la conversion de contenus SDR existants et de les « upgrader » en HDR pour alimenter les canaux de diffusion misant sur le HDR.
Ainsi l’Institut de recherches technologiques B<>com, en Bretagne, a développé une librairie logicielle de conversion SDR en HDR. BBright a présenté au NAB 2016 un player vidéo exploitant ce type de conversion. Technicolor propose aussi sa solution de conversion SDR vers HDR, dénommée ITM pour « Intelligent Tone Management ».
La seconde raison de l’intérêt porté à cette conversion SDR vers HDR se situe au niveau du téléviseur. Les émissions ou les contenus affichés sur un écran TV ne seront pas tous diffusés en HDR du jour au lendemain. Le passage d’un contenu SDR au HDR ou inversement va provoquer des écarts lumineux désagréables pour le spectateur. Si le téléviseur est HDR, il faut donc convertir les signaux SDR en HDR tout en respectant la dynamique initiale et sans créer d’artefacts visibles (effets de seuillage, décalage de couleurs). Ce module de conversion a donc son importance pour le confort visuel des spectateurs équipés d’un écran HDR.
Pourquoi pas de la HD avec du HDR ?
La généralisation de la diffusion en UHD durera plusieurs années, tant pour la mise à niveau des équipements de diffusion chez les broadcasters, que pour la montée en débit des réseaux pour la VOD et la création de contenus UHD. Vu l’importance des enjeux économiques autour du HDR et des moyens technologiques déployés, il n’est pas sûr que les industriels attendent tout ce temps pour rentabiliser leurs investissements, d’autant que les fabricants de téléviseurs avancent très vite dans l’adoption des technologies d’amélioration de l’UHD.
L’idée d’adopter le HDR pour les contenus HD fait son chemin afin de faire profiter les spectateurs de cette technologie dès l’acquisition d’un téléviseur UHD équipé HDR. Netflix, confronté aux limitations de débit de ses abonnés, envisage cette possibilité. Mais certains détenteurs de droits du monde du cinéma ont verrouillé la situation en associant, dans leurs contrats de diffusion, UHD et HDR.
Sous réserve de choisir un codage HDR rétro-compatible avec le SDR et sans augmentation importante de débit, des diffuseurs examineraient aussi cette combinaison HD et HDR car elle permettrait d’améliorer la perception visuelle de leurs programmes par rapport aux offres de VOD sans modifier leurs infrastructures actuelles. La question d’un codage HDR associé à une diffusion en résolution HD revient de plus en plus souvent dans les échanges entre industriels, chercheurs, forums technologiques et organismes de normalisation.
Face à la multiplicité des propositions techniques pour améliorer l’UHD avec le HDR, le HFR ou le WCG et à toutes les combinaisons inhérentes, il devient urgent que les organismes de normalisation et les forums industriels établissent des choix et proposent un nombre de profils limités. Cela donnera plus de visibilité au développement de l’UHD, tant du côté de la production et de la diffusion, que pour le téléspectateur qui souhaite changer son téléviseur.
* Cet article est paru pour la première fois, dans Mediakwest #17. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour recevoir, dès leur sortie, nos articles dans leur totalité.