Les laboratoires Eclair avaient installé un système de projection Eclair Color avec deux projecteurs Sony 515 en série et un projecteur Christie qui venaient d’Alès. Ce dispositif permet de gagner un diaphragme dans les hautes lumières.
Première table ronde
Introduction au concept technologique
Fabien Pisano (Sony) et Mathieu Leclercq (Mikros Image – Technicolor) ont fait une présentation technique des principes du HDR. Ils ont mentionné le film The Dig d’Andy et Ryan Tohill qui a bénéficié de ce procédé.
Ils ont rappelé que le HDR est surtout une chaîne de travail qui va de la préproduction à la projection. Le HDR implique une augmentation de la perception et de la dynamique des images, pour faire bénéficier au spectateur d’une meilleure expérience visuelle.
Depuis 2010, les caméras (Arri D20, Genesis Panavision) sont compatibles avec le HDR. La pellicule l’a toujours été. Aujourd’hui, nous disposons d’écrans dotés d’une forte luminosité et d’un grand contraste avec des niveaux de luminance plus élevés et des noirs plus profonds. Ils permettent de procurer une image plus proche du réel avec plus de place pour les valeurs spéculaires qui sont au-dessus de 90 % de la luminance. Jusqu’alors, la projection au cinéma est de 48 candélas au mètre carré et les écrans de télévision affichent 100 candélas au mètre carré. Tout le travail de la postproduction consiste donc à compresser les hautes lumières pour les faire « rentrer » dans cet affichage plus « réduit ». Le HDR permet la libération de cette contrainte et facilite ainsi le travail du chef opérateur et du réalisateur. En effet, dans le cas de décors possédant de forts contrastes entre l’intérieur et l’extérieur, il devient possible de s’affranchir de la pose de gélatines neutres sur les fenêtres par exemple. Il permet aussi de retrouver plus de couleurs et de teintes dans les hautes lumières.
Les valeurs d’éclairement en diffusion HDR sont souvent exprimées en nits, qui sont l’équivalent anglo-saxon des candélas/m2. Les écrans des salles de cinéma atteignent des valeurs d’éclairement de 100 nits et les écrans vidéo atteignent quant à eux des valeurs qui vont de 1 000 à 10 000 nits en ce qui concerne les technologies Broadcast et de 100 à 1 000 nits pour le grand public. En effet, les conditions de visionnage des images sont différentes sur les deux types d’écran. Au cinéma, l’environnement est obscur, ce qui n’est pas le cas des écrans vidéo.
Dans la vie, la vision de l’œil humain est adaptive et logarithmique. Les caméras sont toutes capables d’enregistrer une dynamique de luminosité qui excède la dynamique de l’affichage des images. Il manquait la possibilité d’enregistrer et de transmettre ces informations. En effet, depuis les années 50, le signal vidéo est encodé et restitué selon la norme ITU 709 qui offre peu de marge de manœuvre en termes de dynamique (environ 6 diaphragmes, encodés sur 8 bits). Désormais, des nouvelles courbes logarithmiques permettent d’encoder des valeurs allant jusqu’à 10 000 nits sur 10 ou 12 bits dans le cas de productions qui n’utilisent pas l’enregistrement en Raw. Ceci est rendu possible grâce aux nouvelles normes d’enregistrement comme la norme SMPTE ST 2084. Cette norme permet d’émuler une courbe Log PQ (PQ : perceptual quantiser). Cette dernière est une courbe absolue qui va permettre une relation directe entre les valeurs encodées de type logarithmique et les valeurs de luminosité en nits susceptibles d’être affichées sur l’écran. La courbe PQ permet d’encoder des valeurs jusqu’à 10 000 nits. C’est une courbe absolue, donc, si l’écran ne permet pas d’afficher les valeurs au delà de 600 nits, les valeurs encodées jusqu’à 10 000 nits ne pourront pas être affichées. Et ce, contrairement à ce qui se passait jusqu’alors avec les gammas 2,4 (TV) et 2,6 (Cinéma), avec lesquelles si l’affichage des images était plus étendu, la courbe se trouvait étirée. Cela posera donc le problème de savoir comment afficher toutes les valeurs enregistrées dans le master fait au laboratoire. La NHK et la BBC ont initié des courbes Hybrid Log Gamma encodées sur 10 ou 12 bits. Ces dernières sont en quelque sorte des courbes intermédiaires entre la courbe PQ et les courbes de gammas traditionnelles. Elles permettent un affichage optimal des images tournées en HDR sur un écran SDR (Standard Dynamic Range).
Ces différents systèmes évolueront-ils vers une norme de projection HDR pour le cinéma ? Les organismes DCI et SMPTE y travaillent. Les technologies de projection sont en pleine évolution. Barco a racheté une start-up (MTT Innovation) à Vancouver et arrive à obtenir des niveaux de luminosité très importants. Des murs de Led 4K certifiés DCI ont été mis au point par Sony (Sony Cristal Led) et Samsung (Samsung Cinéma Led) avec des luminances avoisinant les 1 000 ou 2 000 nits.
L’étalonnage du film doit bien sûr être adapté à la projection HDR. Cette opération prend une journée chez Eclair, par exemple à partir d’un étalonnage DCI standard. L’opération consiste à faire une « trim passe » vers la norme de projection HDR choisie. Il est bien sûr possible de faire un étalonnage HDR à partir des rushes originaux.
Il est très important de prendre en considération la luminosité de l’écran par rapport à son environnement : au cinéma 100 nits suffisent car l’environnement est contrôlé. En revanche, les écrans mobiles nécessitent 1 500 nits parce qu’ils se trouvent souvent dans un environnement plus lumineux. Il existe bien sûr des moniteurs de référence pour l’étalonnage en SDR et en HDR ; ces derniers obéissent à une norme quantifiée sur 10 ou 12 nits.
Les technologies d’écrans compatibles HDR
Les écrans LCD avec Backlight dynamique Led :
Ils offrent un contraste de 8 000 : 1, environ 400 nits, espace colorimétrique équivalent à environ 80 % de l’espace colorimétrique P3.
Les écrans Oled (LG) :
Ils offrent un contraste de 1 000 000 : 1, environ 850 nits, noir absolu, espace colorimétrique P3.
Les écrans LCD Quantum Dot (Samsung Qled) :
Ils offrent un contraste de 6 000 : 1, environ 1 500 nits, espace colorimétrique P3.
Certains téléphones Oled (iPhone X, LG, Sony).
La diffusion télévisuelle des images HDR
À la télévision, Canal +, Sky TV, Netflix, Amazon, Hulu (Disney) diffusent certains de leurs contenus en HDR. Les diffuseurs OTT (Over The Top, c’est-à-dire en diffusion par Internet) possèdent encore une liberté sur les normes HDR de diffusion et peuvent mettre quatre versions d’un même fichier à disposition, ce que ne peuvent pas faire des diffuseurs broadcast traditionnels. À terme, ce sera l’appareil de lecture et de réception des images qui choisira la norme qu’il utilisera. Il existe aussi des disques Blu-ray Ultra HD en HDR 10 PQ. En ce qui concerne la TNT, des consultations sont en cours au CSA et des tests mis en place.
À l’heure actuelle, il existe deux standards de diffusion qui fonctionnent avec des métadonnées statistiques :
Le HDR 10 : courbe PQ SMPTE ST 2084, métadonnées statiques SMPTE 2086, espace colorimétrique étendu REC 2020, sur 10 bits.
Le HLG : Hybrid Log Gamma, porté par la BBC et la NHK.
Ces standards de diffusions ne permettent pas d’avoir la certitude de la diffusion de la qualité des images telle que choisie au laboratoire.
Il existe aussi des standards de diffusion qui fonctionnent avec des métadonnées dynamiques :
Dolby Vision : courbe PQ SMPTE ST 2084, métadonnées dynamiques SMPTE 2086, espace colorimétrique étendu Rec 2020, sur 12 bits.
Philips-Technicolor : SL-HDR 1, métadonnées dynamiques, reconstruction du signal HDR d’après un signal SDR, espace colorimétrique étendu Rec 2020, sur 10 bits.
HDR 10 : équivalent du Dolby Vision, mais porté par Samsung, Panasonic et la Fox, c’est un standard ouvert.
Ces standards de diffusions, quant à eux, permettent un meilleur respect des décisions prises au laboratoire.
Évolution du workflow
Dans l’avenir, on fabriquera un master HDR auquel on fera subir une « trim passe » pour le convertir en SDR pour les besoins de certaines diffusions. Par exemple, Dolby propose une solution avec une « boîte » nommée CMU Dolby Vision Metadata qui est capable de faire une proposition de conversion du HDR vers le SDR. Il sera possible de modifier cette proposition, bien entendu. Tous ces systèmes fonctionnent avec des métadonnées dynamiques qui permettent d’adapter le signal au support d’affichage des images. L’inverse sera aussi assez courant car, dans un premier temps, il sera nécessaire de créer du contenu HDR.
Deuxième table ronde
La projection et la diffusion des images HDR
La table ronde était animée par François Reumont et réunissait Yves Angelo, directeur de la photographie, Cédric Lejeune, du groupe Eclair Ymagis, Julian Stanford, de Dolby, Philippe Lagrange, des Cinémas Gaumont Pathé, Eric Chérioux, de la CST, Pierre Andrivon, de Technicolor, Jean-Pierre Boiget, de Studio Canal, et Jean-Christophe Dekeyser, de Canal+.
Tout d’abord, le sujet des salles de cinéma fut abordé avec, en premier lieu, le système Dolby Vision. Il existe 320 salles Dolby dans le monde, soit ouvertes, soit signées, dont 33 en Europe, et dont trois ouvertes en France : à Massy, à Rouen, à Lyon. La majorité des salles se trouve aux États-Unis et en Chine. Pour Dolby, il est en général plus facile d’installer une salle dans un bâtiment neuf que d’aménager une construction existante.
Eclair Color revendique quant à lui 130 salles installées dans une dizaine de pays, majoritairement en France et en Allemagne, et affiche l’objectif d’installer une centaine de salles aux États-Unis dans l’année. Le système Eclair Color peut être mis en œuvre dans des salles plus petites et ne nécessite pas un environnement spécifique. Eclair mise sur le fait que les exploitants arrivent sur un cycle de renouvellement de leurs équipements et souhaitent acquérir des technologies d’avenir. Eclair ne se revendique pas comme un concurrent de Dolby, mais comme pouvant offrir une offre complémentaire plus facile d’accès.
Pathé Gaumont préfère le système Imax qu’il trouve plus performant. Imax travaille sur l’intégralité de la chaîne. Pathé Gaumont possède déjà sept salles en France dotées de cet équipement avec une projection laser, une en Belgique et dix salles sont en projet. Dolby est un partenaire plus récent ; seulement trois salles sont équipées, une autre est en projet à Nice.
Le système Eclair Color est présent dans trois salles parisiennes au Pathé Wepler, aux Gaumont Marignan (Sony) et Capucine (Barco).
Pour alimenter les salles en films HDR, il faut du contenu. Imax est capable de produire des films toute l’année, ainsi que Dolby. Eclair préfère équiper les salles en fonction du public et des films.
Jean-Pierre Boiget, de chez Canal+, souligne qu’en ce qui concerne les chaînes de télévision, c’est un peu le problème de la poule et de l’œuf. Il faut du contenu pour pouvoir le diffuser, le démarrage de la diffusion HDR se fait donc au coup par coup. Pour la télévision, il est compliqué d’être présent sur tous les standards HDR disponibles. Et puis, est-ce trop cher pour les films français ?
Dolby revendique un réel attrait du public de blockbusters pour les projections en Dolby Vision et son Atmos lui garantissant une expérience d’immersion. Eric Barbier, réalisateur de La Promesse de l’aube, a été conquis lorsqu’il a vu son film en Dolby Vision et son Atmos dans la salle de Massy.
Éric Chérioux, de la CST, annonce que les projections au Festival de Cannes ne seront pas en HDR parce qu’il n’y a pas de films dans la sélection qui soient en HDR. Par ailleurs, il faudrait changer l’aménagement de certaines salles parce que l’environnement de celles-ci est important pour garantir un rapport de contraste suffisant.
Des tests ont été effectués auprès des spectateurs, qui donnent dix points de satisfaction supplémentaires aux films projetés en HDR. Ils mettent en avant l’importance de la meilleure perception du son et des images.
L’équipement des salles de cinéma en HDR accuse un retard par rapport à l’équipement domestique en écrans de télévision HDR. Aujourd’hui, il existe 3,5 millions de postes de télévision UHD/HDR dans le monde, 30 millions sont annoncés pour 2020. En 2017, Netflix a diffusé 250 heures de programmes HDR et prévoit de porter ce chiffre à 500 heures en 2018.
Canal+ de son côté considère le HDR comme une évolution de l’UHD et comme une nouvelle expérience de l’image et du son pour ses clients. La chaîne travaille sur l’UHD depuis 2015. Canal+ tourne ses créations originales en UHD, les matchs de football sont filmés en UHD depuis 2017. Depuis cette année là, le cinéma et les documentaires sont aussi diffusés dans ce format.
La diffusion HDR nécessite un débit de 30 Mb/s et n’est possible que par un réseau satellite ou fibre. Elle prévaut sur les réseaux OTT. Les décodeurs Canal+ et les box des opérateurs sont maintenant dotés de puces capables de lire les différents standards HDR.
Pierre Andrivon, chargé de la normalisation HDR sur toute la chaîne chez Technicolor, explique que les normes NTSC aux États-Unis mutent vers le numérique. Un changement qui inclura le 4K, le HDR, le BT 2020 est en cours de finalisation. En Europe, des organismes comme le DVB (Digital Video Broadcasting) ou la SMPTE (Society of Motion Picture and Television Engineers) travaillent dans le même sens. Technicolor travaille avec Philips sur la transmission des données HDR avec des métadonnées dynamiques qui permettent un affichage fidèle des images. La norme Technicolor/Philips encode dans un signal SDR des données HDR. Ainsi, un seul flux permet d’alimenter les téléviseurs SDR et les téléviseurs HDR. Les seconds sont à même de lire et d’interpréter les métadonnées dynamiques contenues dans le signal et d’afficher l’image HDR telle que définie au laboratoire. Les premiers n’afficheront qu’une image SDR. Technicolor utilise aussi une norme unique HDR comme Dolby et Samsung et travaille à la mise au point d’une troisième voie qui se situerait au-dessus des courbes HLG.
Chez Studio Canal, un film est décliné en quatre masters : Dolby, HDR 10, UHD SDR, HD SDR. Les masters à métadonnées dynamiques prennent tout leur sens. Canal+, en tant que plate-forme, adapte ses formats au réseau de diffusion. La courbe PQ est privilégiée au moment de la production. Jean-Christophe Dekeyser de Canal+ appelle de ses vœux un format qui permette la déclinaison de toutes les sortes de HDR tout en respectant les intentions et décisions artistiques afin que le spectateur voie l’image que les créateurs ont souhaité lui montrer.
François Reumont se fait le porte-parole des directeurs de la photographie en expliquant que beaucoup d’entre eux regrettent que le HDR ne soit pas apparu d’abord avec la HD ou le 2K. La course à une plus grande définition leur importe moins que la qualité intrinsèque de l’image. Il souligne que la quantité de données générée par le HDR est bien moindre que celle générée par le 4K. Les diffuseurs répondent qu’ils sont dans une phase de correction et insistent sur l’importance de la bonne organisation de toute la chaîne de production des images autour du 4K HDR. Aujourd’hui, on assiste même à une inflation de la masse de données d’un fichier master de restauration par exemple qui doit être en 4K quantifié sur 16 bits. Netflix demande à ce que la qualité des fichiers DPX Raw 4K 16 bits étalonnés en ACES soit conservée le plus longtemps possible. C’est aussi la politique de Canal+ qui dialogue en permanence avec les productions pour que le suivi de qualité soit respecté d’un bout à l’autre de la chaîne.
Dans la salle, une question est posée sur le maintien de la qualité des projections de cinéma. Cédric Lejeune du groupe Eclair Ymagis, explique qu’Eclair a un programme de certification et signe avec les exploitants un contrat de suivi de l’environnement et des équipements de la salle. Cela concerne entre autres l’état de la vitre du hublot, la couleur des sièges, les écrans…
Troisième la table ronde
L’étalonnage et la postproduction en HDR
Avec : Peter Doyle, étalonneur (Technicolor Londres), Julien Bodard, étalonneur, Thomas Eberschveiler (FilmLight), Mathieu Leclercq (Mikros image – Technicolor), Thierry Beaumel (Eclair), Eric Martin (Hiventy).
Deux chapitres furent abordés : la restauration des œuvres de patrimoine et l’étalonnage des films actuels.
En préambule, Peter Doyle fit un état des lieux à propos des critères qui influencent et commandent les directions artistiques de l’image d’un film. Il cita les fabricants de projecteurs et de caméras, les studios (au sens américain de producteurs), les distributeurs, le marketing, le réalisateur, le directeur de la photographie. Il faut que tous ces « acteurs » se mettent d’accord. Il fit remarquer que l’utilisation de l’espace colorimétrique ACES permet un retour aux sources de l’étalonnage photo chimique. Le HDR permet selon lui de retrouver des vraies couleurs, des hautes lumières légèrement désaturées et de vraies basses lumières riches. Le HDR permet aussi d’avoir des copies prédictibles et contrôlées, ce qui correspond au but des constructeurs de matériel et des artistes : retrouver une image vraie.
La restauration des œuvres de patrimoine
Eric Martin a rappelé que la pellicule est un support HDR natif avec ses 14 diaphragmes de latitude. C’est la projection DCI qui ne l’était pas. Avec le système Dolby Vision par exemple, les noirs sont aussi profonds que ceux que l’on avait sur l’émulsion photo chimique. C’est un retour aux sources. Il n’empêche que la restauration des films en HDR, 4K et 16 bits log pose des problèmes de coûts et soulève des questions artistiques. Certains films ne se prêtent pas au HDR comme Les Aventuriers de Robert Enrico avec Alain Delon et Lino Ventura, ou Le Mur de l’Atlantique de Marcel Camus avec Bourvil, Peter Mc Enery, Sophie Desmarets et Jean Poiret. En revanche, Le Peuple migrateur de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud est parfait en HDR. Sur les films de patrimoine, Eclair fait des tests au préalable, le passage au HDR pose quelquefois des problèmes culturels. Peter Doyle souligne que le HDR est tout à fait indiqué pour les films en noir et blanc pour lesquels on retrouve la dynamique originale de l’image. Au-delà de ces considérations, un étalonnage HDR d’un film de patrimoine nécessite une supervision artistique ; or, la question se pose de la légitimité pour endosser cette responsabilité dans certains cas.
L’étalonnage des films actuels
L’Échange des princesses de Marc Dugain avec Lambert Wilson, Olivier Gourmet et Catherine Mouchet a été étalonné en HDR à partir d’un DCP SDR chez Eclair. Le master Eclair Color permet de décliner ensuite tous les standards de distribution vidéo ; en quelque sorte, il sert de fichier mezzanine.
Lors de l’étalonnage, il est important d’adapter l’image du film que les créateurs désirent au support de diffusion. Le HDR permet de retrouver une matière dans les noirs (ceux de la pellicule étaient plus profonds que ceux d’une copie DCI) et dans les hautes lumières, les couleurs de peaux sont plus naturelles, un étalonnage HDR permet une plus grande latitude de travail. Il est conseillé de le faire en premier à partir d’un fichier Raw natif. Il est souvent plus proche de l’image du tournage et plus respectueux du travail de la lumière du directeur de la photo.
Il subsiste quand même une petite différence entre la courbe d’acquisition des images et celle de diffusion. Le HDR constitue un retour aux sources de l’image.
Quatrième table ronde
La prise de vue
Animée par François Reumont, réunissait Rémy Chevrin, AFC, Romain Lacourbas, AFC, Danys Bruyère (TSF), Patric Leplat (Panavision), Mathieu Straub (Be4Post), Fabien Pisano (Sony), Quentin Bourdin, étudiant (ENS Louis-Lumière).
Rémy Chevrin a expérimenté l’étalonnage HDR pour le film Tout là haut de Serge Hazanavicius. Avec ce procédé, il a retrouvé la qualité de la neige dans l’image, trouvé la différence entre le SDR et le HDR… incroyable ! L’étalonnage HDR a été fait en premier. Lorsque le réalisateur a vu les images en HDR, le passage au SDR a été compliqué pour lui. Selon Rémy, certains plans nécessitent une lumière particulière en HDR, cela dépend de ce que l’on choisit d’enregistrer sur le fichier. Le HDR permet une bonne dynamique, une finesse dans les valeurs de blancs, sans brillance excessive.
Romain Lacourbas a tourné la série Marco Polo pour Netflix sans visualisation HDR sur le plateau. Il n’avait qu’une image en Rec 709, il a découvert son image en HDR au laboratoire Deluxe. Le coloriste avait fabriqué une LUT de visionnage, le master a été étalonné en HDR et ensuite lissé en SDR. Ce fut pour Romain Lacourbas une expérience fabuleuse avec un moniteur pouvant afficher 4 000 nits et une telle dynamique. Il a pu doser l’étalonnage en fonction des séquences.
Pour Mathieu Straub, le moniteur HDR est un élément de contrôle indispensable sur un plateau. Il permet d’assurer la continuité de la chaîne de travail. Si l’exposition est bonne, tout fonctionne en HDR comme en SDR. Le HDR permet à l’opérateur de se réapproprier la cellule et le spotmètre.
Patrick Leplat a lui aussi mis l’accent sur la visualisation sur le plateau. Le HDR est présent au tournage depuis toujours. Panavision a mis des courbes HLG qui permettent de passer du HDR au SDR sur des moniteurs de 1 400 nits fabriqués en Corée. Les courbes HLG et le HDR ne sont pas encore complètement normées. Durant cette période de transition, les équipes ont besoin de faire l’aller/retour entre les deux modes. La majorité des caméras n’est pas dotée de sortie HDR. Le DIT doit regarder les images enregistrées pour apprécier leur rendu en HDR, et ce poste n’est pourvu que sur 15 % des films… La norme 2083 va arriver très vite sur les caméras. Les moniteurs HDR deviennent abordables.
Selon Fabien Pisano, les images HDR peuvent avoir des destinations différentes (ciné ou TV), ce qui engendre plusieurs façons de travailler. De nouvelles technologies vont rapidement voir le jour sur les plateaux et en postproduction.
Le HDR crée des microcontrastes dans les basses lumières, cela induit le choix des filtres et des maquillages. La sensation des détails dans l’image est plus importante. En HDR, les contrastes sont plus importants et peuvent créer plus facilement de la stroboscopie lors des mouvements de panoramiques. À ce moment là, le réglage de la vitesse ou de l’angle d’obturation peut atténuer cet effet.
L’exposition sur les visages reste la même en SDR et en HDR. Le HDR permet une plus grande richesse de couleurs et une meilleure séparation entre celles-ci à l’étalonnage.
Danys Bruyère souligne qu’il va falloir adapter les couleurs des projecteurs à Led aux capteurs des caméras. Les réglages des gélatines numériques sont plus fins et précis que ceux permis avec les gélatines physiques. L’espace colorimétrique de la norme Rec 2020 est tellement grand, qu’aujourd’hui aucun projecteur à Led ne reproduit toutes les couleurs de cet espace. Les fabricants travaillent à faire évoluer leurs produits dans ce sens. Les projecteurs à Led permettent un dosage plus fin dans les basses lumières.
Rémy Chevrin : « Soyons les acteurs de ces nouvelles technologies et pas les victimes. En HDR, on retrouve par exemple toutes les nuances des pierres et de la neige, il faut que les opérateurs s’accaparent le HDR. »
Mathieu Straub : « Le HDR voit comme mes yeux. »
Patrick Leplat : « Pour une fois, on peut exploiter toute la dynamique des caméras. C’est un monde parfait où l’on peut tout voir. Il va falloir cacher, avant on révélait par la lumière, le paradoxe est de tenter de travailler dans la pénombre. »
Quentin Bourdin : « On retrouve la couleur de l’éclairage au sodium avec un étalonnage HDR ; cette technologie nous mène à être meilleurs. Les détails sont révélés dans l’image. »
Fabien Pisano : « Il n’a jamais été aussi important de choisir pour attirer le regard. En télévision, on retrouve les hautes lumières et un véritable pied de courbe en cinéma. »
Patrick Leplat : « Le numérique nous a restreints, plus maintenant. Le HDR numérique donne plus de travail à l’opérateur, car il a plus de choix disponibles ; cela l’oblige à un travail plus fin, plus complexe avec plus de possibilités de création. »
Quentin Bourdin : « Attention aux spéculaires dans les hautes lumières qui peuvent accrocher l’œil au détriment du visage. L’incidence des filtres et des optiques doit être testée. »
Avec le HDR, tout évolue : la résolution, l’espace colorimétrique, la vitesse. Cette accélération des avancées technologiques peut créer des confusions. L’EBU et la SMPTE ont mis au point la norme Rec 2100 pour la HD en HDR et la norme Rec 2020 pour le 4K en HDR. Il ne faut pas oublier de travailler sur tous les axes : télévision, téléphone, cinéma. Canal+ et TF1 étaient présentes lors de ce colloque ; les deux chaînes ont été sensibilisées aux problématiques des opérateurs.
Rémy Chevrin : « Il ne faut pas hésiter à partager ces nouvelles technologies avec les réalisateurs. »
En ce qui concerne la projection cinématographique, les normes ne sont pas encore édictées. Il existe, pour l’instant, trois systèmes différents :
– Dolby Vision
Double projecteur laser (avec Christie) dans une salle entièrement noire et dédiée à ce système.
Luminance maximum de l’écran : 106 nits en 2D, 48 nits en 3D.
Niveau de noirs minimum : proche de zéro.
Rapport de contraste séquentiel : 1 000 000 : 1.
Environ 130 salles dans le monde (90 USA, 30 Chine, 10 Europe).
Le mastering Dolby Vision ne peut être effectué qu’à Londres (Dolby) ou à Los Angeles (Technicolor et Deluxe).
– Eclair Color
Technologie Sony SXRD (une ou deux projections stackées en fonction de la taille de l’écran) ou Barco Laser 4K.
Luminance maximum : 103 nits en 2D.
Niveau de noirs minimum : 0,01 nit
Rapport de contraste séquentiel : environ 8 000 : 1.
Environ 70 salles : 35 France, 35 Allemagne.
– Imax
Technologie laser dans un environnement contrôlé.
Technologie laser 4K basée sur un brevet Kodak.
Luminance maximum autour de 100 nits.