La réputation d’EditShare s’est construite sur la qualité de leurs solutions de stockage partagé en réseau et de flow, un outil de gestion des médias. L’entreprise a été fondée en 2004 et son siège social est localisé à Watertown dans le Massachusetts. Des bureaux en Australie, à Los Angeles et à Londres renforcent la présence internationale de la marque. Stephen Tallamy, CTO d’EditShare, nous guide à la découverte de l’importante étape de son évolution. Notre dossier consacré au montage dans le cloud illustre le bien-fondé de ses choix.
Comment avez-vous évolué de la conception de stockage sur site à une offre de solutions cloud ?
Nous explorions déjà depuis quelques années les possibilités du cloud, mais le défi consistait à faire adopter cette technologie par les utilisateurs. La pandémie a été un accélérateur dans notre évolution, un facteur incitatif indéniable. Une large partie de nos clients utilise désormais le cloud comme infrastructure de montage ou comme extension de leurs stations de travail sur site. Certains optent pour une combinaison d’outils sur site et dans le cloud.
Que recherchent les utilisateurs avec le cloud ? Comment souhaitent-ils l’utiliser ?
Souvent, lorsque nous parlons aux monteurs, ils souhaitent travailler exactement de la même manière dans le cloud que sur site : « Je veux juste continuer à utiliser les mêmes outils ». Il existe plusieurs façons d’arriver à ce but. Le moyen le plus simple que nous avons trouvé avec une majorité d’utilisateurs c’est de transférer effectivement leurs stations de travail dans le cloud, d’y déplacer leur stockage, et plus simplement tous les éléments nécessaires. Ils travaillent depuis le cloud en utilisant une solution de pilotage à distance PC over IP. Cela répond aux attentes de celles et ceux qui souhaitent retrouver exactement leurs méthodes de travail mais qui ont besoin du cloud parce que leurs équipes informatiques n’investissent plus dans des serveurs de stockage sur site.
Hormis les besoins de la pandémie, y a-t-il d’autres raisons qui incitent les utilisateurs à travailler dans le cloud ?
Des clients s’adressent à nous en louant la qualité de nos serveurs « sur site ». Ils nous disent : « Nous n’avons aucun problème avec vos serveurs, mais nous ne souhaitons plus investir autant dans des structures fixes. » Ils sont à Manhattan ou dans des lieux où le coût de l’immobilier est prohibitif. La majorité de leurs équipes ont télétravaillé en se connectant parfois à distance à ces équipements coûteux. Effectivement ! Pourquoi ne permettrions-nous pas à ces personnes de travailler régulièrement à distance, en déplaçant les équipements et l’ensemble des services dans le cloud.
Pourquoi continuez-vous dans ce cas à proposer des solutions fixes ?
Certains usages imposent des équipements fixes. L’étalonnage nécessite un environnement maîtrisé avec un moniteur et un éclairage précis et calibré. Nous avons toujours un mix de ces types d’utilisateurs. Un workflow offline/online peut être parfois mis en place avant l’étalonnage. Les fichiers offlines sont exploités dans le cloud. Le montage « online » est reconstitué en rapatriant la séquence préparée dans le cloud et en reliant les fichiers haute résolution.
Quelles autres solutions proposez-vous hormis le transfert complet des stations et du stockage dans le cloud ?
Une autre option consiste à travailler à partir de proxies. Certains utilisateurs apprécient ces solutions, d’autres non. Ils ne sont parfois pas habitués à travailler ainsi, ni même à utiliser des MAM (Media Asset Management). Un des avantages évidents lorsqu’on place une station de travail et son stockage dans le cloud, c’est de pouvoir glisser et déposer simplement les médias dans une station de montage et travailler exactement comme avant. Alors qu’avec un workflow proxy, un outil de gestion des médias est nécessaire pour le transcodage et l’organisation des liens entre les clips et les médias. Dans la catégorie des solutions exploitant les workflows proxy, il y a les solutions de montage entièrement Web. Ce n’est pas un domaine que nous souhaitons explorer ; nous préférons alors nous associer à des sociétés comme Blackbird, dont la solution est très populaire. Nous souhaitons nous concentrer sur le stockage et la gestion de médias, en adaptant nos solutions dans le cloud ou aux workflows hybrides.
Avez-vous déjà mis en œuvre des workflows hybrides ?
Nous avons signé un contrat avec un important broadcaster australien pour un système multisite où les fichiers haute résolution seront stockés sur site (On Premise), alors que le MAM sera hébergé dans le cloud. Le cloud sera le point central de contrôle des stockages locaux. Ils pourront générer des proxies à distance et travailler dans le cloud via un workflow proxy. C’est un modèle de solution hybride très intéressant, qui est représentatif, je pense, des usages à venir.
Que se cache-t-il derrière la solution Flex ?
Nous avons annoncé au dernier NAB la solution Flex qui combine notre stockage et nos produits de MAM associés à quelques « ingrédients » nécessaires à son bon fonctionnement. C’est l’aboutissement des deux dernières années consacrées à répondre aux attentes de nos utilisateurs en observant leur approche et leurs attentes du cloud. Nous avons ciblé les outils utiles qui évitent les frictions et apportent de la flexibilité, d’où le nom « Flex ».
De nombreux clients ne souhaitent pas une solution rigide pouvant être déployée uniquement dans un environnement cloud. Nous permettons aux personnes disposant d’un contrat cloud d’y déployer notre solution. Mais pour nos nombreux utilisateurs qui n’ont pas les compétences du cloud, nous avons conçu les outils pour en automatiser la gestion. Nous avons assuré un accès à la solution ultra simple. Les utilisateurs recherchent une maîtrise de la sécurité, du coût et de la complexité de la solution. Ce sont les ingrédients que nous avons mis dans Flex pour que la solution soit simple à adopter. L’ensemble des fonctionnalités de Flow sont proposées à distance avec AirFlow, notre outil Web. Il peut orchestrer l’archivage, la restauration, la transcription et de nombreux process pris en charge par Flow.
Quels sont les ingrédients supplémentaires que tu évoques ?
Lors de la configuration d’une station de montage cloud, nous laissions la possibilité à nos clients d’apporter leurs stations de travail, leurs outils d’analyse ou de chargement de médias dans le cloud. Nombre d’entre eux n’en avaient pas et ne connaissaient même pas leur utilisation. Nous avons conçu des packages d’options avec des accélérateurs de fichiers préinstallés pour diriger les médias vers les stockages EditShare ou d’autres emplacements. Cela correspond à notre engagement « haut de gamme » envers nos clients. Lors de l’utilisation de stations de travail auxquelles les utilisateurs accèdent à distance, un challenge consiste à proposer un outil de gestion basique facilitant l’accès au système pour les utilisateurs finaux sans connaître les adresses IP, les mots de passe administrateurs ou la syntaxe IT.
Nous avons également packagé le Territory Cloud Access Manager. Il permet de gérer un ensemble de stations de travail. Basé sur un active directory, il simplifie sensiblement l’assignation de stations à des utilisateurs. Ils choisissent leur station de travail et peuvent l’allumer à distance si elle est éteinte. Financièrement, les stations de travail représentent un des éléments les plus onéreux car les machines proposées dans le cloud sont plutôt haut de gamme. La possibilité de pouvoir allumer les machines uniquement lorsque les monteurs les utilisent permet une réelle économie. Nos packages ne sont pas obligatoires, nous pouvons également recommander d’autres solutions de partenaires pour compléter l’offre de Flex.
Que fait un outil d’accélération de transfert ?
À la place d’un transfert traditionnel en technologie TCP, où on doit attendre le transfert de chaque fichier, le protocole UDP utilise autant de bande passante que possible pour expédier les fichiers le plus rapidement possible vers le cloud. Nous avons choisi d’intégrer l’outil le plus simple que nous ayons trouvé : Expedit Cloud. Il présente l’avantage d’être proposé sur l’AWS marketplace, il est léger et très simple à intégrer à la solution.
Une solution Flex peut-elle être installée dans le cloud ou sur site ?
Flex est une solution purement cloud. Si un utilisateur souhaite les mêmes fonctionnalités sur site, il peut choisir nos stockages EFS et notre MAM Flow. Avec Flex, nous avons dissocié notre offre logicielle du matériel. Pendant la pandémie, nous avons également effectué une transition depuis notre propre hardware « custom » vers une plate-forme HP. La même couche logicielle est utilisée dans le cloud ou sur site. Nous avons construit notre système de fichier pour qu’il soit entièrement extensible. Il fonctionne également parfaitement dans le cloud et permet aux solutions de grossir ou réduire à la demande.
Les utilisateurs des solutions sur site peuvent bénéficier de certains éléments de Flex. Par exemple, s’ils exploitent des fichiers haute résolution et ont juste besoin d’une archive dans le cloud, ils peuvent utiliser le Flex Cloud Sync qui simplifie l’envoi de médias vers un Bucket S3 ou un autre emplacement cloud. Les librairies sur LTO ne sont plus nécessairement la solution idéale, les stockages objets sont intéressants. Lorsque des médias sont dans un Bucket S3, de nombreux outils peuvent leur parler et effectuer différentes actions grâce à l’intelligence artificielle ou le machine learning. C’est un autre bénéfice du transfert des archives vers le cloud. Certains de nos utilisateurs qui ont transféré leur archive ainsi ont investi dans une solution de montage dans le cloud Flex pour pouvoir en cas de besoin y effectuer une partie de leur montage.
Est-il possible d’envisager le cloud comme solution en cas de problème sur une infrastructure technique de production ?
Un autre cas d’usage intéressant est effectivement la mise en place d’un PRA (plan de reprise d’activité) en cas de problème d’exploitation. Si les médias sont habituellement manipulés sur site, mais une copie faite dans le cloud, un environnement de travail peut aisément être déployé pour permettre rapidement la reprise de la production.
Comment commercialisez-vous la solution ?
Nous avons compris que la maîtrise des coûts du cloud pouvait être complexe pour les utilisateurs car de nombreux facteurs sont variables. Cela peut être un avantage pour réduire les coûts d’exploitation, mais nous avons également proposé des offres pour simplifier les usages incluant par exemple 25 To de stockage pour cinq utilisateurs, 50 To pour dix utilisateurs, etc. Lorsque nous vendons des équipements physiques, nous incluons les coûts matériels et logiciels. Notre marge est faible sur le matériel et dans le cloud elle est inexistante, il n’y a pas de matériel ! Nous proposons un modèle d’abonnement renouvelable et certains de nos partenaires proposent différents packages. Nous commercialisons généralement nos solutions par l’intermédiaire de partenaires de distribution.
Vos clients ont-ils la possibilité d’utiliser leur propre stockage cloud ?
Flow a toujours permis de se connecter à une large gamme de solutions de stockage. Cela reste vrai avec Flex. Il y a de grandes différences entre les stockages cloud, les Glaciers S3, les stockages objet et les autres stockages en ligne qui autorisent le montage. Nous pouvons nous connecter directement à un S3, mais la latence n’est pas constante et souvent trop importante pour la vidéo. Nous proposons donc un workflow proxy qui autorise de travailler majoritairement selon un workflow proxy sur différents systèmes de fichiers en garantissant une latence suffisamment basse. La résolution est beaucoup plus faible mais le coût du stockage moindre. Lors du rendu, il suffit d’utiliser la fonction de bascule des proxies vers les fichiers natifs. La latence n’est pas un problème pour l’export.
Proposez-vous des installations intégrant les logiciels de montage ?
Les utilisateurs doivent toujours apporter leurs propres licences, que ce soit pour DaVinci Resolve, Premiere Pro ou Media Composer. Nous n’incluons pas les logiciels dans la solution. Lorsque les utilisateurs accèdent aux stations de travail, ils peuvent y installer ce qu’ils souhaitent. Le logiciel EditShare, nativement installé, permet la connexion au stockage et au MAM Flow.
Êtes-vous compatible avec Adobe Premiere Pro, DaVinci Resolve et Avid Media Composer ?
Flex et Flow sont complètement compatibles avec tout type de station de montage. En fonction de la version de Media Composer, il peut être nécessaire d’acquérir une licence additionnelle auprès d’Avid pour que le logiciel fonctionne dans un environnement virtualisé.
Peut-on gérer l’attribution d’espaces de stockage pour différents clients, différents projets ou différentes productions ?
Comme avec nos solutions sur site, les administrateurs ont le contrôle total des espaces de stockage qu’ils veulent allouer aux utilisateurs. Le panel EditShare, qui est également disponible aux utilisateurs sur site, est une sorte de loupe sur le système Flow qui permet d’explorer les médias. Une grande partie de la préparation des rushes peut passer par les outils Web, comme AirFlow. Avant même d’utiliser une station de travail, un producteur, un assistant monteur ou un monteur peuvent créer des chûtiers, ranger les médias et y placer des marqueurs.
Lorsque le monteur termine son montage, peut-il proposer le visionnage de son film à distance ?
Avec Flow, un monteur peut envoyer son film pour validation à distance. AirFlow étant en licence flottante, il peut être utilisé ponctuellement pour le visionnage d’un film à distance. La personne en charge de la validation peut ajouter ses commentaires auxquels le monteur accédera via l’onglet « review ». Les différentes versions générées lors des échanges de validation restent accessibles. Un panel fonctionne dans DaVinci Resolve et Adobe Premiere Pro, qui bénéficient tous les deux d’un framework de plug-ins, à la différence d’Avid Media Composer.
Peux-tu présenter les atouts de la solution Flow ?
Nous avons conçu Flow pour être très simple d’utilisation. Nous disons toujours : « C’est simple, mais puissant ! ». Il existe des MAMs très puissants, mais ils nécessitent une longue et coûteuse intégration. Nous n’avons pas poussé la simplicité de Flow à tel point qu’il ne dispose pas de toutes les fonctionnalités. Sa puissance permet de configurer de nombreuses opérations pour le montage offline/online, les transcodages, les déplacements, etc. Flow autorise une intégration directe et complète avec Avid Media Composer, c’est une de nos forces, mais aussi avec Adobe Premiere Pro et Blackmagic Design, DaVinci Resolve. Flow fonctionne aussi bien dans le cloud que sur site. Dans le cloud, des outils d’intelligence artificielle ou de transcription sont accessibles simplement, ces fonctionnalités sont également possibles sur site.
Proposez-vous des solutions pour l’archivage ?
Flow peut s’occuper des transferts vers le stockage d’archives. Nos serveurs de stockage sur site peuvent se connecter à des librairies sur bandes. Nous travaillons également avec tous les fournisseurs d’outils d’archivage dont Object Matrix. À la fin d’un projet, nous proposons d’archiver l’ensemble des médias de l’espace médias qui était dédié.
Quels sont vos principaux clients ?
Nous travaillons avec des agences gouvernementales, des sociétés de production, des institutions éducatives comme la National Film and Television School en Angleterre, des télévisions publiques, et de nombreuses entreprises. Fender réalise l’ensemble de ses vidéos éducatives avec un système EditShare.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #48 p. 68-72